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L’involution sociale... publié par "Les Dernières Nouvelles d’Alsace" en 1996

Publié le 11 avril 2015 par Philippejandrok

En août 1996 après avoir été embauché par la ville de Strasbourg en tant que chargé de mission en C.E.S, je décidais de rédiger cet article sur la condition scandaleuse des CES au coeur même de l'administration, les CES étaient des contrats honteux, au même titre que ce que Nicolas Sarkozy a proposé dernièrement :

- "les bénéficiaires des minimas sociaux doivent travailler 7 heures par jour." 

S'ils peuvent travailler 7 heures par jour selon N. Sarkozy, c'est qu'il y a du travail, alors, pourquoi ne pas salarier tous "ces profiteurs" ?

Les effets d'annonces de Monsieur Sarkozy s'apparentent à de la pure manipulation médiatique, chargée de gros mensonges conscients, et insultant l'intelligence des français.

Dans cet article rédigé il y 19 ans et que j'ai trouvé par hasard dans mes archives, nous pouvons constater que le mensonge des politiques est toujours actif, que les boucs émissaires sont toujours les mêmes désignés, auxquels s'ajoutent aujourd'hui, les arabes, les étrangers, les musulmans...

La politique française est une putain de Babylone dirigée par des macros qui se font passer pour des princes de vertu.

J'avais envoyé cet article à M. Hollande qui a l'époque était loin d'imaginer qu'il serait un jour président, et moi aussi d'ailleurs, sa réponse avait été édifiante, il éludait la question, répondait à côté, et encourageait bien évidemment la perversion d'un système qu'il utilisait pour gagner des voix, il parlait "d'involution ou de non involution...", montrant soit qu'il n'avait rien compris, soit, je préfère le croire, qu'il le fit exprès, puisque c'est un homme d'esprit, pour ne pas avoir à répondre avec sincérité ; mais qui a dit que les politiques étaient sincères ? Déjà, cet homme m'avait profondément déçu, et cela s'est confirmé 20 ans plus tard depuis son élection.

Enfin, je vous souhaite une bonne lecture.

PS : le titre avait été trouvé par mon frère Thierry F. Jandrok

   La conception d’une société protectrice, créant emploi et sécurité, passe aujourd’hui un nouveau cap. Celui de la réduction du temps de travail et de l’assistanat généralisé. L’activité professionnelle diminuant, le nombre de demandeurs d’emploi allant croissant, les charges, impôts et taxes diverses suivant le même triste destin, le monde d’hier cède la place à un avenir incertain.

L’accroissement du taux de chômage est chaque jour plus important et l’inactivité dans certaines tranches de la population française, en particulier chez les individus de moins de 40 ans est désespérante. Les discours de reprise économique, d’emploi facilité par des stages, embarrassent le plus souvent les patrons, qui ne veulent plus perdre de temps à former des jeunes, qu’ils ne pourront recruter par la suite. De plus la délocalisation des entreprises françaises sur les territoires d’Asie du Sud Est, et plus proche de nous, des pays d’Europe Centrale en expansion pré-capitaliste, ne peut en aucun cas créer des emplois pour la population française.

Le gouvernement, dirigé par l’économie plus que par les idées, mène l’hypocrite  politique du mensonge et masque grossièrement les chiffres du chômage en faisant abstraction des stages d’insertion S.I.F.F., ainsi que des scandaleux contrats C.E.S. (Contrat Emploi Solidarité), C.E.C. (Contrat Emploi Consolidé). Croit-il manipuler l’opinion en espérant gagner des voix ? Les demandeurs d’emploi, ne sont-ils pas, eux aussi, des électeurs ?

Il est à savoir qu’une grande partie de ces contrats sont utilisés par les administrations, l’Éducation nationale, les Musées nationaux, les collectivités locales et territoriales et autres organismes associatifs. Si l’on trouve parmi ces contrats des personnes sous-qualifiées, possédant parfois le B.E.P.C, celles-ci sont employées à des tâches subalternes.

D’autres, plus diplômées, occupent des fonctions de secrétaires, de gestionnaires, de comptables, auxquelles s’ajoutent malheureusement, des titulaires de B.T.S., des universitaires niveau D.E.A., D.E.S.S. et Thèses, placées sur des postes à responsabilité pour un salaire de 2 520 FF. / mois, soit 378 euros en 2015.

La démocratie n’est-elle pas admirablement respectée dans ce cas précis ? Tous les C.E.S. à égalité devant leur employeur, égalité de statut, égalité salariale, de quoi se plaint-on ?

Les emplois se partagent dans un bel effort de fraternité, les employés sont renouvelés tous les six ou douze mois, chacun a sa chance de prouver qu’il participe à la reprise nationale, merci pour eux. Dans ce cas, pourquoi employer des individus surqualifiés, s’il n’y a pas de travail ?

Est-ce pour leur rendre service ?

Ou encore pour leur permettre de trouver un emploi ?

Ou pour leur donner une qualification professionnelle ?

 Ces postes, qui devraient aboutir à une formation, sont entièrement gérés par des C.E.S. autonomes et professionnels. Le contrat n’est pas respecté par l’État, car c'est bien lui qui emploie.

Il triche, ment et manipule l’opinion autant que les sondages, mais plus encore, il déçoit les jeunes, qui perdent tout espoir de justice. Si les jeunes n’ont plus de repères, de référents, d’exemples à suivre, à qui pourront-ils ressembler, si ce n’est à la mauvaise image qu’on leur renvoie de leur pairs ?

Ne soyons pas étonnés de la violence d’une jeunesse qui crache sur un système dirigé par des vieux qui les méprisent, sans même leur donner une chance. La langue qu’ils parlent n’est pas celle qu’ils comprennent.

Un autre exemple de cruauté liée au système, est de remercier les CES arrivés en fin de contrat. Ils se retrouvent alors, dans une situation morale bien plus pénible que la précédente, car après leur avoir donné le faux espoir de sortir de cet épouvantable marasme, ils sont jetés aux orties et se voient remplacés par de nouveaux esclaves-CES, frères de souffrance dans la douleur sociale.

Dans le cas contraire, on leur propose un autre contrat C.E.S. ou un C.E.C, on évite ainsi, une véritable embauche.

S’il y a du travail pour les C.E.S, et de plus en plus, où sont les créations d’emploi que l’on nous promet ?

L’Économie et la Politique n’ont pas de conscience humaine, mais une conscience du rendement. N’est-il pas plus simple d’employer un C.E.S. plutôt qu’un chômeur en C.D.D ? Les salaires sont pris en charge par la D.D.T.E. (Direction départementale du Travail) et l’employeur débourse environ 4 000 francs  (600 euros, soit 100 euros/mois) pour une durée de six mois par contrat signé. Où se trouve l’intérêt d’embaucher dans ces conditions ?

On a voulu relancer l’économie en occupant les RMistes, en leur faisant croire qu’ils trouveraient un emploi, on n’a fait qu’engraisser les vautours.

Combien de temps durera cette situation incohérente ? Ces contrats n’illustrent-ils pas avec brio, la mauvaise foi des institutions, qui s’acharnent à culpabiliser les personnes inactives, les chômeurs et les RMistes, qui vivent aux dépens de la société en les poussant à accepter des emplois sous-qualifiés et sous payés ?

Les jeunes devront-ils toujours baisser leurs culottes devant des employeurs malhonnêtes ?

Il y a quelque mois, pour faire la chasse au gaspi, le gouvernement déclarait la guerre aux fraudeurs, aux faux chômeurs, à ceux qui touchent deux RMI ou deux allocations chômage. Rappelons que l’allocation d’un RMiste varie, selon les cas, entre 2 000 et 2 300 FF./mois. Il paraît évident qu’avec cette somme un individu peut se loger (un studio dans une grande ville se loue entre 2 600 et 3800 FF./m.), s’habiller convenablement, se nourrir, entreprendre les démarches nécessaires pour chercher un emploi (Les CV coûteux, les enveloppes, les timbres, les photos d’identité, les cartes téléphoniques, etc.) et surtout, garder le moral.

La fraude est condamnable, car elle pénalise la collectivité, mais elle se comprend ;          

le système l’encourage, comme il encourage les commerçants à frauder le fisc.           

Les difficultés poussent au crime, mais les vrais criminels sont ailleurs.

Dans un roman populaire, on condamnait au bagne, un homme pour avoir volé un pain, sans doute avait-il faim. Il n’y a pas de justice, il n’y a que des lois, déclarait un certain Javert à cet homme-là.

Philippe-Alexandre Jandròk

Strasbourg, le 9 août 1996


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