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Takis : les aimants diaboliques

Publié le 24 mars 2015 par Pantalaskas @chapeau_noir

Après la rétrospective Julio Le Parc en 2013, le Palais de Tokyo à Paris offre à Vassilakis  Takis pour l'année de ses quatre-vingt dix ans une exposition majeure. Si l'on associe à l'art cinétique l’œuvre de Takis, c'est pourtant  un chemin singulier que l'artiste grec a tracé tout au long d'un itinéraire où le recours à la technologie a donné naissance à une production comparable à aucune autre.

Takis au palais de Tokyo à Parfis 2015

Takis au palais de Tokyo à Paris 2015

Champs magnétiques

Le mouvement, critère essentiel de l'art cinétique, s'il  est présent dans l’œuvre de Takis, n'apparaît cependant pas comme la préoccupation majeure d'un artiste qui a confisqué la technologie au bénéfice d'un jeu sur l'invisible : les champs magnétiques. En cela, la recherche de l'artiste reste unique. Seul, dans la génération suivante, un autre artiste Grec, Costis,(Les coups de foudre de Costis) s'est lui aussi consacré à l'électricité pour une œuvre dédiée à la foudre restituée par un éclair synthétique issu de l’élaboration d’un programme électronique.
Chez Takis, que Marcel Duchamp désigne comme « Gai laboureur des champs magnétiques et indicateur des chemins de fer doux », l'aimant, révélé par la mystérieuse  propriété de la pierre d'aimant connue depuis l'Antiquité, constitue l'outil central d'une scène sur laquelle des forces insaisisables s'affrontent. Le visiteur de l'exposition se voit proposer l'expérimentation de ce rapport au magnétisme :Takis a conçu le Mur magnétique de la 4ème dimension. Boussole à la main, le promeneur longe ce panneau magnétique et constate cette perturbation permanente qui lui fait perdre le Nord.
Au-delà de la seule expérimentation technique l'artiste suggère au visiteur désormais déboussolé d'évaluer la portée symbolique de cette énergie diabolique du magnétisme.

L'immatériel

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Télésculpture jaune Takis

Jesús-Rafael Soto, autre artiste cinétique de la génération de Takis, insistait sur le concept d "immatériel" dans son œuvre. Si le recours aux appareillages techniques de Takis occupe une place visible, imposante, c'est pourtant là encore sur cet immatériel que se joue, me semble-t-il, l'essentiel. Takis nous présente des grappes de pointes plaquées sur un plan vertical, des tiges métalliques mues par une force inconnue venant créer un son en frappant autre corde métallique, des sphères prisonnières d'une volonté secrète. C'est dans cet espace énigmatique que se joue l' intervention démoniaque de tensions contradictoires. Cette attirance irrésistible renvoie  aux passions, au désir... aimant . « Il y a dans le magnétisme, souligne Takis, un désir de capter l’autre. La force de l’aimant et l’amour c’est la même chose.»
Les aimants diaboliques de Takis nous proposent ainsi une autre approche de ce qui, à première vue, s'apparente à un jeu de technologie détournée. La peinture même n'échappe pas à cette révélation lorsque le plan du monochrome subit les tensions, les torsions de ces pressions cachées (Télésculpture jaune). La couleur, le son, la lumière participent dans l'œuvre à de cet objectif permanent : révéler l'invisible, rendre palpable cette tension omniprésente dans l'espace, dans les objets mais qui traverse également en permanence le corps et l'esprit des êtres humains.
Sculpteur de l'invisible, Takis, dans tous les compartiments de son œuvre,évoque un monde sous haute tension à l'image du monde tout court.

Photos de l'auteur

Takis
"Champs magnétiques"
Palais de Tokyo Paris
du 18 février au 17 mai 2015

Commissaire : Alfred Pacquement


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