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Le retour d’Ali Larijani

Publié le 28 mai 2008 par Delphineminoui1974

Son visage est connu du public occidental.

A 50 ans, c’est Ali Larijani, barbe rousse et lunettes en fer, l’ancien responsable de l’épineux dossier nucléaire iranien, qui vient d’être nommé à la tête du nouveau Parlement iranien. 


Une fonction, certes, aux contours bien délimités. Selon la constitution iranienne, le Majlis ne fixe pas la politique dans les domaines stratégiques comme les affaires étrangères, le pétrole, ou encore le nucléaire, mais il exerce une influence importante en matière économique.


C’est justement de ce dossier qu’Ali Larijani entend se saisir pour préparer une autre échéance importante : l’élection présidentielle de 2009. Cet ex-directeur de la télévision d’Etat, passé aux manettes du Conseil Suprême de la sécurité nationales avant d’être contraint à la démission sous la pression, dit-on, de l’actuel Président Mahmoud Ahmadinejad, entend bien s’attaquer aux erreurs de son adversaire en matière de politique économique pour concourir à sa succession.


La bataille a, en fait, déjà commencé.

Le rival potentiel de Mahmoud Ahmadinejad au prochain scrutin présidentiel a invité, dès vendredi, le nouveau Parlement à faire de la lutte contre l'inflation l'une de ses priorités.

"En votant pour vous, le peuple vous a donné sa confiance afin que vous régliez ses problèmes et le principal problème du pays, aujourd'hui, c'est l'inflation et comment la contrôler, ainsi que le développement économique", a-t-il déclaré dans un discours à la radio nationale avant la grande prière du vendredi. compte du chef de l'Etat.


Ce matin, c’est avec des mots à peine voilés qu’il s’en est à nouveau pris à Ahmadinejad en déclarant, lors de sa première intervention au parlement, s’appuyer sur un discours du guide suprême Ali Khamenei qui selon lui, a insisté «sur le fait que le parlement guide l'action du gouvernement et que ce dernier ne doit en aucun cas enfreindre les lois».


En juin 2005, Larijani s’était déjà présenté à l’élection présidentielle. Mais il avait largement été battu par Ahmadinejad. Elu en partie grâce à ses promesses de faire partager plus équitablement le produit de la manne pétrolière, ce dernier est aujourd’hui tenu pour responsable d’une inflation qui dépasse les 20 %.


Certains analystes n’excluent pas le fait que Larijani puisse être soutenu dans sa course à la présidence par une bonne frange des députés conservateurs, de plus en plus critiques à l’égard de la politique économique d’Ahmadinejad. Mais il devra compter avec une autre figure politique,  qui se place aujourd’hui en concurrent direct de l’actuel Président : Mohammad Baqer Qalibaf, l’actuel maire de Téhéran. Ce dernier, également candidat aux derniers élections avait remporté, en 2005, 14 % des voix, - contre seulement 6 % pour Larijani.

Un scénario serait alors envisageable : celui d’une alliance Larijani-Qalibaf contre Ahmadinejad, où Larijani se résignerait à renoncer à sa candidature au profit d’un soutien prononcé envers Qalibaf….

La rivalité entre Larijani et Ahmadinejad ne date pas d’aujourd’hui.

Les deux hommes sont tous deux d’anciens Gardiens de la révolution. Politiquement, ils se positionnent du côté conservateur. Pour l’un comme pour l’autre, le nucléaire constitue « un droit inaliénable ».

Mais d’un point de vue idéologique, ils sont très différents. Depuis son élection, Ahmadinejad s’est distingué par son jusqu’au-boutisme, et son refus de discuter avec l’Occident, quitte à provoquer plusieurs volets de sanctions onusiennes. Larijani, à l’inverse, s’est fait remarqué par son pragmatisme et sa volonté de poursuivre une certaine forme de dialogue avec les Européens…. Jusqu’à sa démission forcée du Conseil suprême de la Sécurité Nationale, en octobre 2007.

Leur différent trouve également ses racines dans les valeurs sociales et culturo-religieuses des deux hommes. Ahmadinejad, fils d’un forgeron, incarne les laissés pour compte, et prône une vision populiste de l’islam. Né dans la ville sainte chiite de Najaf (Irak), Ali Larijani fait, lui, partie de l’intelligensia religieuse. Il est le fils d’un grand ayatollah, Haj Mirza Hachem Amoli. Son épouse est également la fille de l’ayatollah Mottahari. Il a fait des études d’ingénierie et de philosophie. Il s’est particulièrement intéressé à la pensée d’Emmanuel Kant.

Au cours de sa carrière, Larijani a occupé différents postes importants. Entre 1994 et 2004, il s’est retrouvé à la tête de la puissante radio-télévision d'État.Auparavant, il avait été vice-ministre des Gardiens de la révolution et chef de l'état-major de cette garde prétorienne du régime. Il avait aussi occupé le poste de ministre de la Culture du président Akbar Hachémi Rafsandjani au début des années 1990.

Il dispose aussi du titre de représentant du guide suprême au sein du Conseil, un titre qu'il conserve encore aujourd’hui.

Mais attention, relèvent ses adversaires réformistes, l’ouverture et le pragmatisme dont il a fait preuve avec le dossier nucléaire ne se retrouvent pas systématiquement dans les autres domaines….  Ils n’ont pas oublié les années pendant lesquelles il dirigeait la télévision d’Etat.

C’est à cette époque que fut créée, notamment, « Hoviyat », un programme qui dénigrait systématiquement les écrivains et opposants iraniens. Les étudiants se rappellent, aussi, les aveux forcés de certains de leurs camarades devant les caméras de la télévision, après leur arrestation lors des manifestations de l'été 1999.

«Il faut fermer la télévision de Larijani», pouvait-on entendre dans leurs meetings de contestation….


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