Magazine Culture

Oh! la bonne copine !

Publié le 22 décembre 2014 par Dubruel

d'après MOUCHE de Maupassant

Nous étions quatre amis dont l’orgueil

Etait de posséder à Argenteuil

Une barque baptisée à l’Envers.

Nous nous amusions tant naguère

Qu’il me parait difficile de se distraire plus.

Il y avait là Poussez-repu.

Tomahawk, le plus spirituel.

N’a qu’un œil, portant monocle

Et daignant peu toucher aux pelles.

Moi, on m’appelait Basocle.

Nous formions une équipe joyeuse.

Un seul regret : l’absence de barreuse.

Elle est indispensable sur une yole.

Et puis une femme pimente, affriole.

Un samedi matin,

N’a qu’un œil, nous présenta enfin

L’équipière tant espérée.

Mouche était vive, délurée,

Et excellente barreuse.

Nous l’adoptions

Pour toutes ces raisons.

N’a qu’un œil l’asseyait

Sur ses genoux

Et l’embrassait

Devant nous.

Mouche fut vite jugée :

Elle n’avait aucun préjugé.

Avec nous trois, elle a trompé

N’a qu’un œil.

Pourquoi eut-elle été fidèle ?

Les dames de la société le sont-elles !

On la lui laissait

Les dimanches à Argenteuil

Mais des lundis aux samedis,

Nous en profitions à Paris.

Ce qui pour des canotiers dissipés

N’était presque pas tromper !

Quand nous lui avons demandé :

« D’où vient ton surnom de Mouche ? »

Elle ne sut quelle raison inventer.

N’a qu’un œil, alors, ouvrit la bouche

Et nous expliqua : « Elle papillonne

Et se pose sur toutes les charognes ! »

Trois mois après,

Mouche nous parut désemparée.

Elle devenait nerveuse, irritable

Parfois même désagréable.

Sans cesse, on la questionnait :

-« Qu’est-ce que tu as ? »

Elle répondait :

-« Rien. Laissez-moi. Ça va.

Je suis enceinte.» Alors,

D’un commun accord,

Nous lui avons promis

D’adopter le bambin.

Mouche nous serra la main

Et répondit :

-« Oh !, mes amis,

À vous quatre, un grand merci ! »

Depuis ce jour, elle nous appela

’’Mes quatre papas’’.

Un matin, notre belle aventurière

Voulut sauter à terre

Avant que nous ayons accosté.

Elle heurta le rebord du quai

Et disparut dans l’eau.

Nous l’avons repêchée aussitôt.

La fausse couche dura des heures

Dans d’atroces douleurs.

Elle supporta sans murmure

Cette abominable torture.

Émus de la voir tant souffrir,

Nous lui avons dit, sans rire :

-« Console-toi, petite Mouche chérie,

Nous t’en ferons un autre. Promis ! »


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Dubruel 73 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine