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Y a pas d'âge pour améliorer sa culture économique

Publié le 27 avril 2008 par Pierrem
Depuis quelques temps, on se plaint beaucoup du manque de culture économique des Français : Thierry Breton en 2006, Michel Rochard en 2007, etc. Plusieurs organisations ont vu le jour, à l'initiative du gouvernement comme de la "société civile" pour tenter de pallier à cela. On se plaint des manuels, des programmes, de l'école qui n'est pas assez proche du "monde économique". Pourtant on réserve l'enseignement de sciences économiques et sociales (et d'économie-gestion) tel qu'il existe aujourd'hui à une minorité d'élèves. Peut-être est il possible de concevoir une sensibilisation économique et sociologique qui puisse intervenir plus largement et surtout beaucoup plus tôt dans la formation des jeunes.

L'émission L'économie en question du 21 avril 2008 sur France Culture était consacré à cette question de la relation qu'entretiennent les Français avec l'économie. Les invités étaient Bernard Maris, Alexandre Delaigue (du désormais incontournable Econoclaste) et Isabelle Knock, déléguée générale du CODICE, le conseil pour la diffusion de la culture économique.
Ce Codice, créé en septembre 2006 par le ministre de l'économie Thierry Breton lorsqu'il était en poste, fait parler de lui de temps à autre mais peine à trouver sa place. Et ce probablement parce qu'il est trop focalisé sur l'entreprise (et pas assez sur les entreprises et le reste des objets qu'étudie l'économie), l'immense majorité de ses membres étant des entrepreneurs dirigeants d'entreprise [edit : cf com d'Emmeline] et des journalistes, il n'y a que deux économistes. Récemment s'est fondé une nouvelle l'organisation, l'Idies, institut pour le développement de l'information économique sociale, qui s'est fixé pour but de participer à l'amélioration de la culture économique des français, "mais pas n'importe comment" (lire le manifeste de l'IDIES).
Un autre moyen pour améliorer la culture économique des Français consisterait à développer l'enseignement des sciences économiques et sociales dans toutes les filières du lycée (et pas seulement la filière ES : pourquoi les mathématiques ou la philosophie sont des enseignements dispensés à tous les Terminales générales, et pas les sciences économiques et sociales après tout ?). On pourrait même concevoir un enseignement en collège, voire même au primaire. Certains sociologues ou économistes n'hésitent pas à proposer quelques pistes de réflexion pour aborder ces sciences dès l'école.
Si un tel enseignement n'est malheureusement pas près de voir le jour en France, on peut tout de même se réjouir d'avoir une littérature jeunesse extrêmement développée (eh oui, il n'y a pas que Martine - quelle horreur - et Tintin). Et dans le foisonnement des albums pour les petits, certains abordent parfois des notions d'économie. C'est notamment le cas de La grosse faim de P'tit bonhomme, édité par Didier Jeunesse.
Je vous fais le pitch :
P'tit bonhomme se lève un matin, il a très faim, il court chez le boulanger chercher du pain. Mais il n'a pas un sous en poche. Le boulanger lui dit "le pain, mon p’tit monsieur, ça ne se donne pas, cela s’achète", et conseille alors au P'tit bonhomme de lui rapporter de la farine, il en ferait du pain. Et s'en suit une épopée chez le meunier, puis le paysan, puis la rivière, etc.
Cette histoire est très intéressante parce qu'elle permet d'apporter des réponses aux fameuses questions qui commencent par "Pourquoi ...", qui fusent à partir de 3 ans jusqu'à la fin de l'enfance, et qui embarrassent parfois les grands. Deux notions sont ici abordées, la division sociale du travail et la filière. La filière correspond à une succession de liaisons techniques entre différentes activités économiques : le meunier est en amont du boulanger, et en aval du paysan.
"Dis, pourquoi y a des boulangers ?"
Le division sociale du travail, mise en avant par Adam Smith (mais aussi Platon bien avant, ou même les physiocrates), montre que les individus sont conduits à se spécialiser "naturellement" car ils ont un "penchant pour le trafic, le troc et l'échange". D'autre comme Marx verront dans la division du travail non pas le résultat d'un processus naturel, mais celui d'un processus historique.
Selon Smith, si je me spécialise dans la fabrication du pain comme le boulanger de P'tit bonhomme, je vais disposer d'un surplus par rapport à ma consommation personnelle, que je vais pouvoir vendre, et en contrepartie de quoi je disposerai de monnaie qui me permettra d'acheter les autres produits nécessaires à la satisfaction de mes besoins. Et chacun des acteurs que je rencontre dans mon petit album est amené à faire la même chose. C'est ce qui a conduit Adam Smith à écrire sa fameuse phrase :
"Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu’ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme ; et ce n’est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c’est toujours de leur avantage."
A. Smith ne nous dit rien d'autre que, finalement, à rechercher notre intérêt personnel, nous concourrons à l'intérêt général (c'est la fameuse "main invisible"), et ce de manière plus importante que si nous visions l'intérêt général directement. Si on comprend cela dès le CP, on est prêt à se plonger dans les prolongements et les contradictions de cette théorie dès le cycle 3. Ça promet pour les études en fac !
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