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brigade allemande prise au piège

Publié le 26 avril 2015 par Dubruel

~~ d'après LES PRISONNIERS de Maupassant

Devant sa maison forestière, Une jeune femme coupait du bois sur une pierre. De l'intérieur, une voix cria : -" Nous sommes seules ce soir, Léa. Faut rentrer, v'là la nuit, Y a p't-être bien Des loups et des Prussiens Qui rodent par ici."

-" J'ai fini, M'man. Me v'là, me v'là. " Elle rentra ses fagots et les entassa À côté de la cheminée. Puis elle ferma la porte et les volets. Sa mère lui dit : -" J'aime pas quand l' père est dehors. Deux femmes, ça n'est pas fort. " Sa fille répondit : -" Oh ! j' tuerais ben Un loup ou un Prussien ! " Et de l'œil, Léa montrait le revolver Suspendu au mur par un crochet de fer, Une arme achetée par son mari, Noël, Juste avant d'avoir été incorporé.

La ville voisine, Rethel, Était une place forte perchée Sur un rocher Où les habitants Résistaient aux Allemands. Ils avaient acheté des fusils, Formé des compagnies... C'étaient des boulangers, bouchers, épiciers, Avoués, menuisiers, merciers... Quand le forestier s'y rendait, Par crainte des loups, il emmenait Ses deux molosses à gueule de lion Et recommandait À sa femme et sa fille de se barricader Dans la maison. La jeune n'avait peur de rien Pas même des Prussiens. Mais la mère répétait : -" Tout ça finira mal, Tu verras, ça finira mal... Sais-tu à quelle heure Doit rentrer ton père ? " -" Quand il va à Rethel, il ne rentre guère Avant neuf heures. "

Soudain, on frappa À la porte, Et une voix forte cria : -" Oufrez ! oufrez ! ou che gasse la borte ! " -" Qui êtes-vous ? " -" Che suis un tétachement allemand. " -" Que voulez-vous ? " -" Che suis berdu avec mon tétachement. " La jeune femme ouvrit et vit les huit soldats Que, la veille, elle avait aperçus. Elle prononça d'un ton résolu : -" Que venez-vous faire ici à cette heure-là ? " -" Ché regonnu fotre maison dans le noir. On n'a rien manché tepuis ce matin. " -" Mais... je suis seule avec maman, ce soir. " -" Za ne fait rien. Fous nous tonnerez du pain. Nous tombons de fatigue et nous afons faim. "

Léa recula d'un pas : -" Entrez. " Les soldats exténués Posèrent leurs casques et leurs armements. Léa leur dit : -" Maintenant Asseyez-vous et servez-vous. " Elle alla refermer les verrous, Souleva la dalle de pierre Recouvrant l'accès du petit escalier Qui mène à la cave et descendit tirer Trois cruches de bière. Après avoir fini de manger, Les soldats s'endormirent tous les huit. Les femmes montèrent se coucher, Fermèrent leur porte à clef Et ne firent plus aucun bruit.

Depuis longtemps les Prussiens dormaient Quand Léa tira trois coups de revolver. Aussitôt les soldats se dressèrent. Puis la mère parut nu-pieds, l'air affolé : -" V'là les Français. Ils sont au moins deux cents. S'ils vous trouvent ici, Ils vont vous tuer et nous également. Descendez dans la cave. Et faites pas de bruit. -" Che feux pien. Par où tescendre ? ...Ici ? Ya, pien. "

À peine le dernier Prussien se trouvait-il en bas, Que Léa rabattit la dalle, la boucla De deux tours de clé Et se mit à rire, d'un rire sournois et muet Avec une envie folle de danser Au-dessus des têtes des prisonniers. Elle refit de la soupe en murmurant : -" Le père s'ra fatigué en rentrant. "

Puis il lui sembla qu'on conspirait Sous ses pieds. Un Prussien remontait le petit escalier. Il heurta la trappe : -" Oufrez ! " Imitant l'accent Allemand, Léa cria : -" Che n'oufre bas ! " -" Che gasse la vermedure si fous n'oufrez pas. " Elle répondit: -" Casse, Mon bonhomme, casse ! "

Quand le père de famille rentra enfin. Léa l'avertit : -" J'ai enfermé dans la cave Huit Prussiens. " Il demanda, surpris : -" Des Prussiens dans la cave ? " Léa raconta ce qui s'était passé, Comment elle les avait effrayés Avec des coups de pistolet, Puis, dans la cave, enfermés. -"

Mange la soupe, papa, et après, Va quérir la milice. Elle les fera prisonniers. " Une heure et demie après. Vingt-cinq miliciens Garrotaient les huit Prussiens. Le forestier fut décoré.


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