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Textes d’Ombre – Alejandra Pizarnik

Par Moglug @Moglug

Je veux exister au-delà de moi-même : avec les apparitions.
Je veux exister comme ce que je suis : une idée fixe. Je veux
hurler, non célébrer le silence de l’espace auquel on naît.

Parler de poésie m’est quasiment impossible et complètement étranger. En ces jours de deuil et de révolte, les vers d’Alejandra Pizarnik me sont une réponse pour adoucir ma colère, et hurler l’invisible. Avec Textes d’Ombre, la poétesse argentine compile des bribes de projets non aboutis sur la thématique de l’Autre, ombre de soi-même, autre soi-même. Invisible à formuler. Délire schizophrénique ou quête d’un plus grand ?

Quel masque mettrai-je quand j’émergerai de l’ombre ?
Je parle de cette chienne qui dans le silence tisse une trame
de faux silence pour que je me confonde de silence et chante
comme il convient pour s’adresser aux morts.

Indiciblement je tombe en ceci qu’en moi je trouve plus
ou moins présent quand quelqu’un formule mon nom.
Pourquoi ma bouche est-elle toujours ouverte ?

Textes d’Ombre – Alejandra PizarnikCes textes, traduits par Etienne Dobenesque, ont été écrits au cours des deux dernières années de la vie de leur auteur, entre 1970 et 1972. Ils me parlent par leur révolte, leur aspiration impossible à autre chose, par la capacité qu’ils ont d’exprimer l’informulé, de le constater et de le transmettre. En lisant, je crie. Et ce hurlement transcende les décibels de ma voix. Il exprime le mutisme auquel je suis contrainte par ignorance des mots. Certains poèmes sont des instants suspendus, le moment où le cri va sortir mais ne sort pas encore. L’entre-deux. La minute étouffée. Où ce qui doit advenir ne l’est pas encore, ou ne le sera pas. D’autres vers s’apparentent d’avantage à un baume déposé sur une déchirure avortée.

Linda Lê, avec son essai Par ailleurs (exils), m’avait donné envie de découvrir Alejandra Pizarnik. C’est chose faite avec ce recueil et grâce aux éditions Ypsilon qui s’attachent depuis 2012 à retraduire cette grande auteur, dont les publications françaises étaient épuisés, pour le plaisir des yeux, du cœur et de l’esprit.

[Ce billet a été rédigé mi-janvier 2015 et fait partie du Challenge Poésie 2014-2015 de Myriam.]


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