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Claire Genoux, invitée de Tulalu!? au Lausanne-Moudon

Publié le 03 novembre 2014 par Francisrichard @francisrichard
Claire Genoux, invitée de Tulalu!? au Lausanne-MoudonClaire Genoux, invitée de Tulalu!? au Lausanne-Moudon

Claire Genoux est l'invitée ce soir de l'association littéraire Tulalu!?. Cette rencontre a lieu, c'est devenu un rite, au premier étage du Lausanne-Moudon, où, sur les murs, des lèvres incarnates semblent murmurer (ou esquisser des baisers) dans le dos des intervenants...

Jusqu'à cette année Claire Genoux a surtout publié des recueils de poèmes et, quelque peu espacés dans le temps, deux recueils de nouvelles. Son premier roman, La Barrière des peaux, a paru cet été, aboutissement de trois ans de travail. Un travail qui n'en est pas vraiment un, puisqu'écrire lui procure beaucoup de plaisir.

Le titre de ce roman lui est venu avant de l'écrire - ce n'est pas toujours le cas - et l'a guidé dans sa rédaction. Il s'agissait pour elle de créer un personnage, Luna, qui éprouve le besoin de franchir la barrière des peaux qui l'emprisonnent, sa peau au sens propre bien sûr, son enfance dont elle a du mal à se défaire, l'image qu'elle donne d'elle-même aux autres et qui la fait douter d'elle.

Claire Genoux a mis certainement une part d'elle-même dans cette jeune femme compliquée, à qui elle espère cependant ne pas trop ressembler. En cours de rédaction, elle tombe sur la phrase de Marguerite Duras qu'elle a mise en épigraphe au livre, et qui la confirme de poursuivre dans la voie qu'elle a prise en offrant l'occasion à son héroïne de se révéler peu à peu à elle-même et de se dévoiler en partie au lecteur:

"Ce n'est pas qu'il faut arriver à quelque chose, c'est qu'il faut sortir de là où l'on est."

Comment doit donc s'y prendre une poétesse et une nouvelliste sans expérience pour écrire un roman? Claire Genoux commence par écrire dix nouvelles de dix pages. C'est à ce moment-là que Giuseppe Merrone, patron de BSN Press, lui propose d'écrire une autre nouvelle, noire celle-là, à paraître dans un recueil collectif intitulé Léman noir.

Cette nouvelle intitulée La faiseuse d'ange sera une fin violente toute trouvée, moyennant adaptation, au roman qu'elle est en train d'écrire en fondant les unes dans les autres les nouvelles déjà écrites et qui ne sont pas, elles non plus, exemptes de violence, encore qu'il faille préciser que le pire et le meilleur s'y côtoient, comme dans la vraie vie.

Ce texte noir, final, reprend un des thèmes qui préoccupent Claire Genoux, celui du déni de grossesse, de l'histoire d'un être étranger qui prend corps dans celui d'une femme et le déforme. Histoire qui n'est pas indépendante des histoires de ceux et de celles qui l'ont précédé sur terre. Ce petit être apparaît en noir et blanc sur les échographies, mais, en réalité, il est rouge, il est sanguinolent, et il pompe sa mère, comme un parasite... Claire Genoux n'en est pas moins la mère heureuse d'une petite fille dans la vraie vie...

La romancière reste poétesse. Elle écrit donc La Barrière des peaux avec un souci de précision des mots - dont aucun n'est superflu - et un souci de leurs sonorités qui font de ce roman une véritable oeuvre poétique en prose. Ce souci des sonorités se retrouve dans le choix des noms des personnages, tels que celui de D, simple lettre désignant un écrivain célèbre, dont l'art de fumer une cigarette est d'un érotisme subjuguant Luna (qui s'appelait Chloé dans une première version, comme son compagnon Rémi s'appelait Micha, ce qui ne convenait pas au chant du texte).

Quand la comédienne Stéphanie Kohler lit des passages du roman, elle opte pour un registre sobre qui est le ton juste à imprimer à la musique d'un tel texte, musique dont les mots sont les notes et sa voix l'instrument.

Claire Genoux est, par ailleurs, en train d'écrire des poèmes, qui racontent, bien que séparés les uns des autres, une histoire... romanesque. Pour elle, il n'y a décidément plus de frontière entre les genres... et c'est pourquoi ses poèmes seront plus proches de la prose que du lyrisme...

Cependant la poétesse et la nouvelliste découvrent que naît autre chose sous la plume de la romancière qu'elle devient. Car, comme il y a plusieurs couches de peaux qui emprisonnent Luna, il y a plusieurs histoires qui prennent vie en écrivant un roman: celle qu'elle écrit, celle d'elle-même écrivant, mais aussi une autre, cachée, autonome, née de l'écriture, et qui se révèle mystérieusement prémonitoire...

Claire Genoux sait bien que la vie terrestre a une fin. Certains n'y pensent pas ou feignent de n'y pas penser, d'autres, comme elle, pensent qu'il faut être d'autant plus présent au présent, et qu'il faut, puisque perdre est à la fin inéluctable, gagner tout ce qu'il est possible dans l'intervalle. Ecrire, qui plus est des romans, ne le permet-il pas?

Francis Richard


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