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Isidore Isou, le Lettrisme pour l’éternité

Publié le 06 avril 2015 par Pantalaskas @chapeau_noir

Les artistes du mouvement Lettriste, on le sait, sont animés par une conviction inoxydable. Rencontrant il y a une dizaine d'années ceux de la deuxième génération, notamment Roland Sabatier, François Poyet, Gérard Broutin, j'ai pu vérifier leur certitude chevillée au corps de la prééminence historique du Lettrisme dans l'histoire de l'art contemporain, et, pour tout dire, que le Lettrisme constituait le seul avenir de l'art de notre temps. C'est dire si le silence qui pesait alors sur leur existence et leur création pouvait leur paraître injuste et même scandaleux.

Isou tournage

Tournage Isou

Retour du Lettrisme

Il a fallu en 2010 une exposition majeure à la Villa Tamaris à la Seyne sur mer : "Lettrisme, vue d'ensemble sur quelques dépassements précis" pour infirmer le constat fait depuis de nombreuses années sur l’indifférence, l’oubli dans lesquels les artistes de ce courant marquant depuis la fin de la seconde guerre mondiale se retrouvaient confinés. Puis la remarquable exposition intitulée "Pensiez-vous (vraiment) voir une exposition ? Bientôt les Lettristes (1946-1977)" au Passage de Retz à Paris en 2012  a permis aux plus jeunes de faire connaissance avec cette histoire agitée d'une aventure artistique mise de côté par les institutions. Seul le Musée de l'objet à Blois accordait une place effective à ce mouvement. Aujourd'hui c'est encore à Blois, cette fois dans la Fondation du Doute qui succède au Musée de l'objet, que le Lettrisme trouve une visibilité légitime avec l'hommage rendu à Isidore Isou, son créateur.
Singulier retournement pour Jean-Isidore Isou Goldstein, artiste d'origine roumaine mort à Paris en 2007 après une fin de vie particulièrement pénible, malade, oublié de tous sauf du carré de ses fidèles. Initiée par Ben Vautier, influencé dès l'après-guerre par Isou et le Lettrisme, la Fondation du Doute fait désormais souffler l'esprit Fluxus et accorde au Lettrisme une présence réelle. Dans quelques jours s'ouvre l'exposition consacrée au cinéma d'Isidore Isou.

Traité de bave et d’éternité Isou

Traité de bave et d’éternité Isou

Esthétique du cinéma

Le cinéma, qui était défini dans Esthétique du cinéma (1952) d’Isou comme l’art de l’écoulement dans le temps de la reproduction, devient un matériau expérimental  comme dans Traité de Bave et d’Éternité (1951) où s'opèrent d’une part la disjonction du son et de l’image (le montage discrépant), mais aussi la ciselure des images, les rayures et les attaques de l’image (l’image ciselée). La bande sonore, dans cette nouvelle conception cinématographique, devient une œuvre autonome sans relation directe avec ce que montrent les images. Isidore Isou parvient même à créer le Film-débat ou l’œuvre débat: la réalisation du film est réduite au simple débat sur le cinéma entre les spectateurs. L'autre figure historique du mouvement, Maurice Lemaître, a pris une part remarquée dans cette réflexion sur le cinéma avec en 1951 "Le film est déjà commencé?" prolongeant l'expérimentation du Traité de Bave et d’Éternité sorti quelques mois plus tôt. Les lettristes de la seconde génération n'ont pas oublié cette composante de la recherche, je pense notamment aux films expérimentaux de François Poyet ( Film sans histoire(s) ).

Une pensés totale

Cette présentation de la face cinématographique d'Isou peut permettre à ceux qui le découvriront de déceler cette volonté implacable de l'artiste, cette ambition sans limite de révolutionner toutes les branches du savoir et pas seulement dans le domaine de l'art. La science, l'économie, la philosophie, la politique ne peuvent lui échapper et doivent passer sous les fourches caudines du Lettrisme. Cet appétit dévorant d'assumer la totalité de la pensée a engendré plus d'un tumulte, plus d'une controverse et a donné de la première génération Lettriste ( Isou, Lemaître ) une image de provocation permanente, voire d'intolérance. Dans le même temps, Guy Debord fonde l'Internationale Lettriste puis l'Internationale Situationniste qui apparaîtra davantage en phase avec le monde de son temps. « Grâce à Isou, dit Ben, j’ai compris que l’important n’est pas la beauté, mais la nouveauté, la création ». Oublié de son vivant, Isidore Isou peut-il aspirer à l'éternité ?

Photo : Fondation du Doute

Isidore Isou
Oeuvres de cinéma 1951-1999

11 avril 2015 /14 juin 2015
Fondation du Doute
14 rue de la Paix
6 rue Franciade
41000 Blois


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