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« Dans socialisme, il y a social »

Publié le 03 avril 2015 par Letombe
Karine Berger Karine Berger
La sanction est là, sans appel : la gauche perd 28 départements. Le Front national (FN) est arrivé en tête au premier tour dans les anciens cantons de Pierre Mauroy, de Pierre Bérégovoy ou de Léon Blum. Il s’implante sur les terres de Jean Jaurès, progresse encore chez les électeurs de la classe ouvrière et améliore sa présence chez les seniors des zones rurales.
Plus qu’un symbole historique, il s’agit là d’un enseignement majeur, car « le département, c’est le social ». Aux yeux des électeurs, le PS n’incarne plus la protection sociale et n’a donc plus de légitimité à gouverner les départements.
Dans « socialiste », il y a « social » : une évidence ? Certainement pas pour tous les électeurs de gauche qui nous reprochent de l’avoir oublié. Le PS est devenu paresseux et ne formule plus d’ambition pour notre modèle social. Là où le FN clame haut et fort la « préférence nationale » et la « chasse à l’assistanat », les socialistes n’arrivent pas à parler de protection sociale au XXIe siècle.
La crise économique de 2008, dont nous ne sommes jamais sortis, commande pourtant de faire preuve d’innovations. Parmi les électeurs qui se sont abstenus dimanche, combien de jeunes en situation de grande pauvreté qui ne peuvent même pas prétendre au Revenu de solidarité active (RSA) ? Parmi les électeurs du FN, combien de précaires qui refusent de recourir ou ignorent tout du RSA activité ?
Qu’avons-nous entendu pendant ces mois de campagne de terrain ? Beaucoup de questions, toujours les mêmes. Sur l’emploi bien sûr ; mais aussi sur la retraite, la santé, les personnes âgées, le handicap… Quelle réponse des socialistes aux déremboursements de soins par la Sécu, qui conduisent à une privatisation au profit des complémentaires santé ? Quelle réponse des socialistes au défi de la dépendance qui laisse seules tant de familles ? Quelles réponses donnons-nous à tous ceux qui se battent contre le cancer ou d’autres maladies chroniques ?
Les électeurs déçus nous ont aussi demandé des comptes sur la politique familiale : sur le non-versement des pensions alimentaires, l’absence d’allocation familiale au premier enfant, la place des beaux-parents, le fonctionnement des nouvelles familles…
En porte à porte, ces mêmes électeurs de gauche déçus sont ceux qui n’acceptent pas que beaucoup de nos ainés soient aujourd’hui dans une situation d’isolement grandissant. Ils ne tolèrent pas une France où la retraite moyenne nette avoisine les 1 300 euros par mois et où le coût moyen d’une place en maison de retraite approche les 2 700 euros par mois. Ils réclament un vrai service public des maisons de retraite. Alors qu’aujourd’hui, un salarié sur cinq de plus de 40 ans aide une personne âgée, ils demandent que l’entreprise prenne sa part à l’effort collectif. Nous pourrions par exemple proposer un « service familial », sur le modèle du service civique : toute personne, salariée ou non, pourrait choisir de s’occuper d’un proche atteint par une maladie chronique pour l’aider au quotidien, en échange d
’une indemnisation à hauteur d’un SMIC ou bien d’une pré-retraite.
Nous célébrons cette année les 70 ans de la Sécurité Sociale. Créé en 1930 puis étendu en 1945, le « modèle social » français a été conçu pour une France qui n’existe plus : une France jeune, à la croissance économique soutenue, où l’espérance de vie avoisinait les 55 ans. Soixandte-dix ans après, la société s’est transformée et de nouveaux risques sont apparus, que notre protection sociale ne couvre pas. Il est temps que les socialistes réfléchissent, pour passer de la Sécurité Sociale de 1945 à celle de 2015.
Les lendemains d’élections sont souvent l’occasion de déclarations politiques fracassantes, alors que des tendances plus profondes sont à l’œuvre. A l’heure du bilan des élections départementales, il est temps de sortir le nez de l’arrière-boutique et de s’intéresser aux significations profondes du vote des Français.
La dernière défaite socialiste
aux départementales d’une telle ampleur remonte à 1992 : trois ans après, vint la défaite présidentielle de 1995. Nous devons tirer les leçons de l’Histoire, pour penser un nouveau modèle social et éloigner le spectre d’un 21 avril 2017.
La politique doit à nouveau agir pour s’adresser à chacun dans un monde en mutation. Sachons entendre le désarroi et la désespérance de nos électeurs pour enfin sortir des sentiers battus, pour penser un nouveau modèle de société et construire avec eux un nouveau modèle de développement. Renonçons à nos facilités.
Entre une gauche fantasmée et une gauche de gestion, il y a la place pour une gauche de transformation. Soutenir un gouvernement de gauche ne doit jamais être un obstacle à cette ambition. C’est la tâche du Parti socialiste de répondre aux électeurs déçus de la gauche qui se sont abstenus ou sont allés voter au Front national. Il y a urgence, alors en avant !

Karine Berger, députée ; Nicolas Brien, député-suppléant ; Dominique Bertinotti, ancienne ministre ; Yann Galut, député ; Madeleine Ngombet, vice-présidente région Poitou-Charentes

Karine Berger

Dans le cadre du Congrès de Poitiers du Parti socialiste, qui aura lieu début juin, j'ai déposé une contribution générale avec Yann Galut, Valérie Rabault, Alexis Bachelay, Colette Capdeviel...

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