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Grandir sans (se) perdre : à propos d’ “Un illustre inconnu”

Publié le 30 novembre 2014 par Leautisse @Intermediius

Et si un inconnu vous volait votre identité ?
C’est la trame du film “Un illustre inconnu”. Oxymore quand tu nous tiens, tu nous invites à passer sous la lumière des choses et à décrypter les réalités tragiques sous les apparences ludiques. Voler les identités des autres ? (sans faire de mal) Rigolo, non…?
Au delà de l’effet de surprise, c’est l’histoire simple d’un type qui n’arrive pas être lui même… et qui emprunte pour ce faire la vie des autres.

Pourquoi ce film m’a interpellé ? Peut-être parce qu’il pointe trois défis… trois absences de l’air du temps… et nous invite à déplier ses énigmes.

Un flash tout d’abord. Des images en gros plan de gestes et de visages, que le héros capte, gourmand, pour mieux se les approprier. Des attitudes et des bouts d’humanité comme trophées, en quelque sorte.
C’est la première force que j’apprécie dans cette histoire : derrière ces scènes de “vampirisme soft”, le film parle de notre consommation des autres. De la façon dont on s’approprie leur manière d’exister. L’enrichissement de notre identité sociale. Mais, est-on vraiment responsable ? Fou le personnage du film ? Pourtant, à bien y regarder, le mimétisme et le conditionnement social nous sollicitent en permanence pour se confronter, endosser ou refuser des masques. Et s’il y avait un autre problème ? Celui de l’explosion des images disponibles (via internet, smartphone, affiches, feuilletons, émissions tv, cinéma…) qui nous pousse involontairement à emprunter de plus en plus les profils des autres. Sommes nous tributaires des difficultés croissantes à vivre dans un monde de plus en plus recouverts d’images, de reflets d’autres qu’on endosse malgré nous à force d’y être confrontés. C’est le sociologue Anthony Giddens qui dit que la réflexivité de la société, c’est à dire la conscience et la connaissance du monde sur lui-même, a énormément augmenté depuis un siècle. Et Paul Virilio qui décrit, année après, année l’accélération exponentielle de nos modes de vie. A force de bombardement de profils, on finit peut-être par en endosser plus que de raison…
Voilà pourquoi, pour certains, bien vivre aujourd’hui, c’est ralentir. C’est se détacher pour situer qui l’on est et où l’on est ? Pour mieux tracer son dessein. Pour ne pas être noyés par quelque chose qui nous dépasse. Et si cette conscience permanente nous empêchait de cerner nos propres désirs ? Nos chemins de vie ? Le risque existe…

Autre flash. “J’ai toujours bien fait ce qu’on m’a demandé. J’ai suivi les chemins…”
Voilà ce que confesse le héros à son père spirituel. On ne pourra mieux résumer la séquence initiatique : lui comme tant d’autres est invité à suivre un parcours balisé par d’autres. On lui fait miroiter un bonheur à condition qu’il respecte les étiquettes et les cases.
L’histoire raconte donc en creux les fantômes de notre parcours d’intégration (sociale) : on est ce qu’on est amené à suivre. “Fais et ne te fais pas remarquer, ne fais pas de faute de goût”. Voilà comment on pourrait résumer le motto de notre système éducatif.

Pour le personnage, certes, cela mène à l’emploi…mais pas au bien-être, à une place dans la société… mais pas à des relations, à la politesse pendant ses heures de jour… mais au vol de l’identité dans ses heures creuses… Normal… La frustration croissante amène des comportements souterrains pour survivre…
Sommes nous, comme le personnage, tous des agents commerciaux à double vie ? Freud et Jung pourraient aujourd’hui le suspecter…Malgré nous, notre inconscient voyage et, terrifiant comptable, se souvient de nos oublis…

Enfin, dernière scène (Attention spoiler)
“J’ai tué Sébastien Nicolas parce que je n’en pouvais plus de voir son regard et sa vacuité.” (de mémoire)
La trajectoire du héros du film prend un sens parce qu’il s’extrait non seulement de la case dans laquelle il s’est rangé une fois adulte, mais il sort aussi du périmètre de jeu qu’il s’est construit (pour répondre à son inconscient).
C’est cette leçon qui est la plus forte. On sort de l’impasse, on fait quelque chose de sa vie en “tordant” les données et le cadre de départ. L’inspiration et la voie ne peut venir que de là. Quitte à braconner, ici les identités et les rôles. Le mot peut gêner mais combien d’entre nous braconnent au jour le jour depuis des siècles. Et où est le mal au final…quand on sait mieux faire que le “possesseur officiel” ? Quand on trouve du sens et quand on sait en donner ?

Dans un monde mutant, qui construit des myriades de miroirs pour se rassurer et finit par emprisonner les humains qui y vivent, qui privilégie aussi le respect de la bienséance et de l’architecture sur l’inspiration, le braconnage est une leçon e vie qui rappelle que si l’on est pas responsable des cartes de départ, on l’est de ce qu’on en fait. Pour mieux en être récompensé…


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