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amours ancillaires

Publié le 03 mars 2015 par Dubruel

d'après HISTOIRE VRAIE de Maupassant

J’avais vingt-six ans et vivais en garçon

Dans mon château de Villebon.

Quand on s’embête après le diner,

On a l’œil de tous les côtés.

Je tombais bientôt sur la jeune Margot,

La servante de mes voisins Rigaux.

J’allai demander

À son maître de me la céder

En échange d’une jument

Qu’il voulait m’acheter depuis deux ans.

Marché conclu. La petite vint au château.

Je menai ma jument chez les Rigaux.

Margot m’avoua un jour :-« J’attends un enfant. »

Je lui donnai un peu d’argent.

Mais si je la chassais…,

On se douterait.

Et si je la gardais, bientôt on verrait…

Et l’on pourrait penser…

J’allais donc prendre l’avis

De mon cousin Armand qui me dit :

-« Le fils de la mère Ramise

Vient de faire une bêtise.

Tu sais que la Ramise est une infâme :

Pour un écu, elle vendrait son âme.

Et son fils aussi est un sacré … ! »

J’allais la trouver. J’expliquais.

La Ramise me posa tout de go

La question suivante :

-« Qué qu’ vous lui donnerez, à vot’ servante ? »

-« Je lui donnerai en dot

Mon champ de Beauvoir. »

Le lendemain, le fils Ramise venait me voir.

Il avait en effet l’air d’un rude garnement.

Et nous voilà partis examiner le champ.

-« Ça vous va ? »

Il ricana :

-« J’ cré ben, une terre et un éfant !

Mais, à qui qu’ils iraient

Ces arpents si a mourrait ? »

-« Mais à vous, naturellement. »

C’était ce qu’il voulait savoir.

-« D’accord, Monsieur, au revoir. »

Par contre, j’eus des difficultés

Avec Margot. Elle sanglotait et répétait :

-« Les femmes, c’est bête

Une fois qu’elles ont l’amour en tête... »

Mais elle céda au bout d’un moment

Si je l’autorisais

À me rendre visite de temps en temps.

Je la conduisis à l’autel

Et offrais le déjeuner

À toute la noce.

Bref, je fis grandement les choses…

Et puis je suis parti en Touraine

Pour chasser jusqu’à Noël.

À mon retour, j’apprenais

Qu’elle était venue me demander

Plusieurs fois par semaine.

Deux heures après,

Elle arrivait au château…avec son petit.

Je remarquai qu’elle avait maigri.

Je lui demandais :

-« Es-tu heureuse avec ton époux ? »

-« J’ peux pas m’ passer d’ vous.

J’aime mieux mourir.

J’en peux pu ! »

Je la consolai comme je pus

Et allai la reconduire

Quand elle m’avoua que son mari la battait

Et que sa belle-mère la traitait

Pis qu’une traînée.

Le lendemain, elle revenait.

Elle me prit dans ses bras :

-« J’ n’ veux pas retourner là-bas. »

Cette histoire m’embêtait.

J’ai fui de nouveau,

Et longtemps, par lâcheté.

Quand je suis revenu au château,

Mon valet de chambre me dit :

-« Elle est venue tous les samedis ! »

Il y a trois semaines, Margot décédait.

Et son mari… héritait.


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