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Ernest Meissonier, peintre d’histoire… mais pas seulement

Par Artetvia

Je m’appelle Ernest Meissonier. Je suis né en 1815, à la chute de l’Empire. Je ne sais pas si c’est à cause de cela que, ma vie durant, je vais être fasciné par la geste napoléonienne et l’histoire militaire. Je suis né à Lyon, mais rapidement mes parents déménagent à Paris, dans le Marais, où mon père tient boutique. Il voudra certainement que je suive ses traces, mais personnellement, j’ai d’autres ambitions : je veux peindre. Finalement, il me laissera suivre et poursuivre ma voie. J’entre donc dans l’atelier de Léon Cogniet, mais ce que je préfère, c’est passer de longues heures au Louvre à copier les toiles des grands maîtres. J’aime surtout la peinture de genre flamande et hollandaise du XVIIe siècle : j’y admire la profusion de détails et la précision de la composition.

Ernest Meissonier
Pour gagner ma vie, je dessine. Un peu de tout, il faut l’avouer, mais il faut bien se nourrir et subvenir aux besoins de sa famille (je vais bientôt me marier, ce sera en 1838). Alors je gribouille pour diverses publications, pour des calendriers et même pour des images pieuses ! En 1834, je quitte Paris pour Rome pour parfaire ma formation et, peu après ce séjour, je commence un nouveau métier : j’illustre des romans. Et pas n’importe lesquels : cinq œuvres de Balzac par exemple. Je travaille notamment pour Pierre-Jules Hetzel, qui dans quelques années publiera les Voyages extraordinaires de Jules Verne. On commence à parler de moi ! En bien !

?????Ernest Meissonier - Jeu de Piquet
Dans les années 40, je reviens à mes premières amours (hé oui, amour au pluriel est féminin, comme orgue et délice) et je me mets à produire de petites peintures de genre, à la mode flamande. Le succès est au rendez-vous et on s’arrache mes œuvres. Il faut dire que chacune d’entre elle est peinte avec minutie, les détails faisant l’objet d’une recherche historique préalable approfondie pour éviter les anachronismes.

Ernest Meissonier - Les ordonnances
Avec l’avènement de Napoléon III, je franchis une nouvelle étape et deviens peintre quasi officiel de la cour. J’ai même suivi l’empereur dans sa campagne d’Italie dans le but d’en peindre les événements principaux. Peine perdue, je rentre les mains vides ! Ce n’est que plusieurs années plus tard que je vendrai à prix fort à l’Etat une Bataille de Solférino qui fera date. Je me spécialise dans la peinture militaire : ça me passionne, en particulier les chevaux – j’en connais parfaitement l’anatomie. Pour m’aider à bien les figurer, j’en sculpte dans la cire – un talent que le public ne connaîtra qu’après ma mort.

Je monte les marches de la gloire artistique deux à deux : en 1861, je suis membre de l’Institut, en 1889, Grand-Croix de la Légion d’Honneur – aucun artiste ne l’avait reçue avant moi. En 1878, et pour un an, je suis élu maire de Poissy, où j’ai habité pendant 40 ans. En 1889, le poids des ans se fait sentir, néanmoins je suis nommé président du jury des Beaux-Arts à l’Exposition Universelle de 1889, durant laquelle un hurluberlu du nom d’Eiffel construit une tour : je m’y suis pourtant fortement opposé. Je meurs en 1891, couvert de gloire et d’argent.

Ernest Meissonier - 1814 Campagne de France
Et pourtant, de là-haut, je vois que très rapidement ma réputation décline. Au XXe siècle, on m’oublie totalement.

Ernest Meissonier - Charge
C’est que je ne rentre pas dans le moule du révolutionnaire et de l’artiste incompris : je suis un grand représentant de la peinture académique, « pompier » disent les mauvaises langues. Par conséquent, les avant-gardistes de tout poil me méprisent – il y a sûrement de la jalousie chez eux. Et pourtant, je pense sincèrement avoir du talent, plus que beaucoup d’entre eux d’ailleurs. Quand on observe mes œuvres (400 environ, je ne sais pas exactement), on voit la variété de mes sources d’inspiration et la précision de mon coup de pinceau. Ignare est celui qui me réduit au tableau intitulé Campagne de France 1814, qui est au musée d’Orsay : c’est mon œuvre la plus connue et c’est vrai que je n’en suis pas peu fier. Sa petite taille, assez inhabituelle pour une peinture d’histoire militaire, vient directement de l’influence flamande. Et contrairement à ce que disent mes détracteurs, je n’ai pas seulement peint une scène de guerre dans ses détails cruels ou majestueux. J’ai surtout tâché de retranscrire une atmosphère de « fin de règne » en étudiant précisément l’attitude et la psychologie des personnages. Quand Baudelaire me qualifie de « géant des nains », c’est vraiment mesquin. Le souci du détail peut agacer, je le conçois ; mais je n’ai pas vocation à peindre le tréfonds de l’âme de ma société : je préfère largement la virilité d’un grenadier ou l’hommage aux défenseurs de Paris face aux Prussiens. Je suis de mon époque et j’en suis fier !

Vous pouvez d’ailleurs me retrouver au musée du jouet de Poissy qui organise une exposition sur mon œuvre et moi jusqu’au 21 juin du mardi au dimanche de 9h30 à 12h et de 14h à 17h30 !


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