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Le péage urbain, épouvantail politique ?

Publié le 15 juin 2007 par Jean-Paul Chapon

Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, a annoncé ce matin son intention de mettre en place un service de voitures non polluantes en libre-service à Paris. Pourquoi pas, ça a au moins le mérite de montrer que l’usage de la voiture est parfois utile même si je trouve cette idée étonnante, car un tel service va ajouter des voitures et non remplacer des plus polluantes par des moins polluantes… Si j’ai déjà une voiture, je ne vais pas en louer une. Si j’en ai pas, je vais en louer une au lieu de prendre les transports en commun…

Plus sérieusement, à l’occasion de cette annonce, le maire de Paris a de nouveau été interrogé sur la question du péage urbain. 20 minutes rapporte sur son site les propos de Bertrand Delanoë :  «si nous faisons payer l'entrée de Paris aux habitants de banlieue, nous faisons une faute politique et psychologique grave». En revanche, le maire de Paris s'est dit «favorable à l'idée de faire payer des autoroutes qui sont dans l'agglomération parisienne et aux poids lourds». «Cette idée n'est pas mûre» conclut Delanoë.

Bertrand Delanoë ne serait-il capable que de raisonnement en mode binaire ? C’est blanc ou c’est noir ! C’est Paris ou c’est pas Paris. Pourquoi le péage devrait-il être aux portes de Paris. Ne pourrait-on pas enfin penser avec son cerveau plutôt qu’avec ses perspectives électorales dans le cadre institutionnel dépassé de l’agglomération parisienne ?

Dans deux notes récentes*, Paris est sa banlieue était revenu sur la question du péage urbain, qui sans être LA solution, fait partie des pistes à explorer, mais avec pragmatisme et pas selon le seul découpage  électoral : le péage urbain s’il doit être instauré, doit l’être là où il est utile. La zone concernée pourrait ainsi très bien enjamber les limites administratives. Pourquoi pas un péage allant du 8ème-9ème arrondissements à la Défense, via l’axe Maillot-Neuilly ?

D’autre part, péage urbain ne signifie pas automatiquement droit d’entrée, et si l’on prend la solution de Londres, il s’agit surtout d’un droit de circuler dans la zone, qui touche aussi ses habitants qui doivent acquitter un droit, certes réduit de 90%, mais un droit tout de même, psychologiquement et politiquement lourd quand il s’agit d’électeurs…

Enfin Delanoë toujours si prompt à en appeler à la solidarité avec le reste de l’agglomération pour le logement social ou logement d’urgence (je l’invite à venir visiter les immeubles de l’OPAC 75 disséminés dans les villes de banlieue), est bien généreux avec le porte-monnaie des banlieusards qu’il veut faire payer sur les « autoroutes qui sont dans l’agglomération parisienne » ! Le maire de Paris devrait sortir plus souvent de Paris intra-muros et se rendre compte que ces autoroutes, sont bien souvent les seuls moyens de déplacements efficaces pour les banlieusards. La voiture n’est pas un mode de déplacement gratuit. Il a un coût, amortissement de la voiture, assurance et bien sûr essence. Alors pourquoi vouloir ajouter un péage, lorsqu’il n’y a pas d’offre de solution alternative ? Si je prends ma voiture pour aller de Fontenay-sous-bois à Créteil en utilisant l’A86, c’est parce qu’avec les transports en commun, je dois changer deux fois dans Paris intra-muros. Et je ne parle pas des bus incompatibles avec un aller-retour en un temps raisonnable.

Un dernier point, on peut considérer comme le fait Yves Crozet dans Pouvoir locaux **, qu’il y a déjà un péage à Paris, « un péage temporel qui réduit les voieries et rend le stationnement plus difficile ; non pas un péage de congestion, mais un péage par la congestion. »  On peut aussi voir l’initiative du maire de Neuilly, l’UMP Louis-Charles Bary, rapportée hier par le Parisien, qui veut instaurer le stationnement payant « pour que Neuilly ne devienne pas le garage des communes qui l’entourent », et viennent profiter d’un stationnement gratuit pour prendre les transports en commun et se rendre à Paris.

Alors oui, pourquoi ne pas étudier la solution du péage urbain, qui aura l’avantage de dégager des crédits pour les transports en communs, mais faisons-le avec une vision globale de l’agglomération parisienne, de façon solidaire et non pas égoïste , et surtout d’une façon qui dépasse son seul petit intérêt électoraliste.

*Péage urbain, péage social ou péage électoral ?
*Péage, régression sociale ?

** Transport et mobilité durable en Ile-de-France : enjeux et issues, Yves Crozet Professeur à l’université de Lyon, Directeur du Laboratoire d’Economie des Transports - LET-ISH
Pouvoirs Locaux, les cahiers de la décentralisation, numéro 73 - mai 2007


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