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Lorsque René Simard prend la rue

Publié le 09 avril 2015 par Feuavolonte @Feuavolonte

René Simard

René Simard

Zone 3

*1/2

580Rene

Il aura fallu près de treize ans au magnat du divertissement québécois, René Simard, pour revenir à ses premiers amours avec un album de créations originales. Ce disque de treize pièces apparait à la première écoute comme un collage de différents morceaux de variété exécutés avec une excellence variable. Ce serait cependant mal connaître l’œuvre du rossignol de Chicoutimi.

Déjà dans les années 1970, René nous a montré ses talents de télékinésie en arrêtant abruptement un train magnétique dans l’annonce culte des petits puddings Laura Secord. Il n’en faudra pas moins pour faire comprendre à son public qu’à la manière d’un autre grand manipulateur de matière, Magneto, le petit Simard allait manigancer des plans de révolution. Son répertoire historique le montre d’ailleurs très bien: que ce soit avec des symboles simples de libération (L’Oiseau) ou à travers une écriture cabalistique (un non-initié connait-il réellement le sous-texte de Tourne la page?), le chanteur nous habitue à un second degré riche en significations.

L’album homonyme n’échappe pas à cette règle. En excluant les chansons interprétées dans une langue incompréhensible à l’oreille néophyte (A Sailing Song, Back to the Beggining, Thank You), les textes interprétés ici ne font que résonner à l’actualité politique. Si nous pensions que Bernhari nous avait offert l’une des œuvres musicales les plus intéressantes pour traiter du printemps érable, nous venons de lui trouver un puissant rival.

Au fil de l’album, René Simard envoie de clairs appels au soulèvement citoyen et se présente en instigateur de la grève sociale de 2015. Il a su s’entourer de nombreux auteurs prônant la révolution, tels que Nelson Minville et Arnie Roman. Son propos social prend plusieurs formes, en allant du message clair du refrain de son titre Un nouveau rêve, où il scande, accompagné par un chœur: «nous sommes ces voix qui s’élèvent / pour donner au monde un jour de trève» jusqu’aux messages voilés parlant d’une vigile contre les victimes de brutalité policière dans Rendez-vous : «Laissons parler ce soir nos désirs. [..] La lune qui rougit dans le ciel / la lueur des chandelles / nous accorderons-nous / ce précieux rendez-vous.»

Affirmant la passion de l’artiste pour les cryptogrammes et les messages à décoder, l’album se clos sur une chanson cachée (tactique audacieuse à l’ère du numérique) intitulée À chacun nos armes, affirmant que l’on «se défend tous comme on peut contre les élans de l’histoire, contre le temps, la peur du noir, contre le vent des abattoirs.» Cette cabale, déchiffrable par les plus initiés membres du regroupement simardien, annonce bel et bien le climat de revendications qui s’est installé au Québec au courant des derniers mois. Ce disque subversif pour les esprits peu critiques est là pour choquer, mais réussi son bout de chemin. Car, à la manière du mouvement populaire de 2012, lorsque René Simard chante, il chante comme une casserole.


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