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Année 1915, il est donc entendu que la nuit, les cinq hôtes actuels de la rue Bonhomme se réuniront dans le sous-sol de la maison n°10, s'ils ont lieu de se croire en danger.

Par Cantabile @reimsavant

Les événements de la guerre ont amené une véritable perturbation dans les services de l'hôtel de ville. Il en est qui se sont trouvés désorganisés entièrement ; d'autres qui n'ont pu continuer à marcher qu'averc l'aide d'auxiliaires. Enfin, des bureaux provisoires nouveaux ont dû être installés et mis à même de fonctionner, pour les allocations, les déclarations à recevoir de la part des sinistrés, etc.

La "comptabilité" peut pourtant exercer son rôle à peu près normalement au début de cette années 1915.

M. Cullier, encore sous l'uniforme de GVC, vient chaque jour, le fusil à la bretelle*, afin de se conformer aux ordres stricts de l’autorité militaire, prescrivant à tous les soldats de circuler dans Reims toujours en armes. Il prépare les écritures et les comptes nécessités par la nouvelle situation financière de la ville et s'efforce de faire rattraper un peu le retard.

L'occupation ne manque pas.

M. Vigogne assure son service habituel des traitements et pensions.

M. Cochet expédie le courant avec le concours de M. Guérin, qui perçoit en outre les versements à la caisse départementale des incendiés et M. Hess est chargé de la délivrance des bons de farine ou de denrées diverses aux boulangers et commerçants, ainsi que de la préparation des états de recouvrement des sommes dues, pour les marchandises cédées par la ville à la population civile, d'&après les renseignements donnés par le "Ravitaillement".

Dans le bureau, l'esprit est excellent. Différentes alertes ont contribué à cimenter une bonne et saine camaraderie entre tous. Nous supportons philosophiquement le dangereux voisinage de l'ennemi que nous aimerions mieux, certes, savoir ailleurs, mais nul ne broie du noir dans cette ambiance de mutuelle sympathie.

Le bombardement sévit journellement, il nous faut bien tendre le dos quand nous ne le voudrions pas ; cela ne va pas toujours sans imprécations ni sans que les Allemands ne se fassent copieusement baptiser, surtout par Guérin ou M. Vigogne qui nous font parois rire avec l'à-propos de leurs mots. On s'est généralement accoutumé aux sifflements et les écritures ne sont laissées en suspens que lorsque les explosions des arrivées deviennent trop proches. Alors, c'est l'occasion de sortir les pipes, car dans ces circonstances, on fume beaucoup.

On fume même facilement, entre temps, dans le bureau, où un immense spot à tabac pouvant contenir trois ou quatre paquets de scaferlati de troupe, se trouve à demeure à la disposition de chacun ; il est toujours approvisionné par l'un ou l'autre. Nous faisons en sorte d'éviter qu'il soit vide et sauf M. Vigogne qui n'en use pas, personne ne se prive d'y puiser.

Quant aux opérations militaires, elles n'ont pas apporté pour nous un grand changement, depuis l'épouvantable surprise du 14 septembre, lendemain du jour où les troupes françaises étaient entrées si joyeusement dans notre cité.

Notre patience, depuis cette époque, a subi de très dures épreuves ; nous avons passé, nous avons vécu toute une série d'espoirs et nous avons été souvent fortement déçus ; cependant, nous gardons confiance.

Nous ne sommes pas des fanatiques du communiqué. Nous avons appris à apprécier la valeur exacte de ses termes quand il lui faut annoncer un revers... et s'il lui arrive de signaler un succès partiel, ce ne sont pas les boniments des journaux qui nous réconforteraient, oh non !

Mais nous croyons fermement que la victoire de la Marne aura la suite logique que l'impréparation à la guerre n'a malheureusement permis de lui donner immédiatement, et nous avons foi en notre libération.

C'est dans ces conditions que nous commençons l'année nouvelle, 1915, à la "comptabilité".

- D'autre part, rue Bonhomme, j'ai eu l'occasion de causer avec une voisine qui, en compagnie de son fils âgé d'une quinzaine d'années, garde la maison Burnod (n°10).

Elle m'a appris que la rue est vide de ses habitants ; qu'une seule personne reste avec sa fille pour occuper la maison L. Abelé (n°5), et qu'elles sont convenues de se réunir dans la cave du n°10 en cas d'alerte. En me faisant part de leurs frayeurs dans la nuit du 17 décembre. Lorsque nos environs ont été si fortement bombardés, elle m'a proposé d'aller me joindre à leur petit groupe, me représentant ce que m'avait déjà dit Mme Martinet, qu'il n'était guère prudent pour moi de rester seul au n°8 en de tels moments et j'ai accepté puisque nous sommes porte à porte, quoique les descentes à la cave, surtout en nombre, pour éviter les risques du bombardement ne me sourient pas beaucoup.

Quittant assez tôt mon domicile provisoire, pour n'y passer que peu de temps pendant midi et y revenir le soir dans la plus complète obscurité, je n'a ais pas eu enc ore l'occasion de conna^tre mon nouveau voisinage.

Après cette conversation, je me rends compte qu'en effet, la rue Bonhomme qui n'a que quatorze numéros est bien tranquille, presque trop tranquille, car à l'une de ses extrémité il y a bien un débitant, M. Sarrazin, mais l'entrée de son petit café est en pan coupé et plutôt sur la rue Courmeaux ; de l'autre côté de la rue, il est en de même pour le magasin de Mlle Bourg, situé en angle sur la rue Cérès.

Il est donc entendu que la nuit, les cinq hôtes actuels de la rue Bonhomme se réuniront dans le sous-sol de la maison n°10, s'ils ont lieu de se croire en danger.

1er janvier 1915

En cette journée, le bombardement continue, après une nuit calme.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

* Ayant été mis à la disposition du maire, par le commandant Magnaud des CVC, M. Cullier est maintenu dans cette position par une note du général Dalstein, commandant la 6e région, lorsque le groupe des GVC reçoit l'ordre de quitter Reims, pour se rendre à Ay (Marne). il lui est enjoint d'aller se faire désarmer en cet endroit le 15 janvier

8 rue Bonhomme, logement provisoire de Paul Hess, maison reconstruite ou pas ?

8 rue Bonhomme, logement provisoire de Paul Hess, maison reconstruite ou pas ?

5 rue Bonhomme, Maison Abelé, certainement reconstruite.

5 rue Bonhomme, Maison Abelé, certainement reconstruite.

10 rue Bonhomme, maison Burnod (reconstruite ?), les caves sont le lieu de RV en cas d'alerte.

10 rue Bonhomme, maison Burnod (reconstruite ?), les caves sont le lieu de RV en cas d'alerte.

Rue Bonhomme actuelle vue de la rue Cérès

Rue Bonhomme actuelle vue de la rue Cérès

Vendredi 1er - Nuit tranquille, sauf une bombe vers minuit.

Canonnade toute la journée jusqu'à 4 h. Lettre de remerciement à Mgr de St Claude pour offrande.

Visites à MM. de Bruignac, Albert Benoist, Demaison, Camuset, Becker.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims

Année 1915 - 1/1-15 - Jour de l'an.

Temps de pluie. Les grosses pièces ont fait rage toute la journée sans doute pour envoyer quelques étrennes aux Allemands. Mais, de notre coté, ils nous en ont envoyées aussi car la ville a reçu un peu d'obus. Nuit assez calme.

Carnet d'Eugène Chausson durant la guerre de 1914-1918

Voir ce beau carnet sur le site de sa petite-fille Marie-Lise Rochoy


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