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La tragédie de ne pouvoir être recensé car fils d'esclave en Mauritanie

Publié le 07 décembre 2014 par Micheltabanou

J'évoquais dans un précédent post la situation du Président de l'Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste, Biram Dah Abeid dénonce la subsistance de pratiques esclavagistes en Mauritanie. Il est toujours détenu et son combat contre l'esclavage qui perdure en Mauritanie depuis plus de mille ans, lourd héritage de la traite négrière arabe, devrait recueillir plus d'écho tant l'esclavage en Mauritanie constitue non seulement un crime abject, mais également un obstacle au développement du pays tout entier. Or cette situation étend ses ramifications hors des frontières du pays.La population se divise pour l'essentiel en deux groupes :-une minorité dominante, les Arabo-berbères ou Maures, appelés aussi les «Blancs» (environ 25 % de la population),-une majorité discriminée, Négro-africains, composée de Harratine (descendants d’esclaves), Soninké, Peulh, Ouolof et Bambara (75 % de la population).          
Si les pratiques esclavagistes subsistent dans toutes les couches sociales de la société Mauritanienne depuis des siècles, on peut néanmoins relever que ce sont essentiellement les Noirs qui en sont victimes. Dès le 8e siècle, cette domination a commencé à se dessiner. Les chefs guerriers arabes qui remportaient les guerres contre leurs voisins réduisaient en esclavage ceux qui avaient été capturés, et à ce titre les vendaient ou en faisaient leur propriété.
     
La France qui a pourtant colonisé ce pays a maintenu cet état de fait, ou en tout cas n’a pas jugé nécessaire de mettre fin à ces pratiques ancestrales. Pire, elle aurait même passé des accords lors de la colonisation avec des dignitaires arabes pour maintenir le statu quo.
     
Le statut d’esclave est transmis du père ou de la mère au fils. Selon les réalités constatées, les Arabo-berbères (les maures) sont toujours les maîtres (de père en fils) et les noirs sont toujours les esclaves (de père en fils). Ces derniers sont alors corvéables à vie. Cet esclavage qui se pratique le plus souvent dans ce rapport de domination Maures/noirs, se pratique également entre les Noirs eux-mêmes. En effet, il est très bien vu dans ce pays d’être maître quel que soit la couleur. Néanmoins on peut constater que ce sont toujours les Noirs qui subissent cette domination imposée depuis des siècles par les pouvoirs en place.
     
On parle de l’esclavage moderne, mais celui qui est pratiqué en Mauritanie n’a jamais changé de visage. Les pratiques esclavagistes sont transmises, enseignées, de génération à génération, par les chefs tribaux, ethniques, religieux, et par la féodalité conservatrice qui gouverne le pays depuis l’indépendance. Cet esclavage est une pratique qui traverse les siècles avec aucun sentiment d'empathie dans les populations locales qui éveiller les consciences. C'est en cela d'ailleurs que le combat que mène Biram Dah Abeid est exemplaire. Pas de Voltaire, de Schoelcher en Mauritanie mais le courage d'un Haratine qui se dresse devant un pouvoir et une société de caste anesthésiée par une coutume millénaire.
     
En avril 2012, des militants abolitionnistes ont brûlé des livres religieux qu’ils considèrent comme étant le code noir de la Mauritanie pour attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale. Ils bénéficient d’une liberté provisoire actuellement, mais la peine de mort pèse encore sur leur tête puisque l’acte est passible de la peine capitale dans ce pays. Dans ces livres, le statut de l’esclave est défini ainsi :
     
1- La femme esclave doit entretenir son maître par sa chair.
     
2- Elle ne doit pas couvrir son corps du regard de son maître.
     
3- L'enfer est promis à l'esclave qui n'obéit pas à son maître.
     
4- Un maître peut vendre ou marier son esclave à qui il veut et à tout moment.
     
5- Le maître met fin au mariage de son esclave chaque fois qu'il le souhaite.
     
6- Interdiction pour un esclave ou descendant d'esclaves de diriger la prière.
     
7- Un maître peut à tout moment entretenir des rapports sexuels avec son esclave.
     
Aujourd'hui, plusieurs lois abolissant l’esclavage dans ce pays ont vu le jour mais aucune n’a jamais été appliquée. La première date de 1981, et donne droit à l’indemnisation des maîtres d’esclaves. En 2007 une nouvelle loi incriminant l’esclavage a été votée par l’Assemblée Nationale et le Sénat. Très récemment, les autorités Mauritaniennes ont inséré une nouvelle disposition concernant l’esclavage dans la constitution. Mais que peut-on en attendre puisque les autres dispositions législatives n’ont jamais été appliquées ?
             
Au-delà de l'esclavage, les discriminations se sont aujourd’hui étendues à l’étranger avec des conséquences importantes. Depuis l’opération de recensement, en partie financée par la France, les populations mauritaniennes noires de France se heurtent à des obstacles au moment du renouvellement de leur titre de séjour.
     
Une circulaire provenant de l’ambassadeur de Mauritanie en France et adressée aux préfectures, soumet l’obtention du renouvellement du titre de séjour à la condition de possession du passeport biométrique. Or, pour l’obtenir, il faut avoir été recensé, et pour être recensé, il faut parfois, pour certains Noirs, justifier d’un certain nombre de documents témoignant de leur filiation. Or, nombreux sont les Noirs Mauritaniens dont la filiation est difficile à démontrer, en raison de leur ancien statut d’esclave ou de fils d’esclave. Commencent alors les tracasseries administratives. Dès lors, de nombreux Mauritaniens se retrouvent sans papier, avec les conséquences que l’on peut imaginer en matière d'emploi, de logement, etc.
     
Face à ce déni d’une catégorie de la population, que fait la communauté internationale ? La France, pays dans lequel la circulaire a été introduite, n’a pas pour l’instant réagi officiellement. Une exception avec le CRAN qui a obtenu en 2013 que le Quai d’Orsay enquête sur cette circulaire, qui aurait dû passer par le canal du ministère des affaires étrangères. Le Quai d’Orsay s’est engagé à soutenir toute action d’associations visant à lutter contre ce phénomène. Un petit pas. 


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