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[Critique] THELMA ET LOUISE par Thoreau

Par Christian Papia @ChristianPAPIA

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Louise, une serveuse délaissée par son petit ami musicien Jimmy, et Thelma, une ménagère frustrée, décident de passer un week-end entre filles. Elles quittent leur petite ville au volant d’une décapotable pour l’Utah. Lors de leur première halte dans un dancing, Thelma se laisse entraîner sur un parking par Harlan, un routier qui tente d’abuser d’elle. Louise, qui a été naguère violée, tire sur l’agresseur.

Avant-propos: Avec sincérité, avant visionnage, je n’avais aucun présupposé sur le film. Il est d’autant plus agréable d’apprécier l’œuvre que mon innocence était certaine. Âmes impures n’ayant jamais eu l’occasion de voir cette oeuvre, partez à l’assaut !!!

Ridley Scott : Le renouveau.

Après une période « trou noir » nourrit par Legend, Traquée, et Black Rain, Ridley Scott renoue le succès avec Thelma et Louise. Succès qui, pour ma part, est très largement légitime au vu de l’émotion que nous prodigue le réalisateur. Cette réussite réside avant tout dans une myriade de facteurs, comme une mise en scène remarquable, qui amène le spectateur à être en immersion constante avec les deux protagonistes, des décors somptueux, et surtout une réalisation constamment au service du scénario. Plus précisément, quels sont les fondements essentiels de ce triomphe ?

Un scénario qui s’inscrit dans les changements sociaux de la fin du XXème siècle

Thelma et Louise, malgré des situations économiques et professionnelles divergentes, voire opposées, vivent toutes les deux aux crochets de la gente masculine. Au regard de la situation de Thelma (qui est beaucoup plus explicitée), on s’aperçoit que sa condition d’existence réside dans son seul rôle de la « bonne » femme au foyer (elle doit préparer le repas dès que son mari rentre du boulot, ne doit pas sortir de la maison…). Mais cette époque est en pleine mutation dans les années 90, et la Femme tend à s’émanciper des contraintes sociales exercées par la domination masculine. Les femmes prennent actes de leur droit à s’individualiser ! Et Thelma et Louise en sont les figures de prou.

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Souvent masculinisé dans les années 60, la voiture est un moyen de transport pour l’Homme, afin de lui permettre de travailler, de sortir, d’accompagner sa femme. N’en déplaisent aux Hommes, Thelma et Louise s’approprient la voiture comme objet libératoire (mais aussi à travers le pistolet volé au mari de Thelma).
Ce film marque une rupture avec l’aliénation féminine, et les deux personnages passent beaucoup de temps en voiture, ce qui a pour effet de distancer toujours un peu plus le lien avec les hommes. On remarque que le scénario est entièrement dévoué à cette dislocation, notamment lorsqu’un habitué d’un bar tente de violer Thelma, et que celui-ci se fait tuer par LouiseMais l’idée « génialissime » du réalisateur est d’avoir établi une scission dans la mise en scène, entre des plans très resserrés de Thelma et Louise, suivi d’aparté totalement masculin dont le but principal, au final, est de mettre un terme à cet excès de liberté que se sont attribués les deux filles. Seul le policier en charge de la mission semble déterminé d’une intention bienveillante à leur égard, car il comprend bien (au regard du passé de Louise dont le secret reste un mystère) que ces deux femmes ne sont pas plus dangereuses que deux adolescentes souhaitant un peu rompre avec la tutelle de leurs parents.

Mais surtout pour l’émotion !

Enfin, on prend un pied immense à « rouler » avec Thelma et Louise ! Quoi de plus émancipateur que la route 66 avec ses vastes déserts colorés, sa longue route… Tout se passe comme si cette liberté était éternelle. Thelma et Louise sont véritablement sur un nuage et elles nous font partager ce moment grâce à un jeu d’acteur énorme ! Leur amitié est complémentaire, et on vire dans un ascenseur émotionnel constant, qui fluctue entre la peur que l’on éprouve lorsque l’étau se resserre et la jubilation pourvue par les violences qu’elles exercent sur les hommes (meurtres, cambriolages, destruction d’un camion…). Et que dire de ce final, où l’on peut résumer le film en affirmant que la liberté mais également l’amitié n’ont pas de prix, quitte à mourir…

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Les Hommes sont-ils des êtres dépourvus de délicatesse ? D’attention ? De respect ? Peut-être, mais pas Brad Pitt ! Blague à part, si beaucoup des personnages masculins du film sont des sauvages (gestes obscènes, comportements machos, grossièreté…). Il y a des hommes dans ce film qui comprennent l’enjeu (Michael Madsen, Harvey Keitel) ou qui sont respectueux des femmes (exemple avec Brad Pitt qui prend en compte le plaisir de sa partenaire). Ceci étant, et malgré ces « rappels » faits à Thelma et Louise, les deux femmes de part leurs lourdes vies respectives (surtout pour Louise), et peut-être leur insouciance juvénile (Thelma), concourent toujours plus à leur épanouissement.

Pour conclure…

Pour ma part, Thelma et Louise est un film culte, car il fait partie de ces réalisations où le scénario et la mise en scène (royalement menés) sont dédiés à expliciter le motif de l’œuvre. De surcroît, Ridley Scott et son équipe parviennent à nous octroyer des émotions intenses, et rien que pour cela je vous invite à (re)voir ce film.

Le saviez-vous?

François de Singly (sociologue) distingue deux formes d’individualismes: l’individualisme universaliste (correspondant à la première modernité) et l’individualisme particulariste (à la seconde modernité). Ce dernier marque l’affirmation de l’identité personnelle face aux contraintes collectives. A ce titre, le film illustre bien la distanciation féminine vis-à-vis de la famille et plus particulièrement de l’empreinte masculine.

Thoreau.


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