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Ce que veut dire le retour de Sarkozy pour Hollande

Publié le 01 décembre 2014 par Juan

Ce que veut dire le retour de Sarkozy pour Hollande 

L'élection de Nicolas Sarkozy à la tête de l'UMP est une bonne et une mauvaise nouvelle pour François Hollande. Une bonne, car Sarkozy revient usé. Une mauvaise, car ce retour sonne l'échec d'un homme qui n'a pas réussi à invalider le retour de l'ancien président des riches.

Dimanche soir, après quelques minutes consacrées aux intempéries qui frappent le Sud du pays, Nicolas Sarkozy apparaît sur les écrans de TF1, chemise blanche mais costume noir, le visage sombre mais le ton calme.
Sa première phrase est pour récupérer l'actualité à son profit. Les ravages des crues du Sud Est s'expliqueraient par le trop plein de "règlementations" et l'activisme des "associations" qui empêchent tout projet. Il ne termine pas son propos improbable. Il prône le rassemblement maintenant qu'il a gagné; Il veut changer le nom de l'UMP, et même constituer un "comité des anciens premiers ministres" de sa famille politique. Il fait mine d'oublier que Juppé a été sifflé lors de l'un de ses meetings quand Claire Chazal le lui rappelle;
"Je comprends cette question" répond-t-il quand Claire Chazal l'interroge sur l'affaire Bygmalion et les finances de l'UMP. Sera-t-il candidat à l'autre présidentielle, la vraie, celle de 2017 ? Trop tôt pour l'avouer. Sarkozy botte en touche après sa récente élection: "En tout cas, c'est un nouveau départ."
"Primaires, il y aura" promet-il. Pour 2017, "qu'est ce qui se prépare ? Le succès du collectif."
A l'égard de l'UDi et du MODEM, il lance un avertissement. Il réclame une clarification, il fustige le Modem "qui a fait élire le candidat de la gauche". 
"Ils sont centristes, je ne le suis pas."

Nous le savions.
La bonne nouvelle ?
Sarkozy est resté la caricature politique qui lui valut d'être déchu de son fauteuil présidentiel en mai 2012. Il n'a peut-être pas digéré ce licenciement expéditif, et son remplacement par celui que Laurent Gerra, l'idole des auditeurs de RTL et, accessoirement, sarkozyste revendiqué, qualifie de Pignouf 1er.
Mais Sarkozy n'a pourtant rien changé ni adapté dans son propre discours politique depuis sa rentrée précipitée en septembre 2014. Il revient avec les mêmes travers personnels - un talent pour le mensonge en public ("plus c'est gros, plus ça passe"), des casseroles judiciaires en grand nombre, et un goût pour l'argent qu'il n'exhibe plus au Fouquet's mais dans des conférences rémunérées qui lui ont rapporté quelque 2 millions d'euros auprès d'institutions financières.
Pour François Hollande, revoir l'ancien défait avec ces mêmes défauts qui ont valu sa perte plutôt qu'un nouveau candidat à droite, est assurément une bonne nouvelle. Second avantage à ce retour qui n'est pas triomphal de Nicolas Sarkozy à la tête de l'UMP, il va y avoir du sport à droite: les appétits sont féroces, les rivaux plus solides qu'en 2007. Alain Juppé, dont la cote de popularité s'est envolée depuis que Nicolas Sarkozy est sorti de la retraite hypocrite, n'a pas l'intention d'abandonner; François Fillon, cramé par les révélations de ses intrigues pour saboter le retour de son ancien patron, ne cherche qu'à se venger. Bruno Le Maire, qui a frôlé le tiers des suffrages dans cette présidentielle interne, entend défendre sa place. Bref, Sarkozy domine l'UMP, mais les adversaires sont nombreux et encore vifs.
Enfin, certains dans l'entourage de François Hollande espèrent que le retour de Sarkozy s'accompagnera du même anti-sarkozysme que celui qui a porté Hollande au pouvoir en mai 2012. 
"Cette élection a une apparence : Nicolas Sarkozy mal élu. Mais elle a aussi une réalité : la division sur fond de radicalisation thatchérienne. C’est évidemment une mauvaise nouvelle pour la France. Mais c’est une bonne nouvelle pour la gauche parce que le temps du' tous contre le PS' s’achève."
Jean-Christophe Cambadélis, 30 novembre 2014.

La mauvaise nouvelle !
Passons sur l'aveuglement de quelques hiérarques socialistes. Ils misent sur le réflexe du vote utile. Le plus grave est ailleurs. Le retour de Sarkozy à la tête de l'UMP est aussi une mauvaise nouvelle pour Hollande à plus d'un titre.
On risque de mesurer combien certains ministres de Hollande et le président lui-même ont "normalisé" ce qu'on qualifiait d'outrances conservatrices ou libérales quand l'ancien monarque était à l'Elysée: la politique de l'offre, le maintien des lois sécuritaires de l'ancien régime, ou le psy-show sur l'islam se sont invités dans le discours et la pratique hollandaise au point que sa cote de popularité auprès de son électorat de gauche s'est évaporé en temps record. Sarkozy fut rapidement détesté pour ce qu'il disait et ce qu'il était. Hollande a été rapidement déçu pour ce qu'il a fait, ou pas fait.
Président des Riches contre président des patrons ?... Quel match !
On a largement commenté les rapprochements évidents entre les arguments sarkozystes et ceux de certains membres de l'actuel gouvernement. Désormais, tous les soirs, chaque jour, Nicolas Sarkozy se servira de sa nouvelle tribune de chef du premier parti d'opposition pour tonner combien Hollande est inefficace à conduire une véritable politique thatchérienne.
Tous les soirs, et chaque matin, les Français pourront comparer entre la copie et l'original.
La récente polémique sur les 35 heures est un bel exemple de cette "normalisation". Emmanuel Macron, ministre de l'économie, n'a cessé depuis sa nomination de rappeler combien il voulait réformer les 35 heures. Ses arguments sont en tous points, et quasiment mot pour mot, les mêmes que ceux que Nicolas Sarkozy ne cessait de présenter contre le régime installé par Martine Aubry dans le gouvernement Jospin entre 1997 et 2002: il y aurait un plafond en France qui interdirait aux braves gens travailler davantage que ces fatidiques 35 heures.  En fait, ni Sarkozy hier, ni Macron aujourd'hui n'osent dire clairement de quoi il en retourne: les 35 heures les gênent non pas parce qu'elles seraient un plafond (qui n'existe pas), mais parce qu'elles sont un seuil de déclenchement de la rémunération des heures supplémentaires.
Aujourd'hui, Sarkozy propose d'assouplir encore le régime, en suggérant que "les entreprises qui voudraient sortir des 35 h par une négociation interne à l'entreprise puissent le faire". Quant à Emmanuel Macron, le voici qui déclarait en août dernier sur les 35 heures: "il faut les faire respirer, vers plus de souplesse".

"Qui serions-nous pour refuser à quelqu'un qui le souhaite de travailler plus que 35 heures par semaine ?" Emmanuel Macron.

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