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Pourquoi l’Islande a tourné le dos à l’Union européenne

Publié le 16 mai 2015 par Blanchemanche
#Islande #UE
Pourquoi l’Islande a tourné le dos à l’Union européenne
©Pixabay/cc/Flickr
L’Islande n’entrera pas dans l’Union européenne (UE) et n’adoptera pas l’euro : Reykjavik a fait savoir officiellement à la Lettonie, qui préside actuellement le Conseil européen, et à la Commission de Bruxelles, qu’elle retirait sa candidature à l’adhésion.« L’Islande n’est plus un pays candidat et demande à l’UE d’agir en conséquence », a indiqué ce courrier, jeudi 12 mars. Vendredi matin, la Commission ne réagissait pas. « Nous examinons le dossier, cela va prendre du temps », commentait une porte-parole de Federica Mogherini, la haute représentante et vice-présidente de la Commission.Bruxelles ne voit pas d’un bon œil ce retrait, qui est un signal plutôt négatif et dénote de la perte du pouvoir d’attraction de l’ensemble communautaire, ainsi que de la monnaie unique. La décision islandaise n’est toutefois pas une totale surprise : le gouvernement de centre droit, qui a été mis en place en 2013, s’était engagé à mettre fin au processus commencé en 2009 par la coalition de gauche alors au pouvoir.

En six ans, l’UE a perdu son pouvoir d’attraction

La démarche enclenchée à l’époque avait été rapide en comparaison au sort réservé à d’autres candidats comme la Serbie, la Turquie ou la Bosnie. Les négociations ont démarré dès 2010 au niveau ministériel et, en théorie, l’Islande était promise à devenir le 29membre de l’UE, après la Croatie, intégrée en 2013. Son dossier apparaissait comme plus simple, plus favorable, voire plus logique puisque le pays avait déjà intégré quelque 70 % de la législation européenne.Les dirigeants et l’opinion, terrassés par la crise financière et bancaire qui avait mis à mal les institutions du pays, considéraient l’Europe comme une bouée de sauvetage. Et une entrée dans l’euro comme un remède à la dépréciation de la couronne, qui avait perdu jusqu’à 50 % de sa valeur au plus fort de la crise d’un secteur bancaire hypertrophié, dont l’effondrement avait fait des victimes dans de nombreux pays. La faillite de la banque Icesave, en 2008, avait notamment touché des milliers de Britanniques et de Néerlandais.La classe politique avait été vivement critiquée pour avoir négligé les mises en garde des pays scandinaves et de la Grande-Bretagne quant à la disproportion entre la taille du pays (320 000 habitants) et celle de ses banques. Dans un rapport dévoilé en 2010, une commission d’enquête parlementaire avait dénoncé« l’extrême négligence » de l’ancien premier ministre conservateur, Geir Haarde, et de l’ex-gouverneur de la banque centrale, David Oddsson.C’est un gouvernement de gauche, dirigé par Johanna Sigurdardottir, qui allait devoir apurer les comptes, accepter un plan de rigueur du Fonds monétaire international, gérer les créances extérieures et redresser une économie malade.Lire aussi l’entretien avec Sigmundur David Gunnlaugsson « Intégrer l'UE serait incompatible avec certains intérêts fondamentaux de l'Islande »Le pays, qui cultivait fièrement son indépendance et mettait en avant son « miracle économique » et son confort de vie presque inégalé – attesté par une première place au palmarès mondial du développement humain en 2009 –, était contraint de changer radicalement de cap. Aujourd’hui, son produit intérieur brut reste inférieur à celui de 2008 et il a du mal à intégrer sur le marché du travail ses nombreux jeunes diplômés.Dès mars 2010, les électeurs avaient envoyé un signal en rejetant massivement, lors d’un référendum, un projet d’accord financier avec Londres et La Haye pour le règlement de la dette d’Icesave.

Le camp des eurosceptiques renforcé

Ce résultat aboutissait, de fait, à remettre en question la candidature à l’UE. Depuis, les difficultés d’une série de pays, dont la Grèce, ont fait réfléchir les Islandais.La perspective d’un abandon de l’euro par Athènes, qui n’est officiellement pas souhaitée par les dirigeants européens mais n’est pas exclue, ainsi que la promesse d’un référendum au Royaume-Uni, sur le maintien ou non dans l’Union, ont renforcé le camp eurosceptique. Une vague nationaliste a même déferlé sur le pays.La population est également focalisée sur la question des quotas de pêche et la « guerre du maquereau », qui oppose Bruxelles et Reykjavik. La présence de l’Islande au sein de l’Association européenne de libre-échange et de l’Espace économique européen lui permet d’exporter le produit de sa pêche sans barrières tarifaires.Mais un conflit est apparu en 2010 quand l’Islande a décidé, contre l’avis de la Commission, de relever ses quotas de pêche. Les pressions de Bruxelles sur le pays pour le forcer à revoir sa politique ont favorisé le rejet du projet d’intégration.Lire également : L'Islande a sauvé ses pêcheursAvec un taux de chômage redescendu à 3 %, un tourisme en plein boom et des dettes sur les biens immobiliers des particuliers en partie effacées, le pays estime ne plus avoir besoin de l’Europe. Il se contentera de rester membre de l’espace sans passeport de Schengen et de l’OTAN.
LE MONDE ECONOMIE | 13.03.2015
Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen) 
Journaliste au MondeCécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen) 
Correspondante à Bruxelles
http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/03/13/pourquoi-l-islande-a-tourne-le-dos-a-l-union-europeenne_4592997_3234.html

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