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Rendre au 19 Mars 1962 son sens c'est dénoncer la trahison des clercs

Publié le 19 mars 2015 par Micheltabanou

Aucune raison à Fontenay de débaptiser notre Place du 19 Mars 1962 comme à Béziers samedi dernier. Par amusement je serais tenté le cas échéant par une place Krim Belkacem le chef historique du Front de libération nationale durant la guerre d'indépendance algérienne... Assassiné ensuite par la perversion d'un FLN refondant pour la nation algérienne un modèle tout aussi anti-démocratique que le systeme colonial. 

Comme l'écrivain Salah Guemriche le rappelait en avril dernier il faut aujourd'hui encore et encore pour le peuple algérien faire revivre l'idéal de l'indépendance pour refonder l'Algerie...

Son article publié l'an dernier est d'une criante actualité en ce jour anniversaire. Il faut le faire partager afin que soit bien défini le sens du mot trahison. Cette maladie algérienne c'est aussi celle de ces républiques arabes qui en rien ne sont différentes des théocraties du pétrodollar et qui ( alors qu'à la mi-siècle dernier un éveil arabe amorcé par Nasser pour donner des espoirs de libération de cette aliénation prégnante et quotidienne du religieux hermétique à toute évolution se faisait jour ) aujourd'hui inculturent leurs peuples pour les soumettre aux exigences de leur conservatisme et les éloigner de cette forteresse qui leur assure toute jouissance et déliquescence de cet absolu pouvoir qu'ils confisquent. L'Algerie de 1962 avait devant elle un avenir et celle de 2015 est une société bloquée avec en arrière plan, embusqué le péril de ceux qui n'ont que pour seul projet celui du recul quatorze siècle en arrière! 

Aujourd'hui il ne suffit pas de célébrer pour célébrer.... Il faut retrouver le sens du 19 mars 1962 qui a mis un terme définitif avec la vocation coloniale de la France et ouvrait des nations, des peuples au périllieux chantier de l'indépendance et de l'apprentissage de la démocratie. 

Parcourons ensemble ce texte très éclairant de Salah Guemriche dont par ailleurs j´ai apprécié l'an dernier à mon retour d'Alger le merveilleux livre: « Alger la Blanche, biographies d’une ville », paru aux éditions Perrin en 2012.

Ainsi, le pays frondeur de l’écrivain Kateb Yacine, l’orgueilleuse Algérie, est en train de réaliser un exploit sans précédent : une campagne électorale avec pour candidat suprême un homme aphone, incapable de se mouvoir et d’élaborer la moindre pensée structurée ! Une marionnette – qui ne tient qu’à un fil et pourtant manipulée par de nombreux marionnettistes…

Plus d’un demi-siècle après l’indépendance, nos marionnettistes n’en finissent pas de trahir les idéaux du 1er-Novembre 1954, de ce jour où le peuple apprit qu’une poignée de ses enfants s’étaient lancés dans cette aventure insensée : celle de bouter le colonialisme hors de ses frontières ! Aujourd’hui, qui se souvient de la « Proclamation du 1er-Novembre » ?

La guerre d’indépendance débuta avec ce texte qui disait, en exergue : « Peuple algérien ! A l’exemple des peuples qui ont brisé les chaînes de l’oppression (…), tu ne dois pas oublier un seul instant que notre avenir à tous est commun (…). Pense à ta situation humiliante (…), à la condition de misérable surexploité par une classe dominante et égoïste qui ne cherche que son profit. Si, à tous ces malheurs, il faut ajouter la faillite de tous les partis politiques qui prétendaient te défendre, tu dois te convaincre de la nécessité de l’emploi d’autres moyens de lutte. C’est pourquoi (…) nous t’appelons à relever la tête. »

Certes, le peuple algérien n’a jamais cessé de relever la tête, et il en a payé le prix. Mais qui peut nier que cet appel reste d’une actualité brûlante ? Et que ces lignes gagneraient à être diffusées massivement, en arabe, en berbère comme en français, afin que le peuple puisse davantage prendre la mesure de la faillite des gouvernants qui se sont succédé depuis l’indépendance ?

UNE LÉGITIMITÉ FALLACIEUSE

Car c’est au peuple et aux militants que s’adressaient les pères de l’insurrection : « A vous qui êtes appelés à nous juger », commençait le texte historique. Très tôt, de guerre lasse, ceux-là mêmes qui étaient « appelés à juger » donnèrent leur blanc-seing, et c’est de ce blanc-seing forcé que les gouvernants successifs ont tiré leur légitimité. Une légitimité fallacieuse qui, d’un clan à l’autre, d’un complot à l’autre, allait faire de nos marionnettistes incultes des disciples de Machiavel.

Alors… Que faire ? Faisons un pas en arrière, jusqu’à ce que le pays retourne au point de départ, qui fut aussi un aboutissement : l’indépendance. Elle aurait dû marquer le terme de la mission du Front de libération nationale (FLN). Nous savons ce qu’il en fut, de ce Front postindépendance, et ce qu’il a engendré dans sa phase d’ouverture « démocratique » forcée des années 1980 : un quarteron de petits partis plus « uniques » les uns que les autres.

Voilà dix ans, j’ai publié un roman qui débutait par la phrase suivante : « Le 1er juillet, le jour où l’Algérie entrait dans l’indépendance, Larbi entra dans le coma. » Certes, il y eut nos « printemps berbères » et nos « chahuts de gamins », réprimés dans le sang, printemps d’avant tous les « printemps arabes » – quoiqu’il faille se méfier de certaines retombées saisonnières…

Mais aujourd’hui, ne sommes-nous pas redevenus tous des Larbi, attendant de sortir une fois pour toutes du coma, pour nous demander : et si les marionnettistes et leur figurine renonçaient à prétendre au quatrième mandat, et ainsi rectifiaient le cours de l’Histoire en actualisant le serment par une nouvelle proclamation ? Oui, imaginons ce que pourrait être une telle proclamation.

Proclamation 2014 : « Pour une République algérienne démocratique, laïque et indivisible. Au peuple algérien, aux militants de la cause nationale ; notre souci, en diffusant la présente proclamation, est de recouvrer le sens de l’honneur. Nous considérons avant tout que, après plus de cinquante ans de gabegie, nous avons atteint le seuil critique au-delà duquel force pour nous est de remettre les pendules à l’heure. A l’heure de l’indépendance, réelle et effective.

LES GRANDES LIGNES DE NOTRE PROGRAMME POLITIQUE

Plaçant désormais l’intérêt national au-dessus de toutes les considérations de personnes et de prestige, conformément aux principes révolutionnaires, nous retraçons ci-après les grandes lignes de notre programme politique, pour l’avènement de la première République algérienne démocratique, laïque et indivisible : constitution d’un tribunal exceptionnel, chargé de juger toutes les confiscations des richesses comme des libertés ; anéantissement de tous les vestiges de corruption, causes de notre régression actuelle ; respect de toutes les libertés fondamentales, sans distinction de sexe ni de confession ; reconnaissance officielle de la langue et de la culture berbères comme substrats et vecteurs constitutifs de l’identité nationale ; garantie irrévocable de la liberté de la presse ; séparation totale de la religion et de l’Etat ; réforme du code de la famille et abolition de toute prescription attentatoire à la dignité et aux droits de la femme.

Peuple algérien, militants de la cause nationale ! Vous qui nous avez jugés sur nos forfaits commis durant cinq décennies, à notre tour de vous juger sur votre engagement à soutenir ces sept commandements…

Quant à nous, résolus à favoriser la réhabilitation des idéaux de la révolution, nous nous engageons à nous retirer définitivement. »

Angélisme ou illusion d’ingénu poète ? Les deux à la fois, sans doute. Pourtant, il est toujours temps de demander des comptes à ceux qui ont mis l’Algérie en coupe réglée ! Il est même temps de revisiter les paroles de notre hymne national, pour n’en changer qu’un mot, celui de « France ». « Ô France, le temps des sermons est révolu (…) Voici venu le jour où il te faut rendre des comptes/Prépare-toi ! La voici notre réponse… »

Remplaçons le nom de «France» par celui de la mafia au pouvoir depuis l’indépendance: c’est à ce prix que l’Algérie, celle dont nous avions rêvé, adviendra." 


 

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