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Interview forever pavot │«je me sens bien dans cette voie»

Publié le 23 décembre 2014 par Acrossthedays @AcrossTheDays

Les Transmusicales ne se résument pas aux soirées au Parc des Expositions, on croise aussi une part de la programmation foisonnante et passionnante dans des salles du centre-ville. Le soir de l’ouverture, par exemple, c’est à L’Ubu que Forever Pavot s’est imposé comme l’une des grandes révélations de cette édition. Devant un public venu en nombre, Émile a présenté son dernier album Rhapsode avec son backing band. Sorti au début du mois et signé sur Born Bad Records, l’abum psychédélique se fait la bande-son d’une mémoire sixties sur laquelle chacun serait libre d’accoler l’imaginaire de son choix. Un peu mystique, pas mal expérimental, c’est une belle réussite. Nous l’avons rencontré au lendemain de son concert : retour sur son projet, son univers et le tournant que prend sa vie actuellement.

lSaj0ko INTERVIEW FOREVER PAVOT │«JE ME SENS BIEN DANS CETTE VOIE»

Tu faisais parti d’une formation avant Forever Pavot, Arun Tazieff, comment tu en es venu à faire ton projet solo ?

J’ai toujours fait un peu de la musique tout seul. Avec Forever Pavot, je voulais surtout expérimenter l’enregistrement sur bande, j’ai commencé à enregistrer des compos sur un 4 pistes cassette et ensuite je me suis acheté un 8 pistes à bande des années 70 qui me plaisait beaucoup. Au début, je me cherchais donc je faisais plein de trucs différents, des chansons folk, des trucs un peu plus punk, garage, d’autres trucs avec juste des synthétiseurs, et avec le temps j’en suis arrivé à ce mélange de pop-sixties et de musique de film. Ca a commencé en même temps qu’Arun Tazieff, et comme ça s’est arrêté avec le temps j’ai proposé à certains membres du groupe qui jouaient avec moi de continuer.

Tu composes tout seul mais tu as décidé de t’entourer sur scène, c’était important pour toi ?

Oui, je me suis entouré de mes copains. C’est pas possible de faire de la batterie, de la basse, de la guitare, des claviers, de la flute traversière, des percussions… c’est pas possible. J’avais pas envie de jouer sur bande tu vois, avec un mp3 et jouer par dessus ça m’aurait fait chier. Donc je suis entouré de ces mecs là qui sont mes copains que je connais depuis une dizaine d’années et qui sont de très bons musiciens. Et puis c’est beaucoup plus vivant sur scène.

C’est pas difficile de passer d’un projet solo, très personnel, au travail dans le groupe ?

Non parce que justement en live c’est un peu différent, c’est un peu plus couillu, et on réarrange des morceaux parce qu’il y a des choses qu’on ne peut pas refaire. Notamment ce que j’explique souvent, c’est qu’il y a un son assez particulier sur l’album, une production spéciale qu’on ne peut pas reproduire en live, ce son à l’ancienne difficilement reproductible, donc on réarrange. Mais c’est ça qui est intéressant et je leur laisse une certaine liberté. On joue les morceaux tels qu’ils sont sur l’album mais il y a certaines parties de clavecin que je ne peux pas jouer parce que je suis en train de faire de l’orgue, alors c’est Antoine qui va le jouer à la guitare, certaines parties de mellotron que Athur joue à la flute traversière, etc. On réarrange et je suis plutôt content, j’avais peur que les gens disent « On a peur qu’en live ce ne soit pas exactement comme sur l’album » car c’est très arrangé et qu’il y a beaucoup de couches les unes sur les autres, et finalement les gens ont l’air de trouver que c’est plutôt chouette donc c’est bien. Je leur envoie des morceaux, et ce sont des bons musiciens donc ils comprennent assez rapidement le feeling qu’il faut avoir, ça va vite.

Tu es réalisateur, tu as travaillé pour Disclosure, Alt-J… comment tu mets ta passion pour le cinéma en musique ?

C’est une idée que je trouve intéressante. Pour le moment mon travail de réalisateur et mon travail de musicien sont je trouve assez éloignés puisque dans l’univers de mes clips c’est assez humour anglais, très second degré et influencé par l’humour british, alors que ma musique est plutôt premier degré et plus sérieuse. Ce sont deux mondes assez différents, je m’influence pas mal du burlesque dans la vidéo alors que la musique est plutôt axée film de genre. Finalement j’aime bien en tout cas l’idée que les gens puissent se dire que mon film soit une BO imaginaire et que chaque morceau puisse être assimilé à un certain type de film.

Tu imagines déjà des scènes lorsque tu composes ? Comme tu es seul, comment se passe ton processus de création ?

Non je n’imagine rien. Généralement la composition c’est soit une guitare ou plutôt des claviers, je vais composer une suite d’accords et je brode autour tous les autres instruments.

Tu expérimentes beaucoup en composant, au final ?

Oui c’est justement ça que j’aime beaucoup, c’est pour ça que je travaille aussi seul, je travaille n’importe quand, quand je veux. Dès que j’ai une idée je l’essaye tout de suite et c’est sûr que dans ma musique il y a ce truc là d’expérimenter des sons, des synthétiseurs, des bandes, m’amuser avec les bruitages, ce genre de choses. C’est très important.

Tu es seul, à quel moment tu sais que ton morceau est enfin prêt ?

Ca dépend, il y a des chansons parfois je vais bosser dessus pendant quelques jours et je vais même pas la garder… Ce qui est difficile c’est que lorsque tu es seul tu as pas du tout de recul sur ce que tu fais, tu restes dedans… c’est comme mixer, monter un film. Si tu n’as personne à côté de toi pour te le dire c’est difficile. Mais j’y arrive je pense, c’est du boulot, c’est l’habitude.

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Tu peux expliquer le titre de ton album Rhapsode ?

Les rhapsodes étaient les musiciens qui jouaient les oeuvres des autres. J’aime bien cette idée, dans la continuité de ce que tu disais, le fait que les gens puissent s’imaginer tel film ou penser que c’est une BO en écoutant ma musique. Comme je m’influence énormément, qu’il y a pas mal d’emprunts dans ma musique, quelque chose de rétro, tout ce que j’ingurgite, mes influences et ce que je vais recracher après… c’est un peu comme si quelqu’un m’avait guidé, m’avait dit « fais ça », et j’aime bien cette idée là.

Les titres de ton album sont un peu mystérieux, « le passeur d’armes », « les naufragés de Nieul », « les cigognes nénuphars »… qu’est-ce qu’ils signifient ?

Alors déjà Nieul sur Mer c’est le patelin d’où je viens qui est juste à côté de la Rochelle. En fait, je n’ai pas de vision lorsque j’écris, mais quand une chanson est terminée, je m’imagine une histoire en fonction de ce que ça va m’évoquer, de l’ambiance que ça va donner. Soit ça va donner le nom de la chanson lorsqu’il n’y a pas de paroles et sinon ce sont les paroles. Cigognes nénuphars parle de cauchemars. Je suis quelqu’un qui faisait beaucoup de cauchemars et de terreurs nocturnes quand j’étais petit, c’est une petite histoire que je raconte. Je me mets dans la peau d’un petit garçon qui dessine ses cauchemars, dont les cignognes nénuphars. Les naufragés de Nieul, ça me faisait rire d’imaginer une sorte de prophécie, des fantômes qui hantent une petite ville.

Et l’album marche super bien, tu tournes beaucoup en ce moment. Comment s’est passée la rencontre avec Born Bad Records ?

Avec J-B (Jean-Baptiste Guillot, le patron de Born Bad), on s’est rencontré il y a deux ans et demi ou trois ans, j’avais sorti un tout premier 45 tours à 50 exemplaires, que je distribuais. Je l’avais monté avec ma copine, à l’époque juste pour sortir un disque et on les donnait aux copains, on offrait ça avec des chocolats. Et on a un copain en commun avec J-B, Damien Lapeyre, qui est de La Rochelle et qui vend des disques à des collectionneurs. C’est un espèce de geek du disque et il vend à des collectionneurs du monde entier. Il a écouté mon disque et il m’avait dit « Ah c’est vachement bien, file moi en quelques uns ». Il a une page Ebay, il a mis mon disque et J-B est tombé dessus, m’a contacté. Ca a été une discussion sur deux ans, je lui ai envoyé des morceaux, on a dialogué et il y a six mois il m’a dit « on y va ».

Est-ce que tu peux expliquer un peu le visuel ?

Oui bien sûr ! C’est Catherine Hershey qui l’a créée, une bonne amie à moi qui chante d’ailleurs sur Rhapsode et Joe and Rose. Et à la base, je ne sais pas si tu as vu les autres EP qu’il y avait avant, c’était les photos d’un enfant qui est le fils de Catherine. Elle était chez elle, elle dessinait son portrait avec ces crayons de couleurs, je trouvais ça support beau et je lui ai demandé si elle pouvait faire un portrait de moi. À la base, le 45 tours devait être mon portrait, mais lorsque je l’ai vu je me suis dit que c’était un peu bizarre de mettre mon portrait comme ça. Le 45 tours est sorti avec le portrait du fils de Catherine, et après je lui ai demandé de redessiner autre chose. C’est une espèce de forêt avec pleins de petits trucs un peu partout. Ca devait être la pochette, mais quand j’ai vu les deux avec le portrait qui devait être l’insert, J-B m’a dit de me mettre en avant, et je pense qu’il avait raison, je suis content de l’avoir fait. En plus il y a une continuité, des portraits de l’enfance, puis moi un peu plus grand… Peut-être que je ferai après un vieux papy, j’en sais rien on verra.

En plus ça correspond super bien à l’univers.

C’est pour ça que j’ai choisi cette illustratrice, ça correspond complètement à l’univers de ma musique.

Tu as joué à Rock en Seine et c’est là que Jean-Louis Brossard (programmateur des Trans) t’a découvert, tu savais qu’il était dans le public à ce moment là?

Non pas du tout, c’est J-B de Born Bad qui l’a un peu tanné, et il a adoré. Quand on a l’a vu là-bas il nous a dit que c’était un peu difficile pour les Transmusicales parce que c’était un peu tard. Mais finalement il a rappelé trois semaines plus tard en nous disant « C’est bon, je vous ai trouvé une place, venez ». On est contents !

Tu étais déjà venu aux Transmusicales avant ?

Non j’étais jamais venu, j’étais venu jouer à Rennes il y a un an et demi, je connaissais de réputation mais je n’étais jamais venu. Je suis pas très festoche comme mec, j’en fais pas beaucoup. J’en faisais avant, maintenant c’est moins ma came. Enfin j’adore y jouer mais je préfère aller voir des concerts dans des salles, comme l’Ubu par exemple.

Quels sont les futurs projets ?

On a encore un peu de promo et il y a des splits qui vont se faire, avec Julien Gasc, avec Dorian Pimpernel, avec un autre groupe qui s’appelle Calypso qui sont des amis à moi de Paris… Et puis je vais continuer à faire des chansons, là je me sens bien dans cette voie. Après, si dans 4 ans je veux faire du jazz ou du reggae, je le ferai. C’est ça qui est bien quand on est seul.


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