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411ème semaine politique: Sarkozy, Hollande, Valls, Le Pen, Mélenchon et surtout Patrick.

Publié le 21 mars 2015 par Juan
411ème semaine politique: Sarkozy, Hollande, Valls, Le Pen, Mélenchon et surtout Patrick.

Pendant un temps, nous avions cru que les commentaires post-"désastre électoral" allaient tout éclipser. 

 Il n'en était rien. 

Nous avions Sarkozy en auto-amalgame, Mélenchon en auto-justification, Valls en Big Brother, Hollande dans Society, et, surtout, la Saint-Patrick.


Saint Patrick
Patrick Buisson, l'ancien vizir du Sarkozy 2007-2012, fait l'objet d'un ouvrage de deux journalistes. On y découvre les détails du passionnant passé d'extrême droitiste de l'homme, comment il s'est faufilé au coeur de l'establishment sarkozyste, ses manipulations et son népotisme.Il déclenche aussi une polémique sur ces (prétendues) relations avec Mélenchon.
Mais un autre Patrick a fait plus grand bruit encore. Balkany a enfin perdu son immunité parlementaire, quelques heures après la Saint-Patrick, le 17 mars, fêtée par tou(te)s les Irlandais(es) du globe et bien d'autres encore. La justice française a ses délais que la raison ignore. En novembre dernier, Patrick Balkany avait été mis en examen pour corruption passive et blanchiment de fraude fiscale, rien que ça. Six mois pour arriver au bout d'une demande de levée d'immunité qui permettra enfin d'aller au bout de la procédure. 
La nouvelle est tombée mercredi et assez immédiatement quelques saluts twittosphériques ont agité les réseaux sociaux. Balkany, l'un des meilleurs amis de l'ancien monarque, collectionne les procès et les enquêtes sur son train de vie depuis deux décennies sans que les électeurs du très chic Levallois-Perret, en proche banlieue parisienne, ne lui en tiennent rigueur.
Patrick Balkany est un modèle du genre. Pour les élections municipales de mars 2014, il est l'un des rares de l'UMP à encore utiliser les services de l'agence Bygmalion, pourtant au coeur d'une tempête médiatico-judiciaire depuis que l'on a compris qu'elle avait servi à couvrir un gigantesque fraude au règles de financement électoral en 2012. Balkany fidèle à Bygmalion ? La révélation émane de Marianne. Elle fait scandale. L'homme est inconscient et bravache.
Le cas Mélenchon
Il y a 8 jours, Jean-Luc Mélenchon pourfendait les défenseurs d'un opposant russe assassiné au pied du Kremlin. Mais non, nous expliquait Méluche, Poutine n'est pas si terrible et cet opposant n'était que petite monnaie. La "Poutine-phobie" l'exaspère. Quelques heures plus tard, il explique combien il a été choqué par la bronca qu'il a suscité jusque dans les colonnes de médias plutôt proches tel Mediapart ou Politis. Forcément parano, il accuse d'abord ses détracteurs de se livrer à une nouvelle chasse à l'homme. Lui, lui, et lui... Tout ceci ne serait que vengeance personnelle ou volonté de fragiliser un éventuel rapprochement avec les écologistes frondeurs. Puis il répond, longuement, sur le fond. Sa justification reste aussi simple que courte: "je suis opposé à la guerre qui se prépare contre la Russie". Et au nom de cet objectif, le voici qui refuse "des condamnations contre Poutine" car ce serait "déjà entrer dans les logiques de préparation psychologique à la guerre." Au passage, il en remet une couche contre les quelques opposants éparses à Poutine, peu ragoutants, pour justifier son réalisme.

On tousse, on suffoque. L'intransigeant serait capable de réal-pragmatisme.
Cette semaine, Mélenchon fait à nouveau dans la real-politik, c'est-à-dire cette capacité à faire des compromis majeurs (en l'occurrence ne pas critiquer Poutine) au nom du principe d'efficacité (éviter la guerre). Pourquoi Mélenchon couinait-il quand la France hollandaise fricotait encore avec le Qatar ?
Cette fois-ci, l'ancien leader du Parti de gauche se livre en faveur du boucher Bachar el-Assad ! Mélenchon est aussi intransigeant en France qu'il se montre pragmatique en matière diplomatique. A l'écouter, il faudrait se (ré)concilier (avec) Poutine, même si l'homme est démocratiquement peu ragoutant. Ou se rapprocher de Bachar el Assad puisque la situation syrienne locale serait une impasse.
L'amalgame sarkozyste
Nicolas Sarkozy a jeté toute son énergie dans la campagne. Il a même évité de faire des conférences rémunérées par des banquiers d'affaires dans d'autres émirats. On mesure l'effort et l'abnégation. Le premier tour de scrutin cantonal a lieu dimanche. On prédit toujours et encore plus de 50% d'abstentions. Vendredi soir, lors de son dernier meeting, il en appelle à la mobilisation, il dérape, il fait sourire, il se sent des ailes: "Soyez l'immense armée qui va préparer l'alternance dont la France a besoin !". L'UMP alliée à l'UDI aurait retrouvé quelques couleurs dans les sondages.  Sarkozy multiplie les caricatures, on se désintéresse.
Quand on est à l'extrême gauche ou à l'extrême droite, c'est la même chose ! Ce sont les mêmes ! #Grèce #Tsipras #NSDammarie
Nicolas Sarkozy (@NicolasSarkozy) March 20, 2015
Assimiler Tsipras à ses opposants nazis d'Aube Dorée, il fallait oser. Mardi soir sur TF1, Nicolas Sarkozy remet une pièce dans le jukebox de l'islamophobie des mauvais comptoirs, en réclamant l'interdiction des repas de substitution sans porc dans les cantines scolaires. Sur son blog du Figaro, le journaliste Ivan Rioufol éructe avec plaisir: "La république va devoir apprendre à dire non." Dans les rangs de l'UMP, plusieurs ténors dénoncent l'outrance du moment. Même le fidèle Henri Guaino s'étrangle: "On ne peut pas priver de déjeuner des enfants qui, à cause des interdits que leur famille leur ont inculqués, ne peuvent pas manger le menu qui leur est imposé."
La laïcité défendue par des côtelettes de porc, brandie par celui qui déclarait en décembre 2007 combien le curé était supérieur à l'instituteur ? ... Avec lui, tout reste toujours possible. Son secrétaire général, Laurent Wauquiez, n'est pas en reste: "la République, c'est l'assimilation", justifie-t-il à propos.
« Le problème, ce n’est pas l’immigré. C’est le banquier. » Jean-Luc Mélenchon
Marine en examen
Le Front national s'apprête à sabrer le champagne. Tous les sondages lui prédisent un score effroyable aux élections départementales de dimanche. Mais la fête est un peu ternie. Le trésorier de son micro-parti, "Jeanne", est mis en examen pour escroquerie. Vous avez bien lu: "escroquerie". Après l'affaire des emplois fictifs du Parlement européen, le FN s'offre une seconde preuve de sa normalisation politique.
Marine Le Pen dénonce le complot. Sans blague. On imagine assez bien comment elle virera ces "incapables" gauchistes de juges qui s'obstinent à chercher l'application du droit et le respect de la loi, si jamais elle arrive au pouvoir.
Très tardivement, quelques journaux s'intéressent enfin à l'ineptie de son programme économique, un mélange de gouvernance nord-coréenne et d'idioties néo-libérales.
Interrogé sur le programme politique du FN pour les élections départementales, Jean-Marie Le Pen a un trou de mémoire. Il ne sait pas.
Sans rire.
Sur Twitter, Eric Domard,  l'un des trois conseillers spéciaux de Marine Le Pen, questionne la "françitude" de Najat Vallaud-Belkacem: "Najat Vallaud-Belkacem ministre franco-marocaine pour les menus sans porc, favorable au voile lors des sorties scolaires. La question de l'allégeance se pose." L'homme appelle sans conteste au "tri" entre les "bons" Français et les autres.
Ne vomissez pas. Enfin, pas tout de suite.
411ème semaine politique: Sarkozy, Hollande, Valls, Le Pen, Mélenchon et surtout Patrick.Hollande au confessionnal
On aurait pu sourire. Society est un excellent nouveau magazine, concocté par les équipes de SoFoot et SoFilm. Pour sa deuxième édition, il s'offre une "étrange confession" de François Hollande. Le président ne livre pas grand chose, son habituelle franchise, mais son insistance aveugle à ignorer les raisons de ses malheurs politiques. L'échange semble hors sol. Hollande conserve son humour: "Quant à Nicolas Sarkozy, vous savez, les mouvements de foule, ça existe." Mais il ne comprend pas pourquoi une fraction de la gauche a décroché. Et d'ailleurs, le journaliste ne lui demande rien sur le sujet.
Vendredi, François Hollande et Angela Merkel recevaient Alexis Tsipras à Bruxelles. Le premier grec venait tenter de convaincre Hollande, Merkel, Dragui et quelques autres décisionnaires européens pourquoi sa route de réformes était la bonne. L'exercice fut-il vain ? Pas vraiment. Les détracteurs de Tsipras veulent convaincre que l'expérience Syriza est vouée à l'échec. Pourtant le premier ministre grec s'est montré presque satisfait: "Je suis plus optimiste après cet échange. (...) Il est clair que la Grèce n'aura pas à prendre des mesures récessives." On nous présente la Grèce prise à gorge (336 millions d'euros à rembourser ce vendredi), avec un plaisir sadique qui ferait oublier que le combat de la démocratie contre la finance se joue sous nos yeux.
En France, il y a pourtant matière à dire et à vomir. En France, quelque 5 milliards d'euros sont économisés chaque année sur le dos des plus pauvres. C'est l'évaluation approximative des aides et remboursements de soin que les plus pauvres ne réclament pas à cause de procédures trop compliquées. En France, un ministre du travail "socialiste" explique au Sénat qu' "on ne peut pas poser comme point de départ que le contrat de travail est une subordination." Même au Parti socialiste, quelques-uns réclament son licenciement immédiat.
En France, dont le Nord du pays est coincé sous un épais nuage de micro-particules, le gouvernement reste tétanisé pendant une semaine avant de déclarer, enfin, la circulation alternée à Paris. 
Patriot Act
Manuel Valls assume la réalité d'un texte sécuritaire théoriquement concocté par deux députés pour élargir considérablement les moyens d'espionnage des forces de l'ordre. Il assure qu'un djihadiste français sur deux quitte le territoire sans être reperé. On est encore loin du Patriot Act américain car il n'y a pas de volet sur la détention extra-judiciaire.
Mais cette loi, brandie au nom de la lutte contre le terrorisme, est l'une des belles régressions des libertés que la période et ce gouvernement nous imposent: détection"par un traitement automatique, une succession suspecte de données de connexion"; extension de la surveillance électronique à toutes les personnes en contact avec des suspects; déchiffrement obligatoire des messages sur le Net, tout est là. Les juges, dont le fameux Marc Trévidic en charge de nombres d'instructions sur des actes terroristes depuis une décennie, s'en inquiètent. Marco, d'AlterOueb, confrère blogueur, résume d'une phrase: "je n’ose imaginer l’usage que serait fait d’un tel outil s’il tombait entre de mauvaises mains, et notamment celles d’un ramassis de fachos qui rêve tout haut de prendre le pouvoir."A gauche comme à droite, on pointe aussi sur les failles du dispositif: son contrôle sera confié non pas à des juges, mais à une énième commission administrative indépendante.
L'exclusion progressive et extensive de la Justice du contrôle du bon respect de la loi, voire même de son établissement, n'est pas nouvelle. C'est même une tendance de fond de notre décrépitude collective. La multiplication des "autorités indépendantes", en France et ailleurs, comme des ovnis au-dessus des lois, du peuple et de tout contrôle, est une confiscation démocratique majeur.e et peu discutée.
Coincé entre la captation commerciale systématique de ses données personnelles par les géants (et les petits) du web et l'espionnage paranoïaque des Etats les plus démocratiques, le citoyen n'a plus d'intimité. Bienvenue dans le monde moderne !
L'actualité sert les plats les plus détestables comme sur un plateau. Mercredi, deux forcenés islamistes mitraillent des touristes dans un musée à Tunis. Daesch revendique aussitôt l'attentat. A Paris, Marine Le Pen accuse la France de conserver des relations diplomatiques avec les émirats, le Qatar, l'Arabie Saoudite et même la Turquie. Le jour même, Paris Match publie la photo des cadavres des frères Kouachi.
L'actualité permet encore de vomir sans effort.
 
Crédit illustration: DoZone Parody


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