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Notation par des couleurs : carton rouge pour Najat Vallaud-Belkacem

Publié le 19 novembre 2014 par Soseducation

De Jean-Rémi Girard, Secrétaire national à la pédagogie du SNALC-FGAF.


Haro sur les notes! Grande conférence sur l’évaluation, visite d’un «collège sans notes», recours à la «docimologie», sondage sur même pas 600 parents aboutissant… à rien du tout au vu de la façon de poser les questions: on y est, on va y arriver, la méchante note chiffrée va enfin crever. Tous les éléments de langage sont bien en place: elle est «injuste», elle est «stigmatisante», elle est «décourageante», elle mine la «confiance en soi», et — horresco referens — elle n’est pas «bienveillante».

D’aucuns pourraient trouver qu’on se donne beaucoup de mal pour pas grand chose, voire qu’on fait complètement fausse route à vouloir absolument psychologiser un instrument d’évaluation.

La mauvaise note inquiète les parents ? C’est son but ! Elle est là pour montrer que l’élève ne maîtrise pas quelque chose, et que oui, c’est inquiétant, car cela risque de poser problème.

La note n’est pas toujours parfaitement objective? Qui en doute? Nous, professeurs, sommes des êtres humains évaluant des travaux d’autres êtres humains, et non des machines. À moins de ne faire que des questionnaires à choix multiples (ce jour-là, je démissionne), il est bien évident qu’il va y avoir des variations. Accessoirement, demandez aux chantres des compétences si c’est objectif d’évaluer des choses telles que «Manifester sa compréhension de textes variés, par des moyens divers» (plus précis tu meurs!) ou encore «Manifester sa curiosité pour l’actualité et pour les activités culturelles ou artistiques.» (évaluer la curiosité, voilà une idée géniale!)? Ce sont là pourtant des compétences officielles du socle officiel avec lequel on veut très officiellement nous soûler. Nul doute que des critères objectifs absolus vont soudain apparaître dans le ciel pour évaluer les compétences propres de chacun, et qu’on ne mettra pas un point vert en maîtrise de la langue française à un élève qui fait une faute tous les trois mots (on le met déjà, en fait, et on ose appeler ça une évaluation plus précise).

La mauvaise note inquiète les parents? C’est son but! Elle est là pour montrer que l’élève ne maîtrise pas quelque chose, et que oui, c’est inquiétant, car cela risque de poser problème. Je préfère clairement ça à des systèmes qui, alors qu’ils prétendent s’attacher davantage aux compétences de l’élève, en arrivent finalement à des listes de points verts et rouges où tout est mis sur le même plan dans un livret abscons.

La mauvaise note décourage les élèves? Non, c’est l’échec qui les décourage, pas le fait de le leur révéler. Ce qui les décourage, c’est que lorsque l’on a perçu les problèmes, on est incapable dans notre système scolaire de proposer des réponses efficaces pour aider ces élèves. On avait bien le redoublement, objet très imparfait mais qui avait le mérite de tenter quelque chose: on vient de décider de s’en passer, sans rien mettre en place d’autre.

Alors plutôt que de s’évertuer à fabriquer de toutes pièces une mythologie des effets pervers des notes chiffrées, occupons-nous plutôt des moyens concrets à mettre en œuvre.

Il faut diminuer le poids de la note au profit d’autres outils fondés sur l’évaluation des compétences et des qualités personnelles? Sur le papier, c’est magnifique. Dans les faits, ça l’est moins. Signalons donc par exemple qu’aujourd’hui, au primaire, la notation chiffrée n’arrive qu’en troisième position des outils d’évaluation utilisés par les collègues, derrière justement l’évaluation des compétences via des points de couleur ou des «acquis/en cours d’acquisition/non acquis». Faut-il rappeler les études de mon ministère qui révèlent la dégringolade (il n’y a pas d’autre mot au vu des chiffres très officiels) en 20 ans de la maîtrise des «compétences» de lecture et de calcul par les élèves? Alors pourtant qu’on leur a mis en place une évaluation bienveillante et encourageante, qui dégouline encore davantage de bons sentiments qu’un troupeau de licornes pastel galopant au milieu d’étoiles qui sourient.

Alors plutôt que de s’évertuer à fabriquer de toutes pièces une mythologie des effets pervers des notes chiffrées, qui sont tout compte fait des outils bien pratiques pour tout le monde, occupons-nous plutôt des moyens concrets à mettre en œuvre pour éviter que 20% des élèves en fin de CM2 ne maîtrisent pas la langue française au niveau attendu, et 30% les mathématiques et la culture scientifique.

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