Magazine Livres

Le Parisien – La Poste fâche le monde du livre

Par Dedicaces @Dedicaces
Mer (Loir-et-Cher). Editeurs et libraires protestent contre la nouvelle tarification des colis qui grève leur budget expédition. Des négociations sont en cours entre le ministère de la Culture, les éditeurs, les libraires et la Poste. (Andia.fr/Norsic.)

Mer (Loir-et-Cher). Editeurs et libraires protestent contre la nouvelle tarification des colis qui grève leur budget expédition. Des négociations sont en cours entre le ministère de la Culture, les éditeurs, les libraires et la Poste. (Andia.fr/Norsic.)

© Le Parisien – Ce sont trois petits centimètres de rien du tout qui ont semé la discorde entre la Poste et le monde de l’édition. Depuis le mois de janvier, l’entreprise a changé ses règles de tarification : tout envoi dépassant 3 cm d’épaisseur (ou pesant plus de 3 kg) doit être affranchi au tarif Colissimo, soit entre 5 et 10 € en moyenne. Cette nouveauté signe la fin d’une époque de tolérance.

Jusqu’alors, les postiers fermaient les yeux lorsque les clients glissaient livres, CD et d’autres petits objets dans des plis classiques affranchis au tarif lettre nettement plus doux. Mais voilà, confronté à la baisse du volume du courrier, la Poste s’est mise en quête de rentabilité. L’entreprise met en avant que cette nouvelle offre est « plus simple, plus souple, plus lisible »… Pas convaincant aux yeux des clients, à commencer par ceux du secteur du livre, objet qui bien souvent dépasse la nouvelle norme.

« Avec cette mesure, la Poste, sans vraiment le vouloir, grève le budget de toute la chaîne du livre »

« Un livre de plus de 3 cm d’épaisseur ne peut plus être envoyé en tarif normal ! Ecrivons maigre ! » s’indigne l’auteur du « Zèbre », Alexandre Jardin, sur son compte Twitter. « Avec cette mesure, la Poste, sans vraiment le vouloir, grève le budget de toute la chaîne du livre avec des coûts postaux annuels qui passent parfois de 30 000 à 50 000€ », constate Sabine Wespieser, responsable d’une maison d’édition.

« Mais pourquoi donc 3 cm, s’interroge de son côté l’éditeur Philippe Robinet. En Allemagne, ils fixent le seuil à 5 cm et tout le monde est content ! Avec cette règle, n’oublions pas le vrai sujet, ajoute-t-il, le particulier qui paye aussi plus cher ! »

Résultat : nombreux sont les professionnels qui optent pour un concurrent. « Avec près de 25 000 exemplaires à envoyer chaque année, ça nous ruine ! On passe donc désormais par une société privée de coursier qui facture le livre 2,75 € contre 9,67 € pour la Poste », confie la responsable financière d’un petit éditeur.

Sans parler des autres perdants de cette nouvelle tarification : les libraires indépendants, plus que jamais défavorisés par rapport aux géants Amazon ou la Fnac, qui ont — eux — les reins assez solides pour obtenir des tarifs négociés avantageux (voir ci-dessous). L’affaire des 3 cm est remontée jusqu’à la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, et jusqu’au président du Centre national du livre (CNL), Vincent Monadé. Tous les acteurs se sont réunis fin février au ministère. Après négociations, un système de code-barres standard à coller sur chaque envoi de livre hors vente qui permet de profiter à nouveau du tarif lettre a été proposé aux éditeurs… mais pas aux libraires. « La Poste a fait un pas vers nous. La négociation est toujours en cours », admet Sabine Wespieser.

D’autres confient qu’en autorisant cette exception, la Poste redoute désormais « l’ouverture d’une brèche » pour les autres professionnels. Au ministère comme à la Poste, on ne veut plus entendre parler du foin autour des 3 cm. « Une solution a été trouvée », assure-t-on, laconique, à la Poste.

Amazon épargné

La règle des trois centimètres d’épaisseur ne s’applique pas à Amazon. Le géant de la vente en ligne dispose, il est vrai, de sérieux arguments : il est le premier client de la Poste. Il représente à lui seul près de 10 % du chiffre d’affaires de ColiPoste. Cette position de force lui permet de négocier au plus serré ses tarifs. Pas simple pour la Poste qui doit rester le plus compétitive possible pour conserver ce client incontournable.

Menaces à l’appui

D’autant qu’Amazon sait mettre la pression. Il menace régulièrement d’acheminer lui-même ses colis. En 2014, la multinationale a ainsi racheté 25 % de Colis Privé, une petite entreprise de livraison de colis à domicile. De quoi donner des sueurs froides à la Poste. D’autant que Jeff Bezos, le PDG d’Amazon, affirme qu’il espère réaliser des livraisons par drones dans les prochaines années. Une concurrence de taille en perspective pour les facteurs.


Classé dans:- Édition

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Dedicaces 37880 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine