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Mr Turner de Mike Leigh

Par Emidreamsup @Emidreamsup

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La dernière fois que Mike Leigh était à Cannes, c’était pour présenter le brillant et touchant Another Year (il y a de cela 4 ans). Le cinéaste britannique revient cette année avec un premier biopic. Exercice de style auquel il n’était pas habitué et pour lequel (malgré un budget restreint) il a déployé toutes ses cartes. Ce qui n’était pas une mince affaire, surtout quand on décide de s’attaquer à l’un des précurseurs du mouvement Impressionniste qu’était William Turner. Autant vous dire que lorsqu’un cinéaste que l’on apprécie décide de s’attaquer à l’un des peintres que l’on admire, on espère que le mélange prenne et dévoile une nouvelle oeuvre de maître.

Dès les premières images, Leigh propose un esthétisme majestueux de par son traitement de l’image et de son choix de cadrage. Les semaines de répétitions (mises en place en amont du tournage) auront servi à donner un résultat final ne manquant à aucun moment de précision et faisant preuve d’un impressionnant souci du détail. Les mouvements de caméra se font oublier pour privilégier le cadre final qui fait de chaque scène une toile. La position des acteurs, leurs déplacements, la disposition des décors ou encore la luminosité : tout semble réglé au millimètre près, ne laissant rien au hasard et donnant un sens à chaque élément.  Mr Turner, au-delà d’un simple film, se transforme en une véritable expérience artistique. Le peintre devenant alors lui-même le personnage de ses toiles sous l’œil bienveillant de Leigh.

Un prétendant sérieux au prix d’interprétation

Mais que l’on se rassure, si le cinéaste pousse sa maîtrise technique encore plus loin, il n’en oublie pas pour autant ses talents de conteur et scénariste. Il immerge son film dans ce début de 19 ème siècle et en profite pour offrir une chronique acerbe, et loin d’être dénuée d’humour, de cette Angleterre victorienne. Tout cela repose sur un casting impeccable mené par le brillantissime Timothy Spall. Dans le rôle-titre, ce-dernier apparaît comme un gros ours mal léché, homme paillard de peu de mots, mais souvent cynique et adepte du borborygme en tout genre. Mais derrière cette façade loin d’être séduisante, se dissimule un être sensible, effrayé a l’idée d’échouer ou d’être rejeté. L’acteur en fait des tonnes, que ce soit dans sa diction ou ses mouvements, sans jamais être grotesque. Il ne démériterait pas dans la catégorie des prétendants au prix d’interprétation. Comme  l’a d’ailleurs si bien souligné un collègue journaliste, « En France, on aurait fait ce film avec Gérard Depardieu dans le rôle-titre, et on serait tombé dans le ridicule avec toute cette démesure. Timothy Spall, lui est parfait. » L’acteur reste en effet bluffant du début à la fin et ce n’était pas joué d’avance tant le caractère bourru du peintre entre en opposition avec la finesse de ses œuvres.

Si, entre la photo et le casting, on pouvait imaginer un sans fautes, il faut tout de même admettre que durant ces 2h30 de récit, Mike Leigh a tendance à se laisser aller dans la contemplation et le tout perd du rythme. Heureusement pour le public, quelques scènes précieuses sont distillées de-ci de-là et relancent notre intérêt : à l’image du personnage de John, pseudo jeune critique d’art qui sous couvert de vouloir caresser Turner dans le sens du poil, se montre irrespectueux du travail d’autres grands maîtres. On peut aussi noter que Leigh sort des conventions américaines du biopic. Il ne faut pas s’attendre à une leçon didactique de qui était Turner et de l’impact de son oeuvre sur l’Histoire de l’Art. Le cinéaste ne s’embarrasse pas de cela, privilégiant avant tout le portrait d’un homme plus que d’un artiste… et quel portrait !

PUBLIE PREALABLEMENT SUR ENVRAK.FR


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