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Ivermectine, baclofène : en France, l’État s’occupe aussi de votre santé. Parfois. À l’occasion…

Publié le 19 décembre 2014 par H16

On apprend, dans une presse manifestement désœuvrée, entre des massacres islamistes, un krach monétaire en Russie et quelques déclarations de politique intérieure idiotes, que d’abominables parents auraient eu l’idée aussi sotte que grenue d’utiliser des produits vétérinaires pour se débarrasser des poux de leurs enfants. C’est incroyable tout de même ce qui se passe dans notre pays, ma brave dame !

viazacEt c’est ainsi que 20 Minutes, PravdaFranceTV, ou LeParisien par exemple se sont empressés de relayer l’incroyable information : si vos enfants se grattent la tête, n’allez pas chercher l’anti-puces, nom d’une pipe en bois. Même que d’abord, si le conseil peut paraître grotesque, c’est l’Agence de sécurité sanitaire (ANSES) qui rappelle que non, non, non, ce n’est pas bien de faire ça et en profite pour mettre garde contre l’utilisation de produits antiparasitaires pour animaux comme traitement anti-poux sur les enfants, dans un communiqué publié lundi 15 décembre.

La campagne de prévention d’un tel comportement est donc lancée. L’Agence de sécurité sanitaire veille au grain et se charge de remettre un peu d’ordre dans les idées délirantes de certains parents. Et c’est sur le site même de l’ANSES qu’on comprend que l’alerte a été déclenchée suite à un nouveau signalement d’utilisation de produits vétérinaires pour traiter les poux des enfants, ce qui montre à qui en douterait encore que c’est bien d’un cas réel dont on parle ici, ma bonne dame, et c’est très grave, parce que les traitements pour les animaux ont obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) spécifique, spécialement destinée aux animaux, et surtout pas pour les humains qui ne sont pas des animaux et tout ça. Les insecticides et acaricides pour humains doivent aussi recevoir une AMM spécialement conçue pour les humains, parce que ce n’est pas pareil, ce ne sont pas des animaux et tout ça. Vous me suivez ?

Non ?

Eh bien pourtant c’est très simple. Prenez l’ivermectine, puisque c’est de cela dont il s’agit. C’est une molécule neurotoxique pour nos amis les animaux chitineux, qui paralyse les poux, tue leurs lentes, annihile les puces et détruit les parasites de la gale. Cette molécule, utilisée depuis de nombreuses années en médecine vétérinaire, a largement montré son efficacité pour débarrasser nos toutous et nos félins de leurs encombrantes vermines.

Mais, et c’est là que les agitations de l’ANSES prennent tout de suite un parfum délicieux, cette molécule a aussi été testée, de façon étendue, chez l’homme, qui est aussi un mammifère, souvent gros et mou dès qu’on s’approche du Palais Bourbon, mais mammifère tout de même. Et ce n’est pas nouveaux. En 2010, on pouvait ainsi lire, dans LePoint, cette amusante découverte :

« des chercheurs et des médecins français (des hôpitaux Henri Mondor et Avicenne, en région parisienne, et de l’Inserm U738 à Tours) viennent de démontrer l’efficacité d’un médicament pris par voie orale dans la lutte contre les poux. Leurs travaux sont publiés dans l’édition du 11 mars du New England Journal of Medicine. »

gepalmoralOh eh bien sapristi, que voilà une bonne nouvelle ! Avec l’ivermectine, les résultats sont particulièrement probants. Pour rappel, cet article date de 2010. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts. Et toujours dans LePoint, trois années plus tard, on (re)découvre que le médicament à base d’ivermectine fonctionne très bien sur les humains, qu’il est en fait disponible depuis 1981 (cela nous fait un petit trente-deux ans bien tassé) pour d’autres maladies, et qu’il est utilisé assez massivement pour les animaux depuis cette date, au point que l’OMS en recommande maintenant l’usage à des fins sanitaires chez l’humain.

Mais voilà, en France, ce médicament n’est toujours pas autorisé pour les humains. Pas de bras-AMM, pas de chocolat-poux-tués. Et là, le Pr. Raoult, qui n’hésite pas à employer cette molécule pour guérir des SDF qui lui sont confiés à la faculté de Marseille, a une explication :

Pourquoi n’est-il pas disponible dans cette indication ? Est-ce que le laboratoire l’ayant découvert (Merck) ne veut pas investir de l’argent, car décrocher l’agrément d’une indication nouvelle pour un médicament est un processus très coûteux et qu’il n’est pas assez rentable ? Probablement, car ce médicament ancien peut être utilisé comme générique, et dans ces conditions, les études de mise sur le marché ne seront jamais rentabilisées pour le laboratoire.

Roooh ! Méchants laboratoires qui ne veulent pas se lancer dans un processus long et coûteux d’autorisation de mise sur le marché. Pas de doute : si vous n’arrivez pas à traiter les poux de vos gamins, c’est la faute à Merck. Hem… Ou disons, pour être un peu plus précis et un peu moins politiquement correct, que Merck, en entrepreneur cohérent, a fait le calcul des bénéfices attendus et des coûts engendrés par la demande d’une nouvelle AMM, et que les législations actuelles, les lenteurs administratives et les vexations paperassières (et fiscales ensuite) sont suffisamment fortes pour que le jeu n’en vaille pas la chandelle. Autrement dit : si vous n’arrivez pas à traiter les poux de vos gamins, ce n’est pas parce qu’on ne sait pas le faire, ce n’est pas parce que ce serait dangereux (ça ne l’est pas), mais c’est parce qu’une armée de petits ronds-de-cuir en a décidé ainsi en augmentant très artificiellement le coût d’un médicament. Si une autorisation de mise sur le marché avait été demandée à Pasteur en son temps, nous aurions encore à souffrir de la rage actuellement.

Au passage, ceci explique pourquoi vous êtes obligés de vous rabattre sur des produits vétérinaires, vendus pour des toutous d’un poids équivalent à celui de vos enfants. Le traitement, autorisé pour ces animaux, est exactement le même. Et marche trèèèès bien, tellement bien que, d’ailleurs, les vendeurs de lotions diverses, pharmaciens compris, verraient assez vite leurs marges grignotées, et que certains marronniers de septembre sur les infestations scolaires disparaîtraient des rédactions. Heureusement, les autorités sanitaires dorment sur leurs deux oreilles veillent pour vous éviter ces tracas-là.

Mais cette intéressante histoire d’ivermectine et d’AMM n’est pas sans en rappeler une autre, celle du baclofène.

gelafritt 500Cette molécule, utilisée depuis 1990 en doses moyennes puis à partir de 2005 en doses fortes (ça nous fait neuf années bien remplies) pour traiter avec succès des alcooliques contre leur addiction, n’a toujours pas reçu son autorisation de mise sur le marché. Pourtant, en mars dernier, l’Agence de sécurité du médicament lui accordait une « recommandation temporaire d’utilisation », histoire sans doute de ne pas trop brusquer les uns et les autres, INSERM y compris.

Il aura donc fallu des années, une dizaine quasiment, pour qu’un médicament, testé de très nombreuses fois (on parle de dizaines de milliers d’alcooliques guéris par ce traitement, discrètement, par quelques médecins ayant pris sur eux de prescrire la molécule hors de son strict cadre reconnu) parvienne à ce stade où on envisage enfin de le considérer comme une solution viable.

Les raisons de la résistance au changement sont multiples : entre les intérêts de certaines associations de lutte contre l’alcoolisme pour lesquelles un sevrage ne peut être obtenu que par abstinence complète, les habitudes de certains professionnels révoltés à l’idée qu’un traitement purement chimique puisse se substituer à leurs multiples séances et méthodes de travail, et la prudence voire l’immobilisme des administrations de veille sanitaire, le temps continue de s’écouler, des malades continuent à sombrer voire à mourir de leur addiction pendant que tout ce beau monde se met d’accord.

Dans le cas de ces deux molécules (baclofène et ivermectine), il est frappant de constater le poids délirant et le pouvoir extrêmement important d’une administration pléthorique et plus calcifiée que conservatrice, qui impose un coût très élevé à la réalisation des essais cliniques dans le privé ou des dossiers d’AMM, avec un espoir de retour sur investissement délicat à estimer.

Dans les deux cas, on observe aussi que les tests, très positifs, les témoignages de praticiens et de malades, très favorables et les ayant expérimenté, n’ont absolument pas suffi à diligenter des essais que les organismes publics ont largement les moyens de subventionner (tout comme ils subventionnent souvent des recherches nettement plus controversées pour lesquelles le contribuable aura bien du mal à avoir un retour sur investissement). Pourtant, le bénéfice social et financier qu’on peut attendre de l’éradication des poux et de la disparition de l’alcoolisme ne fait aucun doute, et le coût des traitements, en face, semble bien faible pour hésiter encore.

Mais peu importe. Tout devra prendre du temps, beaucoup de temps. Ce n’est pas comme si les gens ne savaient pas se débrouiller pour contourner le système. Ce n’est pas comme si la Sécurité Sociale manquait d’argent. Ce n’est pas comme si des vies étaient en jeu.

Dormez tranquille. L’État s’occupe aussi de votre santé. Parfois. À l’occasion.

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