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Joe

Par Kinopitheque12

David Gordon Green, 2013 (États-Unis)

Joe


Joe déçoit. David Gordon Green passe à côté d’une vraie matière sociale et la gâche surtout par une issue aussi bête que redoutée. Comme dans Prince of Texas (2013) ou L’autre rive (2004) pour lesquels il s’était fait remarquer, le réalisateur dépeint l’American South et circule dans ses zones rurales chaudes et délétères. Dans une ambiance de misère, il présente des êtres ravagés qui dans leurs maisons taudis sont devenus à force d’épreuves du roc épais ou du vieux bois. Après Mud de Nichols (2012), plein de rugosité et plein de lumière, lui empruntant même le jeune Tye Sheridan, Joe laissait croire à un autre beau récit d’apprentissage, peut-être à un autre diamant sous la boue. On misait donc sur Joe et même sur Nicolas Cage, son acteur principal. Il y avait longtemps en effet qu’il n’avait pas interprété un rôle de valeur : un personnage brut, sans artifice ni pyrotechnie, un asocial qui se soigne, un homme qui dans sa déchéance n’a pas encore usé à force d’alcool et de rancœur tout ce qui lui reste d’humain. Alors on voit ses pauvres gars embauchés illégalement par Joe pour tuer des arbres et aspergeant du poison à coup de machette. On voit ses pauvres filles qui gagnent trois sous pour donner de leur chair à une loque de passage ou un ivrogne résidant. On voit ce père alcoolique et ces autres faux durs qui désœuvrés se plaisent dans leur impuissance à écraser plus petits qu’eux. Mais, après avoir chargé le vieux père de toutes les tares (Gary Poulter vagabond de son état), il vole son fils et le bat, se saoule, tue un clochard et prostitue sa fille muette, le scénario de Gary Hawkins (basé sur le roman Joe de Larry Brown) n’aboutit à rien d’autre qu’à une toute dérisoire histoire de vengeance. Prenant le jeune sous son aile, Joe le violent dézingue les mauvais et satisfait les spectateurs. Et l’on se dit au final que le jeune n’a rien pu apprendre tant il est depuis le début indépendant et débrouillard et que Joe n’a pas pu être sauvé de grand chose tant sa réponse est conforme à la violence dont il a fait toujours preuve et qu’il a pourtant longtemps tenté de contenir. Loin de Malick dont il dit s’inspirer (Malick produit en partie L’autre rive), loin de Nichols, le Joe de Green déçoit.


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