Nuits tranquilles a belem

de Gilles Lapouge
Roman - 160 pages
Editions Arthaud - mai 2015
Un homme, se rendant à Belém, dans l'état brésilien du Pará  à l'estuaire de l'Amazone, est immédiatement identifié par un gamin comme étant son propre père enfin de retour au foyer familial. Si étrange que cela puisse paraître, notre voyageur décide de jouer le jeu, et d'incarner le rôle de ce père revenu. Il se laisse attribuer un nom et un passé qu'il ne connaît pas, et se met à vivre un présent qui semble lui plaire, aux côté du petit Ricardo, et de l'imposante Maria de Lurdes, sa "nouvelle femme d'antan", qui a beaucoup à lui reprocher.
Tranquille. Tranquillement se laisser porter. Doucement se remémorer les accents et les climats brésiliens, s'imaginer l'espièglerie d'un garçon, et l'indolence des gens. Et se laisser transporter, comme dans un "Cent ans de solitude", frisant avec un surréalisme poétique. On doit dénouer le vrai du faux, le rêve du récit, et on y parvient. Et sans peine, avec la musique de la plume de Gilles Lapouge, on se délecte, avec sourire et malice, de cette fable loufoque mais si touchante qu'on la souhaite bien réelle. L'adoption d'un père par son fils, une nouvelle vie à se réinventer en urgence, en interagissant avec un nouvel entourage et en se créant un nouveau passé.
Extrait :"Chaque soir déboulaient dans la maison de M. Marboni les amis de ma femme et des voisins, car le Brésil est un pays où il y a énormément de voisins et, après quelques jours, l'odeur des feuilles de tabac et les odeurs de pluie dans les arbres, les allées et venues, les rires, les cris, les aboiements de ce chien mince comme si l'avait découpé dans une feuille de papier, ou plutôt une feuille d'étain, tout prenait forme de souvenir, et je me disais que tant mieux. C'était une bonne nouvelle : si je voulais me glisser dans ce type, dans le père de Ricardo qui était allé chercher de l'or en Guyane, je devais aussi donner abri à mes souvenirs. Un homme sans souvenirs, c'est rien du tout, c'est une bulle de savon."
Avec humour, on suit celui qui devient Luis Carlos dans son quotidien, son boulot au marché aux poissons, puis ses efforts pour comprendre avec patience les assauts colériques de Maria de Lurdes, femme qui l'inquiète mais l'attire tout autant. Histoire d'une reconquête, et histoire d'une liberté. Et la fin du roman réserve une surprise de taille à ses lecteurs. Roman court, réussi, attachant et efficace, qui aura su me convaincre, quand il a laissé d'autres lecteurs sur le bord du chemin.
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