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Cannibal - 2006 (Mangez, ceci est mon corps)

Publié le 24 mai 2015 par Olivier Walmacq

Cannibal_-_Aus_dem_Tagebuch_des_Kannibalen

Genre : drame, trash, gore (interdit aux – 18 ans)
Année : 2006
Durée : 1h29

L’histoire : Tiré d’un fait divers qui s’est déroulé en 2001, dans la ville allemande de Rotenburg. Un homme passa une annonce sur internet à la recherche d’une personne à dévorer. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il reçut une réponse positive d’un volontaire. Ce film retrace leur histoire et le parcours abominable du cannibale dans la quête de possession absolue.

La critique :

Le cinéma underground européen se porte bien, merci pour lui. Jean-Louis Costes en France, Edwin Brienen aux Pays-Bas, Kasper Juhl au Danemark et surtout, Marian Dora (digne héritier de Jorg Buttgereit) en Allemagne, en font les beaux jours sur le vieux continent. Dora s’est taillé d’ailleurs une solide réputation auprès des amateurs de films extrêmes. Avec un style reconnaissable entre mille (musique lyrique, couleurs verdâtres, lenteur de l’action snuff animalier), il allie avec un talent certain, une poésie macabre et des images d’une cruauté absolument saisissante de réalisme.
Son film le plus connu, Melancholie Der Engel, apparaît parfois sur le net, vers les sommets des classements sur les films ls plus trash jamais réalisés. 
Et son monstrueux (et rarissime) Debris Documentar, lui, est très souvent cité en tête. C’est clair, Marain Dora ne fait pas dans la dentelle. Cannibal se situe dans la lignée de cette filmographie si particulière.

L’effroyable histoire d’Armin Weis, le cannibale de Rotenburg, a fait l’objet de deux transpositions au cinéma. En 2010, sortait sur les écrans Grimm Love : Confessions d’un Cannibale, un film de médiocre qualité et facilement oubliable. Mais déjà, cinq ans plus tôt, Marian Dora s’était intéressé à ce fait divers qui avait traumatisé tout un pays, avec une œuvre d’un tout autre calibre. L’underground confidentiel (pléonasme) dans lequel évolue Dora n’a pas permis à un large public de comparer les deux films, mais il n’y a pas photo.
Niveau gore réaliste et trash décadent, Cannibal, c’est la grosse pointure.
Cependant, pour voir arriver ces scènes cruelles et insoutenables, il faudra patienter 45 bonnes minutes. En effet, le réalisateur prend son temps pour installer l’action et préparer le spectateur à l’horrible spectacle qui va inéluctablement se produire.

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Attention, SPOILERS ! Un homosexuel solitaire et névrosé se met en quête d’un partenaire. Irrésistiblement attiré par la mort sous toutes ses formes, il passe ses soirées à mettre des annonces sur internet. Son but ? Trouver une personne consentante qui veuille bien se faire dévorer en procédant à la célébration quasi christique d’un amour absolu. La première partie du film nous présente l’homme dans sa vie de tous les jours, son quotidien insignifiant de banalité.
Tandis que ces premiers rendez-vous avec des inconnus sont des échecs, un homme se présente alors comme volontaire à cet acte abominable. Les deux hommes entament alors une relation physique et quasi fusionnelle. Tout d’abord romantique et passionnée, la liaison va dégénérer en une passion extrêmement violente. Après avoir longuement hésité, ils se mettent d’accord pour procéder au sacrifice ultime du volontaire.

Il sera tué, dépecé et dévoré par son amant lors d’un banquet où il assistera d’une certaine manière puisque sa tête tranchée sera disposée sur la table, parmi les plats composés de ses propres entrailles. Si Lucio Fulci était le poète du macabre, Marian Dora, lui, mériterait sans conteste le surnom d’esthète du morbide. Le réalisateur allemand n’a pas son pareil pour proposer des scènes insoutenables avec en filigrane, cet univers poétique qui fait sa marque de fabrique.
Que les choses soient claires : Cannibal est un film extrême. Pourtant, au début, le film s’apparente plus à une romance gay qu’à un véritable film d’horreur. On peut y voir, notamment, les deux acteurs jouer tous nus à la pétanque dans un champ ( !), ou se livrer à des ébats fougueux accompagnés, en fond sonore, de hennissements chevalins (!!). Par la suite, l’action bascule vraiment dans l’horreur pure avec une tentative d’arrachage de pénis avec les dents, puis avec une castration effroyable de réalisme.

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Le film flirte donc allégrement avec la pornographie, ce qui n’aura pas perturbé pour autant Carsten Frank, acteur fétiche de Dora qui avait déjà donné à l’acteur de sa personne dans Debris Documentar. Quant à l’acte final de cannibalisme, il est évidemment montré en gros plans et ne nous épargne aucun détail dans le processus de dépècement. Si Cannibal relate avant tout un horrible fait divers entre deux êtres pervers, le réalisateur ajoute également à l’histoire une forte dimension psychologique sur le thème de la possession. Mais une possession obsessionnelle, l’ivresse du pouvoir de vie et de mort, le sentiment de toute puissance sur autrui. Entre le dominant et le dominé, le jeu d’asservissement sera total et sans nulle issue que l’acte de domination : le cannibalisme.
Le cas du protagoniste qui se fait dévorer pourrait s’apparenter à une preuve d’amour ultime, tel le Christ envers ses disciples. « Prenez et mangez, ceci est mon corps ».

La seule différence (mais elle est de taille) avec l’acte artificiel du Christ, c’est que le désespéré, lui, va participer à la consommation physique de son propre corps. En effet, en compagnie de son amant, il dévorera son pénis, fraîchement mutilé, lors d’un « repas » au cours duquel il perdra beaucoup de sang et l’essentiel de ses forces. Comme Jésus lava les pieds de ses apôtres, le cannibale fera prendre un bain à sa future victime, comme pour procéder à une purification plus spirituelle que corporelle.
Marian Dora établit donc un curieux et malsain parallèle entre ce fait divers odieux et l’un des passages les plus connus de la Passion du Christ (le récit de l’Evangile, pas le film de Mel Gibson !). En ce sens, Cannibal est un film qui s’approche nettement du scabreux, pour ne pas dire du scandaleux. Si la réalisation, tout en lenteur et en poésie, atténue quelque peu la violence des images (c’est en cela le grand talent de Marian Dora), on ne voit pas des films pareils tous les jours.

Le spectateur non avisé, après avoir été déstabilisé par le style unique de Dora, risque bien d’être pris de nausées devant le spectacle du sacrifice qui dure, à lui seul, trois bons quarts d’heure. Cette œuvre paroxystique est donc à réserver à un public particulièrement averti. Pour les autres, impasse fortement conseillée !

Note : ?

TumblingDollOfFlesh
 Inthemoodforgore


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