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Une petite ballade au hasard

Publié le 05 mars 2015 par Chroom

Une petite ballade au hasardJe lis en ce moment la Bible de l’investissement de Burton Markiel, ‘A Random Walk Down Wall Street’. En 1973 déjà, Burton Markiel a pris les armes et a démystifié les capacités des analystes, des courtiers et des gestionnaires de fortune à générer de l’alpha pour leurs clients. Il fut le premier à publier des études rigoureuses, avant que les PC existent et rendent le travail rapide, comparant les performances des uns et des autres avec le marché en général. La conclusion est toujours valable aujourd’hui : si on inclut les frais de courtage (et dans certains pays les impôts sur les gains en capitaux), il est impossible de battre l’indice de façon constante (donc sur plusieurs années consécutives) avec le même niveau de risque. C’était la première mise en cause de la gestion active et surtout la démonstration statistique que pour le commun des mortels, la gestion active fait perdre plus d’argent par rapport à l’indice que la gestion passive (les indices n’incluent pas de frais, la gestion passive est donc aussi ‘perdante’ face à l’indice, mais de façon plus modérée).

Autant préciser qu’il ne s’est pas fait que des copains ! Une industrie qui génère des milliards pour ses collaborateurs n’aillait pas se laisser faire aussi facilement. Quarante ans plus tard, les choses ont à peine changé, les professionnels de la finance essaient toujours de convaincre leurs clients privés et institutionnels qu’ils ont la recette miracle pour vous faire gagner de l’argent. Comment est-ce possible que face à des démonstrations claires, mathématiques et statistiques, nous trouvions encore des clients prêts à trader (et des professionnels pour les encourager dans ce sens) alors que rationnellement cela n’a aucun sens ?

Je pense que la réponse est incrustée dans l’esprit humain et son incapacité à faire face à une certaine réalité peut s’expliquer ainsi : l’être humain contrôle certaines choses et pas d’autres. La ‘croyance’ dans sa capacité ou celle de son conseiller financier, à générer de l’alpha trouve son fondement dans la même irrationalité que l’astrologie: le besoin de croire que le hasard n’existe pas, que les choses sont déterminées et, surtout, qu’on peut toujours les influencer.

Dans notre passé très lointain, ou nous luttions pour notre survie, le choix était clair : si on ne trouvait pas d’eau, de nourriture, on mourrait. Si on se levait pour aller chasser, on mourrait. Si on ne se défendait pas de son ennemi, on était soumis à sa volonté. Nous avons au cours des millénaires été habitués à pouvoir influencer notre destin, ce qui est une bonne chose. Nous continuons à l’influencer aujourd’hui par les choix que nous faisons dans notre vie : études, travail, famille, équilibre entre le tout. Je pense donc que le pouvoir que l’être humain a peu à peu conquis sur son destin, la disparition par la rationalisation d’un nombre de croyances qu’il avait (la perte d’influence des religions dans notre monde occidental est aussi un signe de l’ascendant du rationnel sur l’irrationnel) l’a habitué à se persuader qu’il peut tout contrôler. Et donc aussi ses investissements. Ceci couplé à son besoin d’être actif, de faire plutôt que de subir, crée un mélange détonant qui persuade encore les gens que nous pouvons faire mieux que l’indice.

Bien entendu il existe des publications sérieuses pour contrer les dires de Malkiel. Lui-même reconnaît que dans certains cas, il peut y avoir des tendances répétitives, donc exploitables, mais elle sont marginales, largement cantonnées aux professionnels et de peu de secours à l’investisseur Lambda.

Nous ferions donc tous mieux d’adopter une stratégie ‘buy-and-hold’ ou d’acheter des ETF’s sur des indices pour ainsi acheter le marché dans son ensemble. Mais évidemment, c’est moins excitant et cela ne rend pas les discussions de salon passionantes…


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