Magazine Culture

Tiphaine Rivière, Carnets de thèse (2015)

Par Ellettres @Ellettres

these-1Pour ponctuer mon silence bloguesque de quelques bafouilles – et ce silence ne va pas s’arranger étant donné que j’ai rajouté « Autant en emporte le vent » à mes lectures du jour – je vais parler de cette BD découverte récemment : Carnets de thèse.

Alors forcément ça me parle, parce que j’en fais une, de thèse. Et c’est ce point commun qui dès le départ m’a donné envie de lire la BD. Ça, et le blog truffé d’humour de l’auteur-dessinatrice, Tiphaine Rivière « Le Bureau 14 de la Sorbonne« . Cherchez le strip du vieux prof sorbonnard confronté à la « génération Y » (c’est-à-dire les jeunes nés entre 1980 et l’an 2000) et vous verrez !

L’histoire suit donc le parcours de la jeune Jeanne Dargan, ex-prof de lettres en collège ZEP devenue thésarde non financée à la Sorbonne. On aime les situations croquées sur le vif : le directeur de thèse qui expédie ses 25 doctorants à coup de phrases toutes faites, le face-à-face avec la kafkaïenne secrétaire du bureau des thèses (Jeanne fait une thèse sur « le motif labyrinthique dans la parabole de la loi de Kafka »), les séjours au rez-de-jardin de la BNF (un autre « château » typiquement kafkaïen), les TD de littérature médiévale pompés dans le Que-sais-je, et les proches de Jeanne qui ne comprennent pas vraiment ce que veut dire faire une thèse de lettres…

thèse2

Tout ça sent bon le vécu, et pour cause : Tiphaine Rivière est une ancienne doctorante de la Sorbonne elle-même, fraîchement reconvertie dans le dessin !

Certaines situations font hurler : les TD qui ne seront jamais payés (ça a vraiment eu lieu ce scandale Tiphaine ?!), le manque de suivi de doctorants livrés à eux-mêmes et qui finissent souvent en totale perte de repères (voir les têtes « avant/après » la thèse : l’anti-lifting à coup sûr !).

L’humour, très fin, est omniprésent. Mais c’est un humour doux-amer : telle une mante religieuse, la thèse a fini par pomper toute la vie sociale, affective et culturelle de la pauvre Jeanne. Elle justifie que l’on parle d’une prolétarisation de certains doctorants. Certes, les situations ne sont pas toutes équivalentes : la  BD pointe notamment la situation des doctorants en sciences « dures » est plus enviable car ils sont mieux payés et mieux reconnus. Et puis il y a « Justine Marthe », la doctorante qui fait mieux que tout le monde : normalienne, agrégée, allocataire-monitrice et des dents qui rayent le parquet…

On voit assez souvent les personnages affalés sur leur sofa ou leur lit, à demi-nus ou en pyjama, voire prenant leur douche. Je ne sais trop pourquoi, si ce n’est pour introduire une touche insolite.

castafiore

La nudité dans la BD : un concept analytique ? ;-)

Jeanne m’a énervée vers la moitié de la BD, quand commence sa déchéance (prévue) : elle se pose trop en « victime » face aux difficultés, elle est trop négative, trop à couper les cheveux en quatre… Elle concentre les maux des doctorants. Est-ce un effet voulu ? Tous les thésards s’identifieront peu ou prou à elle (à travers les galères du financement de thèse, les relations avec le directeur de thèse, adoré ou abhorré, les rivalités internes, le sentiment de solitude mais aussi l’exaltation, la passion pour un sujet auquel pas grand monde s’intéresse…) mais fort heureusement tous n’en sont pas à creuser le fond comme elle. Son cas sert à se rassurer : « ouf, je ne suis pas en train de devenir alcoolique ni maniaco-dépressif ». Ceux qui sont tentés par une thèse y réfléchit peut-être à deux fois (ou dix, ou vingt).

La question que tous se poseront en revanche c’est : suis-je plutôt Jeanne ou plutôt Justine ? ;-)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Ellettres 586 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines