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[Critique] GOOD KILL

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] GOOD KILL

Titre original : Good Kill

Note:

★
★
★
½
☆

Origine : �États-Unis
Réalisateur : Andrew Niccol
Distribution : Ethan Hawke, Bruce Greenwood, Zoë Kravitz, Jake Abel, January Jones, Dylan Kenin…
Genre : Drame
Date de sortie : 22 avril 2015

Le Pitch :
Ex-pilote de chasse, le Commandant Tommy Egan pilote des drones au dessus de l’Afghanistan depuis une base militaire près de Las Vegas. Charger d’éliminer des cibles désignées par ses supérieurs, il ronge son frein, en espérant une nouvelle affectation qui lui permettrait de retourner dans les airs, au plus près des zones de conflit. Malheureusement, alors que les frappes se font plus nombreuses et que cette potentielle affectation n’arrive jamais, Egan sombre peu à peu dans une sorte de marasme, qui rend sa vie de famille plus que chaotique…

La Critique :
Il fut un temps, Andrew Niccol était considéré comme l’un des réalisateurs les plus doués de sa génération. Un cinéaste également salué pour ses scénarios, comme celui du Terminal, de Steven Spielberg et celui de The Truman Show, de Peter Weir. Sa première livraison, Bienvenue à Gattaca, est depuis belle lurette considérée comme un film culte et son Lord of War a plus ou moins fait l’unanimité. Le truc, c’est que depuis plusieurs années, la critique a pris ses distances avec Andrew Niccol, qui, il faut bien le reconnaître, n’a pas vraiment réussi à retrouver le niveau d’excellence des œuvres qui ont bâti sa réputation. Et cela même si Time Out ou S1m0ne ne manquent pas de qualités (surtout le second d’ailleurs). On passera sur Les Âmes Vagabondes, car pour celui-là, force est de reconnaître le faux pas quasi total. Aujourd’hui, Niccol revient à quelque chose de plus sérieux. De plus tangible et de plus sensible, si on prend en compte le contexte géopolitique dans lequel son dernier long-métrage prend pied. Le tout dans une indifférence polie, aggravée par le fait que Good Kill soit sorti chez nous en même temps qu’un certain Avengers 2.
Cela dit, le sujet de Good Kill -le quotidien d’un pilote de drone chargé d’abattre des cibles à l’autre bout du monde depuis une base à Las Vegas- ne pouvait que lui conférer une certaine urgence et le placer d’emblée dans une dynamique favorable à la verve d’un réalisateur politiquement engagé et bien décidé à ne pas brosser l’Oncle Sam dans le sens du poil pour illustrer son propos.

Good-Kill-Ethan-Hawke-January-Jones

Good Kill ne manquera pas d’évoquer des souvenirs encore très frais, à tous ceux qui ont suivi la quatrième saison de Homeland. Dans cette dernière, Carrie Mathison, le personnage incarné par Claire Danes, commande une attaque de drone sur un bâtiment censé abriter un chef taliban. Dans les faits, c’est sur une famille en train de célébrer un mariage que la bombe s’abat, déclenchant une vague de protestations et remettant ainsi en cause le bien fondé de pratiques inhérentes à une nouvelle sorte de guerre, menée à distance par des hommes confortablement installés dans des bureaux climatisés situés à quelques milliers de bornes des zones de combat. C’est précisément à cela que s’attaque Andrew Niccol. N’ayant pas eu le soutien de l’Armée, il n’hésite pas à aller au front et questionne les fondements de cette guerre 2.0 aux allures de jeu-vidéo. Une comparaison que Good Kill fait clairement à plusieurs reprises, de manière très claire, notamment lorsque Bruce Greenwood accueille à la base les nouvelles recrues, et souligne que la technologie mise en place concernant les frappes de drones fut inspirée en partie par la X-Box de Microsoft. Nous spectateurs, ne savons pas exactement de quoi il retourne, mais le discours de Niccol, ainsi que l’angle de celui-ci, sont on ne peut plus clairs et dénotent d’une volonté d’aller jusqu’au bout d’une réflexion coup de poing.
Le personnage campé par Ethan Hawke synthétise en tout logique toute la problématique du conflit tel qu’il est mené en ce moment même dans les pays visés. Il manie le joystick froidement, verrouille sa cible, appuie sur la gâchette et largue des bombes. Des frappes moins chirurgicales qu’on veut bien nous le laisser croire, aux dégâts collatéraux parfois importants.
Un peu à l’image du protagoniste d’American Sniper, le Commandant Tommy Egan obéit aux ordres et voit peu à peu sa vie de famille partir en vrille, dynamitée de l’intérieur par une pression certaine et par des actes commandés, entraînant des remords et une puissante et dévastatrice remise en question. Là où le discours diffère par contre d’American Sniper, c’est que Tommy Egan ne retire pas de fierté de son travail, qu’il qualifie de lâche et ne cherche pas nécessairement à cacher son mal-être. Pour lui, l’absence de prises de risques quant au fait de bombarder des bâtiments à plusieurs milliers de kilomètres de distance, n’a rien de glorieux. Sa vision de la guerre est « old school ». Tommy Egan n’est pas un pacifiste. C’est un vrai soldat, dévoué à son drapeau, mais profondément frustré, et au final, complètement bousillé de l’intérieur. Une marionnette dont les compétences sont mises à contribution par une hiérarchie lancée dans une déshumanisation totale d’un conflit sourd aux complaintes des innocentes victimes, poussée par des suspicions en forme de frappes préventives.

Andrew Niccol n’y va pas par quatre chemins et là est peut-être le plus gros problème de Good Kill. En chargeant la mule, notamment concernant la CIA, qu’il décrit comme une bande de gros bourrins insensibles et incapables d’un quelconque discernement, il manque d’objectivité. C’est d’autant plus dommage, car la complexité du personnage d’Ethan Hawke, par ailleurs remarquable de sobriété, épaulé par celui incarné par Zoë Kravitz, suffisait à illustrer son propos, sans forcément en rajouter des couches, pour la plupart inutiles à la bonne compréhension de l’ensemble. Le sujet est passionnant, mais son traitement aurait gagné à offrir plus de nuances. À se voir davantage canalisé par un cinéaste moins inspiré et plus unilatéral que lorsqu’il nous assenait un bon direct dans les dents avec son excellent Lord of War. Entre bombardements vus au travers d’un écran, sans son, et scènes de vie de famille, durant lesquelles la rage de cette déclinaison dysfonctionnelle du Tom Cruise de Top Gun, contamine tout l’environnement, Good Kill n’a pas la portée espérée quand il prétend pointer du doigt le fonctionnement d’une guerre, dont il ne revient pas d’ailleurs sur les raisons. Les intentions sont claires mais le traitement beaucoup moins. Et si le long-métrage se focalise sur quelque chose de très sensible, sans se soucier de redorer le blason du pays auquel il s’intéresse, il s’avère parfois trop anecdotique pour convaincre à 100%. La fin, étrangement sabordée, allant malheureusement dans ce sens. Comme si Andrew Niccol n’avait pas su quelle conclusion offrir à son histoire et avait opté pour un dénouement maladroit, un peu indigne de sa démarche.

@ Gilles Rolland

Good-Kill-Ethan-Hawke-Bruce-Greenwood-Zoe-Kravitz
Crédits photos : La Belle Company


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