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Solaire : illégalité du refus de permis de construire des serres photovoltaïques en zone NC du plan d'occupation des sols / illégalité du permis de construire un hangar agricole équipé de panneaux solaires

Publié le 18 avril 2015 par Arnaudgossement

Par arrêt n°13BX03485 du 2 avril 2015, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le permis de construire un hangar agricole équipé de panneaux solaires. Par arrêt n°13MA02539 du 3 avril 2015, la Cour administrative d'appel de Marseille a annulé le refus d'un maire de délivrer le permis de construire pour l'implantation de serres agricoles intégrant une unité de production photovoltaïque, en zone agricole du plan d'occupation des sols. Analyse.

Cet arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille vient enrichir une jurisprudence déjà abondante sur la question de la destination agricole de serres ou de hangars équipés de panneaux solaires photovoltaïques (voir ci-dessous "pour aller plus loin").

ces deux arrêts ont un point commun : le juge administratif vérifie qu'en zone agricole, tout nouvel équipement a bien pour objet premier de contribuer à l'activité agricole.

I. Illégalité du permis de construire un hangar agricole équipé de panneaux solaires

Cet arrêt est intéressant en ce qu'il confirme que le Juge administratif, pour apprécier la légalité du permis de construire un hangar agricole équipé de panneaux solaires, vérifie le caractère "nécessaire" de ce hangar au regard de l'activité agricole du pétitionnaire :

"10. Considérant que le préfet soutient que la création du bâtiment projeté ne présente pas un caractère de nécessité au regard de l'activité agricole du pétitionnaire ; qu'il ressort des pièces du dossier que le hangar agricole surmonté de panneaux photovoltaïques que les consorts du Bernard envisagent de construire présente une longueur de 72 mètres et une largeur de 31 mètres pour une hauteur au faîtage de 12 mètres environ ; que le pétitionnaire indique dans sa demande de permis de construire qu'il est destiné au stockage de fourrages, de matériels et à un atelier de maintenance, mais n'a justifié en rien la superficie du hangar projeté, alors qu'il ressort des pièces du dossier que la chambre d'agriculture dans son avis du 21 octobre 2010 avait émis des doutes sur le dimensionnement de cette structure au vu des surfaces cultivées et du matériel existant, ainsi que du hangar de 400 mètres carrés déjà présent sur l'exploitation, et demandé une justification de la surface prévue de 2 232 mètres carrés ; que si le maire de Villemur-sur-Tarn fait valoir que les consorts du Bernard exploitent, sur 155 hectares, une activité céréalière et une pépinière, laquelle génère des volumes conséquents d'écorce de pin et de terreau devant nécessairement être stockés à l'abri, cette circonstance, dont le pétitionnaire n'avait pas fait mention dans sa demande, n'est pas étayée par des éléments probants ; que par suite, le préfet est fondé à soutenir que, du fait de ses dimensions importantes, le hangar projeté ne peut être regardé comme nécessaire à l'activité agricole, et ne pouvait par suite être autorisé en zone NC ;"

Le juge administratif assure un contrôle in concreto. En zone NC, seules des constructions en lien avec l'activité agricole peut être autorisées par permis de construire. Aussi, le juge administratif s'assure que la réalisation d'une construction a pour objet premier, non la production d'électricité mais une activité agricole. Le Juge administratif entend ainsi prévenir la construction de "faux" hangars ou de hangars disproportionnés dont la vocation réelle serait l'accueil de panneaux solaires.

Selon cette jurisprudence, le maire ne peut légalement délivrer un permis de construire pour un hangar dont la vocation première est l'installation d'une centrale solaire.

II. Illégalité du refus de permis de construire des serres agricoles photovoltaïques (Cour administrative d'appel de Marseille)

En premier lieu, la Cour administrative d'appel de Marseille rappelle les dispositions du règlement de la zone NC du POS de la commune sur le territoire de laquelle était demandé un permis de construire des serres photovoltaïques :

"5. Considérant, en troisième lieu, que le paragraphe liminaire consacré au caractère de la zone NC, qui éclaire les dispositions réglementaires du plan d'occupation des sols communal, la définit comme englobant " des espaces naturels à protéger en raison de la valeur économique des sols et du sous-sol. Elle est réservée au maintien et au développement d'activités agricoles ainsi qu'à l'exploitation de carrières et doit à ce titre être protégée de toute occupation et utilisation des sols non liées directement à ce type d'activité " ; qu'aux termes de l'article NC 1 de ce règlement, relatif aux occupations et utilisations du sols admises : " Sont admis(...) : (...) 3) les serres de production ; (...)" ; qu'aux termes de l'article NC 2 du même règlement : " Sont interdites toutes les formes d'utilisation et d'occupation des sols non mentionnées à l'article NC 1 ci-dessus. " ;"

Ainsi, le règlement de la zone NC de ce plan d'occupation des sols autorise les serres de production agricole. La question est donc de savoir si l'installation sur ces serres de modules photovoltaïques est de nature à leur faire perdre leur destination agricole.

Au vu des pièces du dossier, le Juge administratif vérifie que la réalisation des serres aura pour objet premier de contribuer à l'activité agricole :

"6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est composé de parcelles, d'une superficie totale de quelques 22 hectares, qui sont la propriété d'une structure dont l'un des associés, M.B..., exploite le domaine viticole des Aveylans, classé en appellation d'origine contrôlée " Costières de Nîmes " ; que le projet consiste à installer sur ce terrain, que la pétitionnaire SARL Art Solar se propose d'acquérir, 90 948 m² de serres qui seront ensuite données à bail à trois exploitants agricoles ; qu'ainsi, la SCEA " Château des Aveylans " prévoit d'en exploiter 4 hectares en vue d'y développer, en agriculture biologique, des cultures de fruits et légumes, lesquelles permettraient à la SCEA, en se diversifiant tout en poursuivant une exploitation du domaine viticole sur 10 hectares, de se procurer, selon le compte prévisionnel d'exploitation versé au dossier, un résultat net annuel de l'ordre de 108 000 euros sur les quatre premières années en employant huit à dix personnes ou équivalents temps plein ; que l'EARL " Terres Longues ", prévoit d'exploiter également quatre autres hectares de serres pour y produire principalement, en primeur, 200 tonnes de melon supplémentaires par rapport à sa production actuelle, que le gérant de l'EARL écoule sans difficulté ; que, d'après le compte prévisionnel versé au dossier, cette production supplémentaire générerait un résultat net annuel de l'ordre de 120 000 euros sur les quatre premières années ; qu'enfin, la SARL Equateur, gérée par le même ingénieur agronome exploitant la SCEA " Château des Aveylans ", se propose d'utiliser l'hectare de serres restant en recherche et développement dans l'agriculture biologique ;"

L'arrêt est intéressant en ce qu'il démontre que le Juge administratif accepte de contrôler la nécessité d'une installation photovoltaïque au regard du caractère agricole d'une zone, au regard notamment des revenus générés par cette production d'électricité renouvelable.

L'arrêt est également intéressant en ce qu'il précise clairement que le fait que les panneaux produisent une électricité destinée, non pas directement à l'exploitation agricole mais au réseau, ne suffit pas à démontrer l'illégalité du projet :

" 7. Considérant que la commune ne conteste pas utilement l'ensemble de ces éléments en se bornant à produire un avis de la chambre d'agriculture du Gard daté du 3 janvier 2011 selon lequel " un retour d'expériences suivies par l'INRA de Sophia Antipolis montrerait les limites à l'exploitation de serres photovoltaïques pour la production agricole " ; que, par suite, la destination agricole de ces serres ne peut être regardée comme dénaturée par l'installation des panneaux photovoltaïques qui en constituent la couverture ; que la circonstance que l'électricité produite par les serres ne servira pas seulement à leur fonctionnement, mais également à alimenter le réseau de distribution publique n'enlève rien au fait que ces serres participeront, conformément à la vocation de la NC sus-rappelée, au maintien d'une activité agricole sur le terrain d'assiette du projet, alors qu'en raison des difficultés de la filière viticole, la SCEA " Château des Aveylans " a arraché 20 hectares de vignoble sur les 30 existants en 2003 ;"

Dés l'instant où les serres elles-mêmes sont utiles à l'activité agricole et que cette utilité n'est pas réduite, bien au contraire, par la production d'énergie solaire, le permis de construire des serres photovoltaïques ne peut être légalement refusé. Il en irait autrement si lesdites serres n'avaient pour vocation première d'abriter une production agricole mais uniquement d'accueillir des panneaux solaires.

En deuxième lieu, la Cour administrative d'appel de Marseille contrôle la légalité du motif de refus de permis de construire fondé sur l'article R.111-21 du code de l'urbanisme :

"10. Considérant, en quatrième lieu, que le refus en litige est également motivé par la contrariété du projet avec l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme qui dispose : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. "

Au cas d'espèce, la seule proximité de zones naturelles sensibles ou protégées ne justifie pas un refus de permis de construire des serres agricoles :

" 11. Considérant que si ce motif de refus s'appuie sur le fait que le terrain d'assiette est proche de zones naturelles d'intérêt écologique et floristique ( ZNIEFF), à quelques centaines de mètres du mas de Broussan et du Bois des Sources et à 4 km de la zone de protection spéciale (ZPS) site Natura 2000 " Costières de Nîmes ", la commune n'établit pas, ni même n'allègue, que cette proximité nuirait à la protection de ces sites ; que, par ailleurs, la commune ne justifie pas que toute forme d'artificialisation des espaces agricoles devrait être évitée dans cette zone, alors que, comme l'arrêté lui-même le relève, le secteur d'emprise a été identifié dans la charte paysagère et environnementale de l'appellation d'origine contrôlée des costières de Nîmes comme un terroir sous influence urbaine et une zone à potentiel paysager et environnemental en mutation ; qu'ainsi, et alors que le projet s'inscrit, comme il a été dit plus haut, dans une démarche artistique que la commune ne conteste pas, le motif tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut pas légalement justifier la décision en litige ;"

Pour aller plus loin : Solaire : légalité du refus de permis de construire un hangar avec panneaux (CAA Marseille, 12 novembre 2013)Solaire : "lien évident avec l'agriculture" de serres photovoltaïques en zone NC du POS (CAA Nantes, 25 octobre 2013)Solaire : conditions d'implantation d'une centrale au sol en zone agricole et en zone littorale (CAA Bordeaux, 4 février 2013)La production d'énergie solaire est compatible avec l'activité agricole (CAA Bordeaux, 4 février 2012)Solaire : la pose des panneaux solaires fait-elle perdre sa vocation agricole à un hangar ? (CAA Marseille, 7 décembre 2011)Solaire : la loi littoral et le caractère agricole d'une zone sont opposables aux projets de centrales au sol (TA Montpellier, 24 février 2011)

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