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Tonjé Bakang AFROSTREAM, parcours d’un visionnaire afro-péen

Publié le 19 mars 2015 par Diesemag @diesemag

AFROSTREAM, plateforme VOD récemment associée à MYTF1VOD créé le buzz !  Et pour cause, on y retrouvera uniquement des films afro-américains, afro-français ou afro-caribéens. Son fondateur, Tonjé Bakang, 34 ans n’en est pas à ses débuts dans le milieu du divertissement, il est à l’initiative du premier label stand up en France, le Comic Street Show, qui a révélé des talents comme Claudia Tagbo ou Noom Diawara. INTERVIEW d’un visionnaire afro-péen au parcours atypique à la tête d’une start-up française.

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« Dans ma famille on avait la chance d’avoir des modèles de réussite… » Tonjé Bakang, CEO AFROSTREAM.

#DM : Tonjé Bakang, jeune entrepreneur de 34 ans d’origine camerounaise, mais encore ?

#TB : Pur parisien, je suis né en France, mes parents sont venus en France fin des années ’50 pour poursuivre leurs études. Mon père était l’un des meilleurs élèves de sa promotion, il a eu une bourse à la fin du bac pour suivre ses études en France, il est passé par médecine et sciences po avant de revenir à la médecine.

D’où vous êtes donc venue la fibre artistique ?

Depuis tout petit, vers 13 ans je savais que je voulais raconter des histoires, je savais que je voulais être producteur, réalisateur ou même scénariste parce que dans ma famille on avait la chance d’avoir des modèles de réussite, pas forcément financiers mais riche de culture, grâce à leur niveau d’éducation on avait accès à l’histoire des grands hommes et ceux qui avait marqué le monde noir. Le fait d’avoir eu accès très tôt à ces belles histoires nous a rendu très fiers mes frères et sœurs, nous savions qu’il n’y aurait aucun plafond de verre pour nous. J’avais conscience donc qu’en devenant réalisateur ou producteur je pourrais raconter aux autres cette chance de se dire que tout est possible « moi aussi je peux devenir avocat, moi aussi je peux devenir médecin ou ministre ! »

Vous aviez déjà de l’ambition à un jeune âge !

L’ambition était déjà dans mon esprit oui, je n’avais rien qui me prédisposait à ne pas avoir d’ambition !AFROSTREAM.COM

Comment est né le projet Afrostream ?

Ca a été un long process car avant, j’avais fait d’autres choses dans ma carrière, comme de montrer des talents qu’on voit très peu, soit sur scène soit à la télé. Ayant commencé ma carrière en tant que assistant prod, puis réalisateur de clip dans le milieu du hip hop, à la fin des années ’90 j’avais 16 ou 17 ans, j’ai découvert un milieu qui exprimait toute la vision et l’énergie d’une génération, mais ces artistes qui n’avait pas accès aux grands médias. Du coup, ce qu’ils ont fait c’est qu’ils ont créé leur propre moyen de communication, il y a une radio de l’époque qui est assez connue aujourd’hui, GENERATIONS 88.2 qui n’émettait que le soir, à partir d’un hôpital à Ivry sur Seine. J’avais la chance de pouvoir vivre tout ça et voir ces artistes qui maitrisait la création, la production et la distribution à travers des mixtapes et organisation de concerts.
J’étais marqué par ce fonctionnement de l’industrie, par des producteurs comme Kenzy le patron du Secteur Ä, à qui on a pas rendu la vie simple à l’époque, parce que ce genre de modèle entrepreneurial, quelqu’un qui prend certaines décisions tranchées pour garder l’outil du travail et tenter de fonder un empire, c’était nouveau ! C’est ce genre de personnalité qui a eu un impact sur ma vie, Jean-Pierre Seck de 45 Scientific, Skwall de Fokal qui m’a laissé ma chance, sont également des personnes qui ont décidé de créer de la valeur pour eux-mêmes et d’imposer une vision. J’ai créé le stand up en France parce que je ne peux pas me résoudre à me contenter de ce que je voyais sur la scène française. À part Jamel Debbouze qui avait déjà explosé, il y avait très peu de gens qui ressemblaient à mes amis sur scène, qu’ils soient Maghrébins, Africains, Asiatiques ou Antillais, tout le monde reconnaissait qu’ils étaient drôles mais on ne les retrouvaient pas sur les plateaux, donc en m’inspirant du Def Jam Comedy, j’ai créé le Comic Street Show, qui a initié cette révolution dans les médias. Je prends l’exemple de Noom Diawara « Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? » la première fois qu’il est monté sur scène, c’était chez moi au Comic Street Show, il y a eu Claudia Tagbo, et d’autres comédiens. C’était beau de voir comment les égos sont mis de côté au service d’un grand projet.

Aujourd’hui je pense que j’ai prouvé ma double-casquette d’entrepreneur et de créatif pour servir l’intérêt général et j’ai moins de mal à convaincre des artistes de m’accompagner, sans pour autant avoir l’impression qu’on leur vole la vedette.

Quelle est votre vision du cinéma Afro ?

Je ne détiens pas la définition du cinéma afro, c’est un terme que j’utilise car il est fédérateur et que c’est bien d’avoir des labels comme ça. Ma vision du cinéma africain est nuancée car il y a différents cinémas africains, le cinéma en Afrique du Sud est très différent du Nollywood au Nigéria, qui est très différent de ce qui se produit au Ghana ou dans l’Afrique francophone. Il n y a pas UN cinéma, la beauté de mon projet est de réunir sur cette plateforme, toute cette diversité entre le cinéma d’auteur, des comédies, films en français ou en anglais. Mon rêve c’est qu’à travers Afrostream et des co-productions, on ait la diversité qu’à le cinéma hollywoodien, c’est-à-dire qu’on ait demain un blockbuster, de la science fiction africaine inconnue mais qui existe déjà. Pensez à tous ces livres, histoires, textes qu’on pourrait adapter à l’écran, c’est un travail sans fin ! C’est énorme !

Son lancement est prévu pour juin 2015, comment ça se passe concrètement en coulisses ? Combien de personnes travaillent sur ce projet ? Combien coûte l’abonnement ?

Le lancement est prévu durant l’été 2015 pour être précis, l’abonnement coutera 6.99€ en illimité mais on s’offre la possibilité d’ajouter des options payantes. On est vraiment une start-up et une start-up fait évoluer son modèle économique, on continuera à écouter les feedbacks des utilisateurs et à réitérer s’il faut, il n y a pas une vérité absolue.

Côté distribution, c’est nous qui les contactons et c’est un travail énorme, il faut créer la confiance, pour ça je me déplace beaucoup, je me rends aux différents festivals internationaux (New York, Cannes, Afrique du Sud) et tout cela créé de la légitimité en coulisses. Pour convaincre des gens de nous suivre, il faut fédérer, à travers notre page Facebook par exemple on a tissé un lien avec notre public et il est demandeur ! On reçoit beaucoup de messages d’encouragements comme celui d’une femme qui nous remercie car grâce à la page Afrostream elle se découvre. Je suppose que c’est une fille assez jeune et que le sens de son message est qu’elle est ravie de voir des gens qui lui ressemblent à travers nos posts. Ce message m’a ému car si on a pas des éléments pour se construire dans la société c’est difficile, avoir des rôles modèles, des gens qui nous ressemblent, c’est déterminant.

Comment vous organisez-vous ? Avec qui travaillez-vous ? Et en terme de budget, vous êtes situés où ?

On est incubés dans le plus gros incubateur de start-up à Paris, THE FAMILY. SAS pour l’instant, 2 co-fondateurs avec Ludovic Bostral qui est mon alter ego dans la partie technique. On travaille avec des indépendants, deux cabinets d’avocats, un à Paris l’autre à Los Angeles, et on va bientôt recruter en interne.

Souhaitez-vous vous lancer dans la réalisation de fictions ?

Pas forcément moi en tant que réalisateur, mais Afrostream a la vocation à moyen terme de produire du contenu original, ça met du temps ce n’est pas quelque chose qu’on peut amorcer tout de suite. Sur les réseaux sociaux et notre site, nous avons lancé un sondage un peu à la manière d’un Netflix qui construit ses programmes grâce aux données qu’ils ont récolté sur l’utilisation de leur service. Nous n’avons pas encore d’utilisateurs mais beaucoup de fans sur les réseaux sociaux, les médias, blogs et personnes influentes qui partagent l’information, et ça c’est plutôt positif.

Processed with VSCOcam with a6 presetAfrostream dans 5 ans ça donne quoi ? On ne s’associe pas avec TF1 par hasard…

L’association avec MYTF1VOD est liée à quelque chose de très précis, c’est de la VOD transactionnelle, c’est à dire la location de films VOD qui ne concerne que la France. C’est un partenariat où deux entreprises trouvent un accord et ensemble défendent un cinéma. Par contre nous n’avons pas discuté de la dimension internationale du projet AfrostreamVOD avec TF1, nous échangeons avec des fonds d’investissements français, américains, africains qui sont intéressés pour nous accompagner. C’est génial pour Afrostream et je pense que c’est une belle association aussi pour TF1. Dans 5 ans on se voit à l’international avec un service d’abonnement que ce soit en Afrique francophone, anglophone, aux Etats-Unis, en Angleterre et au Brésil.

Je reviens là-dessus mais l’alliance avec la chaîne TF1 est plutôt surprenante quand on sait qu’ils ont été condamné à 32 millions d’euros pour avoir empêché la sortie en France de « Miracle à Santa Anna » de Spike Lee.

Ce partenariat est né avant tout de la rencontre de deux hommes, Guillaume Le Disez qui venait d’intégrer l’équipe de MYTF1VOD, grand fan depuis son enfance des films blaxploitation et qui a gardé son amour pour le cinéma afro ! En arrivant à ce nouveau poste, il avait envie de pouvoir avoir l’opportunité de donner une fenêtre à ce cinéma, en cherchant il a découvert le site Afrostream. On n’était pas les seuls dans la thématique, il y avait des blogs comme Black Movies Entertainment qui faisait déjà un bon travail, d’autres sites comme Afrostyle avec une démarche d’information, mais le travail d’Afrostream était différent, et notre croissance les a impressionné. Ils sont donc venus vers nous tout naturellement et ce partenariat est né d’une passion commune.

Quel est votre film Afro préféré et pourquoi ?

Je vais en citer trois, il y aura « Do the right Thing » parce qu’il avait un caractère social très important et en même temps il a montré différents types de personnages dans différentes catégories sociales qu’on peut retrouver dans n’importe quel continent. En discutant avec les américains, j’ai appris qu’ils pensaient que c’était très important d’aller voir ce film lorsqu’il est sorti, non seulement parce que c’est un bon film mais aussi parce que c’était important de montrer à Hollywood qu’il y avait du soutien. Il fallait que ce film soit un succès pour que ça change complètement l’industrie du cinéma. C’est pareil pour nous, il faut qu’AFROSTREAM soit un succès pas que pour moi mais pour tout le monde !

« Lumumba » un film sur l’histoire politique d’un pays africain au moment de l’indépendance m’a marqué. Je pense qu’on ignore tellement encore de notre histoire, pour une fois c’était un film qui montrait le point de vue des africains. Il y a ce film « The Great Debaters » réalisé et produit par Denzel Washington sur les étudiants américains qui participent au concours de discours dans les universités au moment de la ségrégation raciale aux Etats-Unis. C’est un film qui me donne de l’espoir et de la force, j’invite tout le monde à le voir !

Allez un 4ème « Poursuit of Happiness » avec Will Smith, l’histoire singulière d’un homme afro-américain qui m’a beaucoup marqué.

Tonjé Bakang AFROSTREAM, parcours d’un visionnaire afro-péen Tonjé Bakang AFROSTREAM, parcours d’un visionnaire afro-péen Tonjé Bakang AFROSTREAM, parcours d’un visionnaire afro-péen Tonjé Bakang AFROSTREAM, parcours d’un visionnaire afro-péen

Lu dans la presse « Afrostream est une version Afro de Netflix » vos impressions.

C’est une comparaison très flatteuse qui montre bien qu’on a beaucoup d’ambition, parce qu’on pense qu’on a le droit de viser haut.

Diesemag.com propose le meilleur du monde Afro-péen. L’afro-péanisme, qu’est-ce que cela vous évoque ?

J’aime beaucoup l’utilisation de mots et labels à un moment donné parce que pendant longtemps la laïcité a empêché de se construire une identité. Je pense que les européens et même les africains ont des mix de culture, être afro-péen n’empêche pas d’être français, espagnol, ou italien, n’ayons pas peur des labels et jouons avec pour multiplier nos identités.

Vous êtes un visionnaire, quels sont vos secrets de réussite ?

J’écoute les gens, je suis disponible et surtout je garde espoir car rien n’est impossible. Cela peut paraître naïf, mais ça fonctionne jusqu’à présent.

Quels sont les conseils que vous donnerez à un jeune entrepreneur Afro-péen.

Je dirais à tout entrepreneur que « l’œil voit des opportunités il faut les saisir », je m’explique : beaucoup de gens disent qu’il n y a pas de chaine de restaurant afro, ou de distributeurs de films afro, etc. Je dis, au lieu d’aller expliquer à des business existants comment faire développer vos marchés, créez vos business car « l’ignorance des uns fait les opportunités des autres », et c’est comme ça que je fonctionne !


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