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L’inerrance de la Bible : une doctrine chrétienne essentielle

Par Monarchomaque

Article du Réseau Fraternel Évangélique Français. Référes-vous y pur les notes marginales.

Le deuxième article de la Confession de Foi du Réseau FEF déclare: «L’Écriture sainte, rédigée sans erreur dans les manuscrits originaux, exprime avec une parfaite fidélité ce que Dieu a voulu nous dire». L’article affirme «l’entière vérité jusque dans son détail» de la Bible et «l’inspiration plénière» de ses auteurs. Ces convictions proclament la doctrine de l’inerrance de l’Écriture.

En dehors des Églises évangéliques, la doctrine de l’inerrance paraît suicidaire. La Bible semble se composer d’éléments disparates, se contredire par moments, et regorger d’erreurs scientifiques et historiques. Nous devons donc établir les fondements de notre conviction et évacuer un certain nombre d’idées fausses pourtant largement répandues.

Fondements de la doctrine

La doctrine de l’inerrance trouve son fondement dans celle de l’inspiration. Nous affirmons que c’est Dieu qui a inspiré les auteurs de la Bible. Il ne l’a pas fait comme s’il utilisait de simples sténographes. Il s’est servi de la personnalité des différents auteurs pour qu’ils expriment chacun à leur manière la pensée que Dieu voulait communiquer aux hommes.

Pour l’Ancien Testament, notre point de départ est la personne et l’enseignement de Jésus-Christ. Si nous pensons que les Évangiles nous en donnent un compte rendu historique relativement fiable, nous ne manquerons pas d’être frappés par l’importance que Jésus attachait à ce que nous appelons aujourd’hui l’Ancien Testament. C’était son pain quotidien ( MAt 4.4) . Il en a souligné la valeur jusque dans ses plus petits détails (Mt 5. 17-18). Dans ses controverses avec les autorités religieuses de son temps, il l’a constamment cité, allant parfois jusqu’à s’appuyer sur un seul mot du texte biblique 1. Ce recueil, comprenant la Loi, les Prophètes et les Écrits, était pour Jésus parole de Dieu. Il faisait autorité. Ainsi, ce qu’un prophète a dit, c’est Dieu qui l’a dit. Il est remarquable que Jésus a pu contester de nombreuses croyances de son temps – par exemple concernant le sabbat, les règles de pureté, la mission du Messie – sans jamais mettre en cause la foi de ses contemporains dans l’Écriture en tant que parole de Dieu. Il a affirmé que l’Écriture ne peut être anéantie 2. Un chrétien, donc, se voulant disciple de Jésus-Christ, ne peut pas adopter à l’égard de l’Ancien Testament une vision moins élevée que celle de son maître.

La pratique des apôtres reflète tout à fait celle de leur Maître. Notons en particulier combien souvent nous trouvons des expressions comme «Dieu dit», «l’Écriture dit», «afin que la prophétie s’accomplisse….». Ces prophéties qui se réalisent, ce sont parfois des prédictions précises, comme sur la naissance du Messie (Mt 1.23 ; 2.6, par exemple) ; ce sont parfois des analogies avec le parcours du peuple d’Israël (Mt 2.15)  ou de David( Jn 13.18). Mais la conviction des auteurs du Nouveau Testament, c’est que des passages précis de l’Ancien Testament s’accomplissent en Jésus.

Le témoignage interne de l’Ancien Testament confirme ces indications. De très nombreuses fois, nous y trouvons des expressions comme «Dieu dit», «oracle du Seigneur», «la parole de Dieu vint à untel.» Les prophètes et les Psaumes en appellent aux livres de Moïse comme étant «la Loi»  ou «la Loi du Seigneur.» Les prophètes savent qu’ils annoncent la parole de Dieu pour leur peuple, et c’est parfois à contre-cœur, comme pour Jonas et Jérémie. Ce n’est pas leur message, mais celui de Dieu qu’ils prononcent.

Pour le Nouveau Testament, la doctrine de l’inspiration repose sur le fait que Jésus a promis à ses apôtres l’assistance de son Esprit pour qu’ils enseignent tout ce qu’ils ont reçu de lui, Jésus ( Jn 14.26; 15.26-27; 16.13-14).  On rencontre dans plusieurs épîtres des indications montrant que les apôtres étaient bien conscients de leur autorité particulière et de l’inspiration de leurs écrits. Paul parle des bienfaits que Dieu accorde «non avec des termes qu’enseigne la sagesse humaine, mais avec ceux qu’enseignent l’Esprit» (1Co 2.12-13). Pour l’apôtre Jean, ne pas recevoir l’enseignement des apôtres, c’est ne pas être en communion avec Dieu, ne pas connaître Dieu (1Jn 1.3 ; 4.6).

L’apôtre Paul résume la doctrine de l’Écriture par ces paroles célèbres : «Toute l’Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser et apprendre à mener une vie conforme à la volonté de Dieu ( 2Ti 3.16)». Cette affirmation concerne très clairement l’Ancien Testament, mais peut très légitimement être étendue au Nouveau. En effet, Paul cite un passage de l’Évangile de Luc comme étant au même plan qu’un texte du Deutéronome (1Ti 5.18, citant Dt 25.4 et Lc 10.7). Et l’apôtre Pierre n’hésite pas à qualifier «d’Écriture» les écrits de Paul, en les mettant sur le même plan que le reste de la Bible.

Nous pouvons maintenant aller au-delà de notre premier postulat. Les Évangiles ne nous donnent pas seulement un compte rendu historique relativement fiable de la vie et de l’enseignement de Jésus. Ils sont inspirés de Dieu, et à ce titre entièrement dignes de confiance, jusque dans le détail. Comme le reste de la Bible. (2P 3.16)

Si c’est le Dieu qui ne ment pas, qui ne trompe pas et qui ne peut pas se tromper qui a inspiré l’Écriture, alors il est logique de penser que l’Écriture ne va pas nous induire en erreur, qu’elle est fiable, qu’elle est sûre.

Dans les manuscrits originaux

La question se pose alors de savoir quelle Écriture, quelle Bible, est inerrante. Et là nous pouvons déjà écarter un premier faux problème. Nous ne disons pas que telle version, française ou autre, est sans erreur. Nous affirmons l’inerrance de la Bible «dans les manuscrits originaux», à savoir en hébreux, en araméen, et en grec.

On ne manque pas de nous reprocher ici de croire à une chimère, parce que personne ne détient des textes originaux, sortis tout droit de la main d’un Paul ou d’un Ésaïe.

Les éditions récentes de la Bible indiquent ici ou là dans des notes en bas de page que les différents manuscrits anciens diffèrent parfois entre eux. Lorsque ces différences sont importantes – et c’est rare – alors nous devons reconnaître que nous ne pouvons pas savoir avec certitude quel était le texte original à cet endroit-là. Mais la plupart du temps, ces différences sont mineures, et aucune n’affecte l’enseignement biblique dans son ensemble. Aucune doctrine biblique ne repose sur un seul texte, encore moins sur un texte qui ne serait pas sûr. L’abondance, la redondance même des textes, répartis dans plusieurs livres, garantissent pour nous la fiabilité de l’enseignement reçu.

Un cas concret illustrera ce propos. Dans la première phrase de l’Évangile de Marc, faut-il lire : «Commencement de l’Évangile de Jésus-Christ» ou «Commencement de l’Évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu» ? Une note en bas de page nous dira que les manuscrits anciens divergent sur ce point. Mais sans même chercher ailleurs dans la Bible, l’Évangile de Marc affirme clairement que Jésus est Fils de Dieu : cf. son baptême, sa confrontation avec les démons, sa transfiguration, son procès, et la déclaration du centenier (Mc 1.11 ; 3.11 ; 5.7 ; 9.7 ; 14.61 ; 15.39). Dès lors, la question qui se pose sur le texte original de Marc 1.1 est un débat purement technique, sans incidence sur la théologie de Marc, et encore moins sur celle du Nouveau Testament.

La transmission du texte

A ceux qui s’inquiètent de ces variantes, et qui se demandent si le texte de la Bible nous est parvenu de manière fiable, il faut répondre par l’affirmative. Il suffit de comparer la transmission des livres bibliques à celle d’autres ouvrages de l’antiquité. La Guerre des Juifs de Flavius Josèphe nous est connue grâce à 130 manuscrits grecs, s’échelonnant du Xe au XVIe siècle, une traduction latine, avec 230 manuscrits, du VIIe au XVIe siècle, et une traduction en slavon, du XIIe siècle, qui subsiste en deux versions 3. Pour le Nouveau Testament, par contre, nous disposons de plus de 5000 manuscrits, dont plusieurs éditions complètes des IVe et Ve siècles, et de nombreux papyrus parfois incomplets du IIIe. Un petit fragment de l’Évangile de Jean est daté des environs de l’an 125. La comparaison de tous ces manuscrits entre eux, et avec des traductions anciennes et des citations d’auteurs anciens, permet aux spécialistes d’aboutir à un texte grec extrêmement sûr, à 90 voire à 99%.

Pour l’Ancien Testament, la situation est un peu différente, car il s’est constitué sur une période bien plus longue et plus reculée dans le temps. C’est un codex en hébreu de l’an 1009, conservé à Leningrad (Saint-Pétersbourg), qui sert encore de base à nos traductions. On savait avec quelle minutie les scribes juifs, appelés les massorètes, copiaient et recopiaient leurs écrits sacrés. Mais il n’était guère possible de remonter au-delà du Xe siècle pour le vérifier. Puis survint en 1947 la découverte des manuscrits de la Mer Morte, comprenant de très nombreux textes de la Bible, dont le célèbre rouleau d’Ésaïe. Et là, on s’est aperçu que sur environ 1000 ans le texte avait peu changé.

Mais il est également apparu qu’au 1er siècle de notre ère il existait des manuscrits assez divers. Pour la Loi, les divergences entre les manuscrits sont minimes ; pour Jérémie, elles sont importantes et peuvent remonter à différentes éditions autorisées par le prophète lui-même ainsi qu’aux conditions difficiles qui entouraient le recueil et la transmission de ses écrits. Avec la destruction de Jérusalem en l’an 70 et l’expulsion des Juifs de Judée, le texte de l’AT a été uniformisé pour l’ensemble du judaïsme dispersé. On a alors sélectionné un texte parmi d’autres et c’est à partir de là que les scribes ont redoublé de minutie pour éviter au maximum que ce texte reçu soit altéré.

Puisque nous avons moins de documents pour l’AT que pour le NT, la critique textuelle ne permet pas toujours de trancher entre les différentes variantes avec autant de certitude. Les incertitudes qui subsistent sont ainsi proportionnellement plus nombreuses que pour le NT. Mais il est toujours légitime de parler d’un texte globalement fiable.

Nous pouvons souligner ici la différence qualitative entre des copies imparfaites de textes originaux inerrants, et des copies, même très fiables, de textes originaux comportant des erreurs. Une erreur de copiste n’est pas la même chose que la présentation d’un événement qui ne s’est pas produit, ou d’une information erronée.

Dans sa providence bienveillante, Dieu à veillé à ce que sa parole parvienne jusqu’à nous, transmise avec une grande fidélité de siècle en siècle. À cet égard, le statut de la Bible est sans comparaison possible avec aucun autre document ancien.

Le statut des traductions

Revenons à la question des traductions : quel est leur statut ? Notons d’abord que la Bible elle-même use de traductions. Jésus a parlé en araméen : mais ses propos sont rapportés la plupart du temps en grec. Les auteurs grecs du Nouveau Testament utilisent la traduction de la Septante ou, en citant parfois de mémoire, traduisent eux-mêmes l’Ancien Testament hébreu. Ces citations sont autant parole de Dieu que l’original, dans ce sens qu’elles expriment avec une parfaite fidélité ce que Dieu a voulu nous dire. S’il y a un écart entre la traduction grecque et l’original, il peut relever soit de divergences dans les manuscrits hébreux, soit d’une citation lâche, comme tout auteur peut se le permettre, soit encore de la volonté de souligner un aspect particulier du texte. Dès lors qu’il ne cherche pas à fournir une traduction minutieusement exacte, l’auteur ne peut pas être accusé d’erreur quand sa citation en grec diverge de l’original en hébreu, pourvu qu’il n’en trahisse pas l’intention et le sens. Si on modifie le texte pour souligner quelque chose qu’il n’enseigne pas, c’est une erreur : mais cela ne se produit pas.

Donnons un exemple : la citation du Psaume 40 dans Hébreux 10.5. Tu m’as formé un corps, dans l’épître aux Hébreux, reprend le texte de la Septante, alors que le texte hébreu du Psaume comporte : Tu m’a creusé des oreilles. Manifestement, les traducteurs de la Septante, s’ils n’avaient pas sous les yeux une variante textuelle, ont cherché à expliciter une expression jugée obscure. C’était peut-être une allusion au percement de l’oreille, signe de soumission volontaire (Ex 21.6 ; Dt 15.17), ou alors le creusement des oreilles, avec leur forme très particulière, est une façon de parler du façonnage du corps entier. On peut aussi considérer que Dieu a donné des oreilles au psalmiste pour qu’il entende sa parole et y obéisse (Cf. Es 50.4) ; et que la LXX a traduit que Dieu lui a donné un corps pour qu’il agisse en obéissance à la parole de Dieu : cela revient au même. Dans les trois options, l’utilisation de la version de la Septante ne pose aucun problème de cohérence ou de compréhension dans la suite du passage. 4

Les utilisateurs des traductions françaises peuvent être confiants. Les différents traducteurs ont travaillé consciencieusement en essayant de rendre au mieux le texte original. Aujourd’hui, la traduction se fait généralement en équipe, ce qui en améliore encore la fiabilité. Lorsque nous lisons donc une traduction française, nous sommes en présence de la parole de Dieu. Et si un doute surgit sur l’interprétation de tel passage, nous pouvons comparer les traductions entre elles, recourir aux textes hébreux et grecs, ou consulter les commentateurs qui le font.

Les auteurs humains

Notre doctrine de l’Écriture pourrait faire croire que nous voyons la Bible comme un document dicté du début jusqu’à la fin par Dieu. Ce n’est pas ainsi que nous concevons les choses. Nous reconnaissons que les auteurs bibliques ont chacun leur style propre et leurs centres d’intérêt. On ne confondrait pas 1 Jean avec Romains ou Matthieu, ni Job avec Esdras. Nous affirmons, non pas la dictée de l’Écriture, mais son inspiration.

La différence de style et des centres d’intérêt explique certaines contradictions apparentes. Ainsi, Paul et Jacques n’utilisent pas de la même manière les termes «foi», «œuvre», et «justifier». L’un va pouvoir dire que nous sommes «justifiés par la foi sans les œuvres» (Ro 3.28) et l’autre que «l’homme est justifié par les œuvres, et non par la foi seulement» (Ja 2.24). Mais la contradiction réside uniquement dans les mots et non dans le sens voulu par les auteurs. Paul s’intéresse à notre statut devant Dieu. Pour lui, «justifier» équivaut à «mettre en règle devant la justice de Dieu.»  Jacques pense à ce qu’est la justice dans la vie. Paul met à l’honneur une foi personnelle en Christ, engagée, qui produit de bonnes œuvres. Jacques dénonce une foi qui serait, comme celle des démons, sans fruit. Leurs affirmations se complètent donc, car les œuvres sont le fruit nécessaire d’une foi authentique. (Ep 2.10)

Disparaissent de la même manière certaines prétendues contradictions historiques et chronologiques. À regarder superficiellement les trois premiers Évangiles, nous dirions que le ministère de Jésus n’a duré qu’un an. Mais l’Évangile de Jean note soigneusement plusieurs fêtes juives dont trois Pâques (Jn 2.13 ; 6.4 ; 11.55) , indiquant un ministère de trois ans. Les Évangiles ne se contredisent pourtant pas, car Matthieu, Marc et Luc simplifient leur présentation de la vie de Jésus pour la raconter en cinq étapes décisives et faciles à retenir : le ministère de Jean-Baptiste, le ministère de Jésus en Galilée, son ministère en Judée, sa mort et sa résurrection. Un regard plus attentif montre que leur récit couvre aussi plusieurs années, car en Marc 6, avec l’herbe verte, nous sommes manifestement au printemps, à l’époque d’une Pâque qui n’est pas la Pâque finale. La prétendue contradiction chronologique n’en est pas une.

Dieu a parlé de plusieurs manières

On confond parfois l’inerrance avec le littéralisme. Or, traiter un texte poétique comme si tout devait être pris au pied de la lettre détruirait toute littérature. L’auteur de l’épître aux Hébreux dit que Dieu a parlé à bien des reprises et de bien des manières (Hé 1.1). Nous trouvons dans l’Ancien Testament des textes poétiques et des textes en prose, de l’histoire, des lois, des textes de sagesse, des prières, des hymnes, des textes prophétiques, des paraboles… La clé de la compréhension, c’est de traiter comme littéral ce que l’auteur a voulu comme tel – le récit de l’adultère de David en 2 Samuel 11, par exemple – et de reconnaître les différents mécanismes imagés et poétiques que l’auteur a pu choisir à d’autres endroits. L’adultère de David est raconté une deuxième fois sous forme de parabole en 2 Samuel 12. Bien sûr, il y a parfois débat sur l’intention de l’auteur. Mais ceci ne met pas en cause les doctrines de l’inspiration et de l’inerrance de l’Écriture.

La reconnaissance de styles différents va de pair avec la compréhension des textes dans leur contexte. Nous ne voyons pas la Bible comme un recueil d’oracles infaillibles qui ont de la valeur en dehors de leur cadre propre. La Bible rapporte les paroles d’insensés, de menteurs, de personnes mal informées comme les amis de Job, et même du diable. Ce ne sont pas là des paroles magiques à citer à tort et à travers, mais une petite partie de textes plus grands, poétiques ou historiques, qui pris ensemble nous livrent un message véridique.

Erreurs scientifiques ?

De nos jours, parler du soleil qui se lève (cf. Ps 19), ou des quatre coins de l’Hexagone, n’expose personne à être traité d’antiscientifique. Nous devrions user d’autant de bon sens à l’égard des auteurs bibliques. Dans un texte qui ne prétend pas être un traité de science, le langage de tous les jours suffit.

Des problèmes plus aigus surgissent lorsqu’il s’agit de récits de miracles qui, par leur nature, échappent aux lois habituelles de la nature. Nous avons affaire là à des événements uniques, que les témoins reconnaissent comme extraordinaires et qui ne pourront jamais être reproduits en laboratoire. Ici ce n’est pas le regard du scientifique qui est sollicité mais celui de l’historien, qui examinera la crédibilité des témoins et les faits qui entourent le miracle même. Parfois le fait est proprement inexplicable, comme l’eau changée en vin à Cana. Parfois, le fait reçoit un début d’explication.

[…]

Erreurs historiques ?

Les allégations contre l’inerrance biblique sont de deux sortes ici. D’une part, il est parfois affirmé que les récits historiques de la Bible se contredisent entre eux. Nous en avons déjà donné un exemple, en parlant de la chronologie de la vie de Jésus. Dans l’Ancien Testament, la chronologie des événements n’est pas toujours facile à suivre, et les dates données semblent n’être pas toujours cohérentes. Ainsi, et c’est le cas le plus flagrant, une lecture naïve des longueurs de règne attribuées aux rois bibliques nous laisse dans la plus totale confusion quand on les compare entre elles et avec les quelques points fixes de la chronologie ancienne. Depuis quelques décennies, on reconnaît que les rois de Juda en particulier nommaient parfois leur successeur de leur vivant, instaurant pour une période plus ou moins longue une co-régence. Selon que ces années de règne partagé sont comptées ou non par l’auteur biblique, la longueur du règne va être calculée différemment : sans que la Bible soit coupable d’une contraction interne.

Un deuxième type de difficulté provient d’allégations selon lesquelles les récits bibliques contrediraient ce que l’on sait de l’histoire de par des sources profanes et par l’archéologie. En fait, et malgré des sériés télévisées à succès, les spécialistes recourent de moins en moins à ce genre d’argument. Car d’innombrables découvertes archéologiques viennent confirmer que le texte biblique s’insère parfaitement dans le contexte historique et culturel qui est le sien. Pour les Actes des Apôtres, par exemple, le XXe siècle a vu un revirement spectaculaire, les spécialistes notant que Luc est extrêmement précis quand il donne le nom d’un officiel romain ou local, quand il mentionne des personnages connus de l’histoire profane, ou des villes et des régions. Il dispose d’une connaissance minutieuse qui n’aurait pas été accessible à un auteur plus tardif. Pour l’Ancien Testament, quand on recule dans le temps, les indices archéologiques deviennent bien sûr plus ténus, et davantage sujets à des interprétations divergentes. Mais la tendance est la même : une meilleure connaissance des civilisations anciennes renforce notre confiance en la fiabilité de la Bible. 7

Précisions apportées par la Déclaration de Chicago8

En 1978, plus de 200 théologiens de premier plan se sont retrouvés à Chicago pour affiner la doctrine évangélique de l’Écriture. Leurs conclusions méritent d’être connues. Nous en citerons quelques-unes :

Article XI – Nous affirmons que l’Écriture, divinement inspirée, est infaillible, de telle sorte que, loin de nous égarer, elle est vraie et sûre sur tous les points qu’elle traite…

Article XII – Nous affirmons que l’Écriture dans son intégralité est inerrante, exempte de toute fausseté, fraude ou tromperie. Nous rejetons l’opinion qui limite l’infaillibilité et l’inerrance de la Bible aux thèmes spirituels, religieux, ou concernant la rédemption, et qui exclut les énoncés relevant de l’histoire et des sciences…

Article XIII – Nous affirmons que le mot d’inerrance convient, comme terme théologique, pour caractériser l’entière vérité de l’Écriture. Nous rejetons la démarche qui impose à l’Écriture des canons d’exactitude et de véracité étrangers à sa manière et à son but. Nous rejetons l’opinion selon laquelle il y aurait démenti de l’inerrance quand se rencontrent des traits comme ceux-ci : absence de précisions techniques à la façon moderne, irrégularités de grammaire ou d’orthographe, référence aux phénomènes de la nature tels qu’ils s’offrent au regard, mention de paroles fausses mais qui sont seulement rapportées, usage de l’hyperbole et de nombres ronds, arrangement thématique des choses racontées, diversité dans la sélection lorsque deux ou plusieurs récits sont parallèles, usage de citations libres.

Conclusion

On peut faire quelques reproches au mot – mais pas à la doctrine – de l’inerrance. Nos dictionnaires français l’ignorent. Il présente les choses négativement, alors que des mots comme «vérité», «sûreté», «autorité»,  ou «fiabilité» disent la doctrine positivement. Il génère peut-être des attentes irréalistes, car il semble supposer une exactitude mathématique qui ne laisse aucune place aux procédés ordinaires du langage. Il nécessite de nombreux commentaires pour expliquer ce qu’il ne veut pas dire. Dans des milieux mal informés, il peut prêter à confusion : nous en avons donné quelques exemples.

Mais il reste vrai, comme l’affirme la déclaration de Chicago, que «le mot d’inerrance convient, comme terme théologique, pour caractériser l’entière vérité de l’Écriture». Il est nécessaire à la précision de la pensée évangélique et il en définit l’une des limites. La doctrine de l’inerrance dit bien que la Bible est fiable dans toutes ses affirmations, les grandes comme les petites, c’est-à-dire sans erreur.

L’inerrance de la Bible ne signifie pas l’inerrance du lecteur ou du prédicateur. Nous ne connaissons qu’en partie… (1Co 13.9) ainsi devrions-nous aborder l’Écriture avec humilité. Nous ne l’instrumentalisons pas au profit de nos convictions : nous l’étudions pour les tester et éventuellement les réviser. Face aux désaccords possibles entre chrétiens respectueux du texte, nous restons dans une attitude d’écoute : de la Bible, et de nos frères. Ainsi, bien comprise, la doctrine de l’inerrance nous pousse à sonder davantage les Écritures, car c’est en elles que nous avons la vie. (Jn 5.39)


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