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Grèce : Alexis Tsipras, son adversaire c'est (vraiment) le monde de la finance

Publié le 30 décembre 2014 par Blanchemanche
#Syriza #troika #austérité
Mardi 30 Décembre 2014 BRUNO RIETH

Les parlementaires grecs viennent pour la troisième fois de refuser de soutenir le candidat du premier ministre conservateur Antonis Samaras entrainant de facto la dissolution du Parlement et des élections législatives anticipées. La voie royale pour Syriza. Alexis Tsipras, le leader de la coalition de gauche radicale, qui caracole en tête des sondages doit non seulement lutter contre la droite grecque mais aussi contre les créanciers qui voient d'un très mauvais oeil, ses aspirations anti-austérité.

Alexis Tsipras (deuxième en partant de la droite) durant le festival Résistance 2014 organisé par Syriza PACIFIC PRESS/SIPA
Alexis Tsipras (deuxième en partant de la droite) durant le festival Résistance 2014 organisé par Syriza PACIFIC PRESS/SIPA
« Mon véritable adversaire c’est la finance », lançait le François Hollande de 2012 lors de son fameux discours du « Bourget ». Sauf que cette déclaration à l’emporte-pièce, collerait bien mieux à Alexis Tsipras, le leader grec de la coalition Syriza, qu’à notre président de la république. Alors que le camarade Michel Sapin, ministre des Finances, désavouait en juillet dernier, candide, le candidat Hollande en déclarant que finalement « Notre amie c’est la finance »,Tsipras s'est, lui, réellement engagé dans une bataille contre le « monde de la finance »
Et l'hypothèse d'une arrivée de Syriza à la tête de l'état grec affole déjà marchés et chancelleries. Car Stavros Dimas, ancien commissaire européen et candidat à la présidence présenté par le premier ministre conservateur Antonis Samaras, après les deux premiers tours où il n’a pas réussi à dépasser le cap des 200 voix des parlementaires nécessaires pour être élu, vient encore une fois d’échouer au troisième tour avec un seuil pourtant abaissé à 180 voix. La suite sera fatalement la dissolution du parlement avec dans la foulée des législatives anticipées dont le principal favori des sondages est la coalition Syriza et son programme anti-austérité. 2015 verra donc peut-être porter au pouvoir la gauche que représente la ligne Tsipras. Un scénario loin d’enchanter les financiers de tout bord. 
  
« Son programme est pire que le communisme, ce sera le chaos » s’affolait auprès duTelegraph, Joerg Sponer, du fond de pension Capital Group. Le « chaos », c’est aussi ce que promettait le premier ministre Samaras, dans une rhétorique similaire à l’analyste financier, adjurant les députés à voter pour son candidat en leur lançant « c’est nous ou le chaos ». Et ses alliés d’enfoncer le clou comme Adonis Georgiadis, ancien ministre, en déclarant vouloir « sortir son argent de Grèce si le gouvernement tombait ». A l’annonce de l’impasse du troisième tour de l’élection présidentielle la bourse d’Athènes a même cédé 11%. Car pour les créanciers de la Grèce, les intentions de Tsipras défient l’entendement : hausse du salaire minimum, moratoires sur les dettes privées aux banques, annulation d’une partie de la dette publique jugée illégitime, relance de l’investissement par la dépense publique et, surtout, sortie « du mémorandum »imposé à la Grèce l’obligeant à appliquer une politique d’austérité drastique, réformes structurelles et programme de privatisation en bonus. Un programme digne d’un fou pour des banquiers biberonnés à la sauce néo-libérale ce qui vaut à Alexis Tsipras d’être taxé  d'« antieuropéen » car pour la sortie de son pays de l’euro. Une analyse erronée de la volonté du leader grec qui, s’il souhaite bien renégocier prêts et accords avec l’UE, ne milite pas pour une sortie de l’euro comme l’exprime Yannis Varoufakis, un économiste de l’université d’Athènesproche de Syriza qui, dans une note de blog, considère même que « La sortie de la zone euro serait un désastre pour la Grèce et l'Europe. Nul n'en a besoin ».
  
L'Union Européenne justement, qui est l’un des principaux créanciers du pays, n’avait pourtant pas ménagé ses efforts pour soutenir le candidat conservateur. Le tout nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait souhaité « revoir des visages familiers en janvier » à la tête du pays. Pierre Moscovici, commissaire européen à l’économie placé à ce poste dans la douleur, est allé donner de sa personne en Grèce pour « saluer les progrès faits »par le pays et « défendre les réformes structurelles », histoire de rendre hommage aux coupes budgétaires et réformes du gouvernement. Sauf que, selon les chiffres officiels, avec un taux de chômage de 25,7 % de la population active qui grimpe a 49,8% chez les moins de 25 ans, Pierre Moscovici n'a pas dû trouver grand monde pour trinquer avec lui. L’autre objectif était aussi de menacer puisqu'il déclarait que « l’idée d’envisager de ne pas rembourser une dette énorme » est « suicidaire ». Touchez pas au grisbi ! 
  
La représentation nationale grecque en a pourtant donc décidé autrement en refusant de soutenir le candidat conservateur pour la troisième fois et provoquer ainsi un retour aux urnes, confirmant par la même, la déclaration d’Alexis Tsipras lors des résultats du premier tour : « La démocratie ne cède pas au chantage, la décision viendra du peuple. L'alarmisme de ces derniers jours n'a pas porté les fruits qu'espérait le gouvernement de M.Samaras. La stratégie de la peur s'est effondrée ». 
  
Mais pour Syriza la partie est loin d’être gagnée. Car si selon les derniers sondages, la coalition anti-austérité se retrouve en tête des intentions de votes devant le parti conservateur Nouvelle Démocratie de M. Samaras (27,2% contre 24,7% selon Kapa Research et 28,3 % contre 25 % selon Alko), cette avance suffira-t-elle pour avoir la majorité et gouverner seul ? Rien n’est moins sûr et dans le cas contraire, pour éviter une nouvelle crise politique une coalition sera nécessaire. Mais avec quels alliés ? Surtout, une fois aux manettes, le leader de Syriza arrivera-t-il à remporter son bras de fer qu’il souhaite engager avec l’UE ? Reste que l’arrivée au pouvoir d’une gauche tenante d’une « autre politique » au sein d’une Union Européenne dominée par la doxa néo-libérale pourrait bien relancer le débat sur l’austérité et la Grèce servir à nouveau de laboratoire politique et économique. 

http://www.marianne.net/Grece-Alexis-Tsipras-son-adversaire-c-est-vraiment-le-monde-de-la-finance_a243588.html


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