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Rencontre avec un biologiste en Amazonie

Publié le 12 avril 2015 par Tidus457 @perou_voyage

Un passionné dans le Tambopata

C'est à l' écolodge Inotawa, dans la jungle du Tambopata, que je rencontre Pablo et Belén pour la première fois. Ils sont assis à table, en train de manger, Pablo, avec ses dreads et son air décontracté, Belén menue et au sourire vif.

Ce sont des jeunes biologistes en train de faire des recherches dans le coin. C'est que pour pouvoir visiter le Lac Cocococha avec des touristes, dans un esprit durable, Inotawa doit collaborer avec des projets contribuant à la préservation de l'écosystème. Ainsi, ce duo hispano-argentin est " parrainé " en étant logé et nourri à l'écolodge pendant qu'il poursuit son projet. Intéressant échange non?

Un peu plus tard, j'ai l'occasion de discuter avec Pablo à propos de son projet de recherche, intriguée, je l'avoue, par quelqu'un qui semble tout à fait dans son élément dans la jungle, loin des réseaux sociaux et de l'agitation de la ville, alors que cet univers -pourtant absolument magnifique- me pèse inévitablement après 3 jours.

Et comment as-tu atterri dans le Tambopata?

J'ai fait ma maîtrise en gestion de la faune sauvage et je suis venu une première fois en 2012, dans le cadre d'un programme de volontariat, où je devais suivre des lobos de rio (loutres géantes) et les caïmans du lac Cocococha. C'est là que j'ai connu l'espèce Garza Agami et ça a été un coup de foudre instantané.

Comme je devais écrire un article avec mon sujet d'intérêt, j'ai commencé à effectuer des recherches sur cette espèce et je me suis rendu compte qu'il y avait très peu d'information sur le sujet. En fait, il n'y avait aucune étude sérieuse. J'ai donc pensé à la possibilité de faire une étude sur la colonie de nidification de l'espèce. En 2013 je me suis engagé dans cette lignée en cherchant le financement, ce qui a été un gros travail.

Qu'est-ce que la Garza Agami?

Héron agami ou Onoré Agami en français

La Garza Agami est une espèce d'oiseaux Pélécaniformes de la famille Ardeidae. On les trouve en Amérique central et en Amérique du Sud. Pour de nombreux ornithologues, c'est le plus bel oiseau au monde. Il faut dire qu'il a une allure unique, avec un plumage magnifique. À ce moment précis, les yeux de Pablo semblent illuminés. Nul doute, il est bien amoureux de cette espèce.

Rencontre avec un biologiste en Amazonie

C'est une des espèces les moins étudiées, il faut dire qu'elle nous complique la tâche car vu qu'elle est fragile, elle se fait toujours très discrète. Elle a un caractère méfiant et aime se cacher dans à l'ombre de la végétation. C'est une espèce menacée dont la population a diminué de façon importante. Il est difficile de connaître son statut exact, justement parce qu'il y a peu très d'études de son cas.

Rencontre avec un biologiste en Amazonie

Sa situation est si grave?

En effet, il y avait 500 individus en 2005, 60 en 2013, et moins de 40 individus en 2014, c'est très inquiétant. Est-ce que c'est simplement parce que peu de bébés survivent? Il faut dire que les femelles ne pondent que 2 ou 3 œufs à la fois et seulement 1 à 2 bébés survivent, entre autre à cause des singes qui sont de grands prédateurs et mangent les œufs.

On croit qu'il y a un problème et on essaie de l'identifier. Mais comme ils ne restent ici que 6 mois par année et qu'on perd leur trace dès qu'ils partent, il est difficile de savoir si le problème vient d'ici ou d'ailleurs. On va essayer d'obtenir des colliers traceurs pour connaître leur route et savoir si elle est polluée.

Ils sont peut-être affectés par les changements climatiques. Comme c'est une espèce bio-indicatrice, il serait très important de comprendre ce qui arrive. Au moins, on sait que le tourisme n'est pas en cause, c'est si tranquille par ici que ça nous paraît improbable.

Et qu'est-ce qu'une espèce bio-indicatrice?

Un bio-indicateur, c'est une sorte de repère pour évaluer l'état de l'environnement.

Il y a plusieurs espèces vivantes -considérées comme particulièrement sensibles aux perturbations de leur environnement- qui sont utilisées comme repère, dont la Gaza Agami.

Lorsque ces espèces sont dans un écosystème et y évoluent de façon stable, cela reflète un bon niveau de conservation et d'équilibre des lieux. Dès qu'il y a des petites perturbations, elles sont menacées de voir leur population réduire ou pire, complètement disparaître.

À quel genre de défis as-tu fait face durant tes recherches?

D'abord, le premier mois de mon arrivée, j'ai attrapé la dengue*. Comme il n'y a pas de médicaments pour le traiter, j'ai simplement dû attendre que ça passe, cloué au lit sans pouvoir bouger. Chaque petit mouvement était terriblement douloureux.

Puis, les pluies ont été très fortes cette année, donc on ne pouvait pas avoir accès au site d'observation.

*Dengue : maladie causée par un virus transmis du moustique à l'homme, fréquente dans les régions tropicales. Les effets secondaires sont puissants (maux de tête, nausées, hausse de la température du corps, fortes douleurs musculaires et articulaires). C'est pourquoi il est important de d'utiliser du chasse-moustique et de préférer des vêtements longs pour protéger sa peau le plus possible d'un éventuel contact. Vous pouvez consulter ce document du Ministère de la Santé français pour en apprendre plus.

Quels sont tes projets pour aider la Garza Agami?

Cette rencontre -traduite de l'espagnol- a eu lieu il y a un an et l'article n'a pu être publié qu'aujourd'hui car les informations étaient contenues dans un disque dur situé à des milliers de kilomètres de chez moi. C'est ça, aussi, voyager : perdre et retrouver des souvenirs, qui n'en demeurent pas moins tout à fait pertinents et intéressants. J'espère que Pablo aura pu faire avancer les recherches sur la Garza Agami. Copyright photo : Pablo Toledo Monsonis

Comme je te l'ai dit, ces colliers GPS sont très importants pour pouvoir suivre leur comportement à l'année longue et pas simplement durant quelques mois. On pourra étudier ainsi leur route en détail et espérer faire quelques conclusions.

Je veux faire du crowdfunding, travailler le côté marketing, bref tout faire pour que les gens puissent connaître cet oiseau magnifique. Il faut bien que je trouve des moyens de financement car sans argent on ne peut tout simplement rien faire. Il faut aussi que je me tourne vers les États-Unis et l'Angleterre car ce sont les pays qui fournissent 90% des fonds d'investigation pour les espèces menacées.


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