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Pourquoi l"économie du partage" va triompher

Publié le 11 mars 2015 par Blanchemanche
#économiedupartage

L’économie du partage soulève de nombreuses questions : est-ce légal? Peut-on en vivre? Et surtout, cette mutation de l’économie semble incontournable. Xavier Quérat Hément, président d'Esprit de Service France, explique pourquoi.


Xavier Quérat-Hément Xavier Quérat-Hément
Après avoir émerveillé, l’économie du partage soulève de nombreuses questions : est-ce légal ? Peut-on en vivre ? Et pourtant cette mutation de l’économie semble incontournable. Comment expliquer son succès ? Notre hypothèse est qu’elle doit sa dynamique au besoin d’Esprit de service que l’on trouve aujourd’hui chez les consommateurs et les prestataires.

Les questions posées par l’économie du partage

La nouvelle a défrayé la chronique : en Espagne Uber a décidé de remplacer Uber Pop - illégal - par un service de livraison de repas à domicile. Pour la direction du nouveau géant californien de l’économie du partage, cela ne change rien puisque ce service "crée de la valeur pour tout le monde, les restaurants, les livreurs et les clients".
Quant à Airbnb, elle ressemble de plus en plus à une chaîne d’hôtel et est accusée de concurrence déloyale ; du coup, la firme californienne a annoncé qu’elle allait prélever des taxes locales sur les voyageurs aux USA. Après avoir fait une entrée fracassante sur le marché avec son lot incroyable d’innovations disruptives, ce nouveau modèle économique cherche sa place.

Pas de marche arrière possible

Pourtant, les chiffres des montants levés par ces nouvelles entreprises indiquent que le mouvement n’est pas prêt de s’arrêter. Dans le secteur du transport, par exemple, Uber, fondé en 2009, est déjà présent dans 54 pays et a réussi à lever 4,9 milliards de dollars.Lyft, le concurrent d’Uber Pop aux USA, a vu le jour en 2012 et est déjà valorisé à hauteur de 332 million de dollars. Enfin le Français Blablacar, créé en 2006 et présent dans 14 pays, pèse plus de 110 millions de dollars.S’agit-il d’une bulle ? Difficile à en juger, sachant que le mouvement s’étend désormais quasiment à tous les secteurs. La mode avec Vinted : un site qui permet d’échanger des vêtements de seconde main ;  l’alimentation avec Eatwith pour partager des repas à domicile ; l’approvisionnement en énergie avec Electricity, pour revendre les surplus produits par des panneaux solaires domestiques ; les menu-travaux, avec TaskRabbit, une application qui permet de trouver des manutentionnaires pour faire des petits boulots ; ou encore, la banque, avec le désormais célèbre Money Lending - fondépar un Français - qui permet de se prêter de l’argent entre particulier…Tous les secteurs sont concernés et ce n’est que le début.

Une transition compliquée

La question qui se pose bien évidemment face à toutes ces innovations, c’est « comment ces nouvelles activités peuvent cohabiter avec le modèle économique traditionnel »?Comme l'explique Sabine Delanglade dans un texte intitulé l’Uberisation de l’économie : les grands groupes ont désormais peur d’être déconnectés et font tout pour se rapprocher du modèle de la nouvelle économie.Par ailleurs, de nombreux experts s’interrogent sur la création de valeur. Ainsi, dans une tribune publiée récemment, Navi Radjou et Jaideep Prabhuaffirment : "Le marché mondial des produits et services partagés devrait croître considérablement de 15 milliards de dollars aujourd'hui à 335 milliards de dollars d'ici 2025, sans nécessiter aucun investissement majeur. La Commission européenne prévoit que le partage peer-to-peer, qui représente un stimulant pour le marché du travail en stagnation, va se transformer en élément perturbateur de l’économie." Aussi, ils annoncent l’avènement d’une "économie modeste" qui pourrait créer des millions d’emplois et générer des milliards de dollars de profit, mais ferait de nombreux perdants au passage.Ces perdants étant les grandes entreprises "soutenues par d'énormes budgets de R&D et par des structures organisationnelles fermées, ne sont pas conçues pour répondre aux besoins des consommateurs soucieux du coût et de l'environnement, qui cherchent plus et mieux pour moins cher". Nous traversons donc une période de transition compliquée.

Le besoin de plus d’"esprit de service" ?

Outre leur business model disruptif, les grandes réussites de l’économie du partage ne sont souvent vues que sous le seul angle de la performance exceptionnelle de leur plateforme numérique.Or, ce qui explique le succès des grandes marques de l’économie du partage, c’est bien plutôt une extraordinaire capacité à combiner l’excellence opérationnelle des plateformes avec une intense dimension humaine et émotionnelle de la relation entre internautes"demandeur" et "offreur" de service. C’est précisément cette combinaison qui fonde l’esprit de service aujourd’hui.Comme l’explique le journaliste américain Joël Stein, après avoir lui-même testé Lyft (le service de co-voiturage cité plus haut) : "les conducteurs amateurs sont étonnamment sympathiques."pour lui "Tout le monde est plus sympa, quand il traite ses affaires en direct avec ses propres clients. Cette sympathie vaut également pour les clients.Quasiment tous ceux qui ont recours à des locations Airbnb, par exemple, prennent l’habitude de re-pendre leurs serviettes de bain, après l’avoir utilisée. »

L'importance de "l'élément humain"

Et Stein de continuer, "cet élément humain a été crucial pour favoriser le développement des entreprises d’économie du partage". Quand Relay-Rides a installé un gadget qui permettait de louer un véhicule sans serrer la main d’un prestataire, la satisfaction client a chuté de 40%.Quand ils se rencontrent en personne, les "loueurs" entretiennent davantage leur véhicule et les emprunteurs s’efforcent de les rendre à temps." [1]. D’une part, le "fournisseur de service" se sent plus responsable et donc plus impliqué. D’autre part, le "demandeur" se sent davantage considéré.Cette notion est fondamentale dans un monde où la technologie est omniprésente et l’échange - souvent réalisé via le biais de plateformes digitales - peut vite être déshumanisé.Ainsi, l’introduction d’automates au sein des bureaux de poste n’a pu se faire sans l’accompagnement et la relation attentionnée développée par des postiers disponibles et autonomes pour aller vers les clients.En déployant l’esprit de service au sein de leur organisation, les grandes entreprises de service traditionnelles peuvent réussir la même intégration des processus et de l’expérience humaine que les start-ups de la nouvelle économie.L’enjeu n’est  donc pas seulement de rivaliser avec ces dernières, mais bien de participer activement à la même transformation globale d’une économie dans laquelle les emplois se créent dans les services (80% des créations d’emplois en France au dernier trimestre 2014 selon le baromètre du GPS) et où le levier de différenciation sur les marchés réside désormais dans l’esprit de service.Xavier Quérat-Hément, Président de l’Association Esprit de Service France, directeur qualité du Groupe la Poste, auteur du blog Esprit de service[1] My wild ride through the new on-demand economy, by Joël Stein, Time Magazine, Février 2015  Publié le 11-03-2015http://www.challenges.fr/tribunes/20150311.CHA3781/pourquoi-l-economie-du-partage-va-triompher.html

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