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Bolivie : le choc des cultures

Publié le 05 janvier 2015 par Caraporters @Caraporters

Lac Titicaca - Isla del Sol (1)

La chamane

Assise au devant d’un bus grand confort, j’ai quitté la Bolivie pour l’Argentine depuis quelques heures maintenant. À mes côtés, une petite mamie bolivienne dégage une odeur étrange… Avec sa bouille ronde, son nez légèrement crochu et un oeil à moitié ouvert, elle a une allure de chamane. J’inspecte discrètement son visage. Il ne lui manquerait plus que le grain de beauté planté près du nez, ce détail ultime, pour que je lui attribue définitivement une aura mystique… Elle est comme mon dernier point d’attache avec la Bolivie. Je sens que je l’interpelle. Je l’observe moi aussi [C’est marrant, comme beaucoup de Latinos, elle se signe alors que nous venons de passer devant un édifice religieux…].

Aaaaaah, je viens de comprendre… Elle mastique de la coca ! Elle a un sac avec elle. Pour l’altitude, ils ruminent tous cette fameuse plante. Décidement, je ne suis pas fan de l’odeur. Tout en fixant la route, elle me pose des questions, me demande d’où je viens, ce que je fais, depuis combien de temps je voyage, ce que j’ai fait en Bolivie… sa curiosité m’amuse, alors je lui raconte mon séjour.

Feedback en Bolivie

Trois semaines ont passé depuis mon arrivée en Bolivie. Mon séjour fut court mais intense. Après 14 heures de bus depuis Cusco, j’arrive à Copacabana, station balnéaire sur les rives du mythique Titicaca. J’accroche difficilement. Cette ville est bien trop touristique pour moi… Mais au moins, je trouve rapidement un hôtel avec vue sur le lac. C’est certainement son seul avantage car pour le reste, les chambres et l’accueil sont plus que sommaires. J’essaie de passer au delà des apparences et pour agrémenter cette étape, je m’installe sur le rooftop d’un café en bord de plage. Je n’échangerai ma vue avec personne ! L’horizon est sans fin. J’ai du mal à m’imaginer que cet océan ne soit qu’un lac. Ce doit être la basse saison car je suis toute seule. Je m’enferme donc vite dans ma bulle et passe l’après-midi à écrire, envoyer des messages et profiter du coucher du soleil.

Le lendemain, je prends un bateau pour la Isla del Sol. Il faut presque deux heures de bateau pour accoster et pour le coup, j’ai vraiment le sentiment de débarquer au milieu de nulle part. J’y passe deux nuits, de quoi me reposer et parcourir l’île à pied du nord au sud. Peu de touristes encore en cette saison. J’apprécie la tranquilité. Les paysages me rappellent tantôt l’Irlande, tantôt la Grèce, tantôt le Sud…

Lac Titicaca - Isla del Sol (3)

À quoi bon…

J’observe les insulaires. Curieux pour moi… de vivre ici. Une vie tellement éloignée de la mienne. Ce n’est pas la première fois que j’ai ce sentiment. A vrai dire, depuis mon arrivée au Pérou, je me sens en décalage. Ils ont l’art de me déstabiliser moi et mon modèle de vie à l’européenne si structurée et planifiée… il y a comme une fausse note entre nos deux mondes.

Au Pérou comme en Bolivie, la vie dans les grandes villes peut paraître chaotique mais reste néanmoins structurée. Plus les populations se resserrent, plus je m’éloigne de mes repères. A commencer par les rues qui paraissent être dessinées au hasard. Pas de revêtement… à quoi bon ? Quant aux foyers, certains me donnent la chair de poule. Je me demande parfois si quelqu’un y vit vraiment ou pas. Les toits des maisons sont couronnés de barres de fer. La plupart attendent un deuxième étage qui ne viendra sûrement jamais. L’esthétisme et le confort sont repoussés au second plan. Sur l’île, je découvre par hasard l’intérieur de la maison du supposé propriétaire à qui je souhaite louer une chambre. Les portes sont ouvertes. À droite, une chambre commune, à gauche, l’espace de vie. J’imagine qu’ils dorment dans la même pièce. Au milieu s’entasse un désordre fantomatique. Face à un tel constat, je ne cherche même pas à savoir s’il existe un salon, salle, cuisine… A quoi bon…

Côté vie active, je découvre également dans les endroits les plus reculés un autre monde. La médecine du travail aurait bien du souci à se faire. Ils s’installent où bon leur semble. Pour certains, que ce soit pour de la vente de bibelots, du tricot, de l’épluchage de légumes, un bout de talus suffit… D’autres passent la journée dans les champs, déambulent avec leurs ânes, véritables monts de charges. Quant aux commerces, je me demande quel est leur secret pour survivre. Chaque boutique est la réplique conforme de son voisin. Tous vendent la même chose. Mais je dois comprendre qu’ici la vie se vit au jour le jour. L’argent gagné la veille sert pour le lendemain. D’un jour sur l’autre, ou parfois dans la même journée, ils peuvent cumuler plusieurs métiers. Un matin, ils se réveillent paysan, le lendemain chauffeur, revendeur, restaurateur, guide… Ils n’ont pas 30 ans que la plupart ont déjà expérimenté ces différentes situations. Et pourtant, chaque jour semble être une copie du précédent. Il y a bien la télévision dans quelques foyers ou restaurants mais point de théâtre, cinéma… Peu ou presque pas d’internet.

Sur l’île, les enfants m’intriguent plus que tout. A peine descendue du bateau, ils m’accostent pour me proposer hébergements ou restaurants. Je les retrouve ensuite à s’inventer des embarcations de fortune avec une bouteille d’eau qu’ils trainent sur la rive, à disputer une partie de foot sur un semblant de terrain ou à jouer aux billes devant ma porte de chambre.

Bref, le Nouveau Monde me déstabilise, voire m’hypnotise… J’essaie de me projeter dans cette vie considérablement ralentie, faite de bonheurs simples. Si, à plusieurs reprises, je me suis sentie démunie face à des situations souvent délirantes, je prends aussi conscience de mes propres incohérences. Ce voyage a le mérite de me faire prendre du recul sur ma vie d’occidentale avec ses plus et ses moins, garnie elle aussi d’absurdités. Si j’étais déjà consciente de l’écart de vie possible entre nos deux mondes, sur place, tout prend une autre dimension. Il n’est pas question de discuter davantage sur ce qu’ils ont en moins. Ils ont l’air heureux ou du moins pas si malheureux… que nous, Européens. C’est nous qui avons trop ou qui n’en n’avons jamais assez. J’en tire la conclusion qu’il n’existe pas de modèle parfait. Alors, à quoi bon…

Lac Titicaca - Isla del Sol (2)


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