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Prisonnier mais pas comme les autres

Publié le 02 mai 2015 par Dubruel

~~d'après LE CONDAMNÉ À MORT , de Maupassant

Aux Bains de Mer, Un monégasque tua sa femme Dans un moment de colère. À l'unanimité, La Cour Suprême De la Principauté Le condamna à mort. Il ne restait plus alors Qu'à exécuter le tueur.

Par malheur, Il n'y avait à Monaco Ni guillotine ni bourreau. Suivant l'avis de son Secrétaire Aux Affaires Étrangères, Le Prince s'est adressé Au gouvernement français Pour obtenir le prix de la prestation D'un coupeur de têtes et la location De son engin.

Six mois plus tard, enfin, Paris paracheva La rédaction du contrat Et l'adressait au Prince. Le transport de l'appareil à trancher Et le déplacement d'un praticien compétent Revenait à seize mille francs. Le Prince trouva excessives ces conditions. Seize mille francs pour le cou d'un polisson. L'assassin ne valait point ça !

Alors, il questionna Le roi d'Italie. Une monarchie amie Devrait se montrer moins exigeante Qu'une République, fût-elle décadente. L'Italie fournit un mémoire se montant À douze mille francs. Le Prince serait-il-contraint De puiser autant dans les caisses de l'État ? Non.

Il fera décapiter l'assassin Par un simple soldat. Le général monégasque fut consulté : -" Mes hommes ne sont pas habilités À manier la hache. Ils ne s'acquitteront pas de cette tâche. "

Le Prince convoqua ses magistrats Et leur soumit le cas. Ils délibérèrent Et commuèrent La peine de mort en prison à perpétuité. Mais la Principauté Ne possédait pas de prison. Il fallut construire une maison de détention Et nommer un geôlier Pour garder le prisonnier.

Pendant un an Tout alla parfaitement. Mais les débours liés à l'entretien De la prison et au salaire du gardien Grevaient les Finances trop lourdement. La situation ne pouvait durer plus longtemps. Sa Majesté supprima la charge de geôlier.

Invité à se garder tout seul, le prisonnier Ne manquerait pas de s'évader. Alors, on le fit rentrer chez lui. Le cuisinier du Prince lui portait Sur un plateau, viandes, poissons, Riz, pâtes, biscuits, Fromages, fruits, bouillons... Tout ce qu'il voulait.

Un jour, le maître-queux oublia De lui livrer un repas. Le prisonnier se présenta au Palais Et réclama sa nourriture. Voici la suite de l'aventure : Le criminel fut autorisé À déjeuner et diner Avec les cuisiniers du Palais. On lui permit aussi d'aller Jouer au casino À la condition de s'enfermer à clé Sitôt Qu'il était rentré se coucher.

Comme l'homme n'a jamais découché, Le Prince lui laissa la liberté De sortir de la Principauté, Le prisonnier répondit : -" Altesse, votre faveur me réjouit Mais vraiment Que pourrais- je bien faire Hors de nos frontières Puisque je n'ai pas d'argent ? J'ai été condamné, Vous ne m'avez pas exécuté. Je n'ai rien dit. Vous m'avez imposé la perpétuité. Quand vous l'avez supprimée, Je n'ai rien dit. Aujourd'hui, Vous me chassez de la Principauté. Ah ! Mais non. Je ne suis pas d'accord. Je suis votre prisonnier ! Je reste ici. "

À cette réponse, la Cour fut atterrée Et le Prince n'a pas décoléré. Le condamné Obtint six-cent francs or Pour vivre à l'étranger Jusqu'à sa mort


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