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Bien se garde chacun !

Publié le 25 mai 2015 par Lommedesweppes
Au Moyen Âge, dans la bonne ville de Saint-Omer, c'étaient les gros marchands qui faisaient la loi économique et sociale. Et gare à celui qui voulait y mettre son grain de sel et remettre en cause leur suprématie et leurs règles. Lisez plutôt ce qu'ils firent édicter en 1283 dans la législation échevinale :
"Que nul ne se mêle des métiers sauf ceux qui sont ou seront nommés par échevins et qui ont juré, sous peine d'être pris partout et enfoui tout vif ; et qui en serait convaincu par témoins ou par enquête on en fera justice de nuit. Bien se garde chacun."
En résumé, celui qui oserait se mêler de ce qui ne le regarde pas serait enterré vivant, de nuit. Délicieuses moeurs de l'époque !
Aujourd'hui, un autre dossier que l'on dissimule à notre regard, ou que seuls quelques courageux osent remuer de temps à autre pour le porter à notre connaissance et le faire sortir des ténèbres opaques dont on l'entoure tout spécialement, c'est celui du dossier TAFTA, le traité de libre échange économique entre les Etats-Unis et l'Europe, négocié dans le plus grand secret entre le gouvernement américain et les institutions européennes idoines.
Une des clauses les plus controversées, c'est l'institution des tribunaux arbitraux, chargés de trancher les litiges entre les entreprises privées et les Etats. L'idée, c'est de confier à des "spécialistes", avocat d'affaire généralement, le droit de statuer en cas de réclamation. Le problème, il est double. D'abord, ses membres sont tout sauf des gens démocratiquement désignés, et en plus, vu leur "spécialité", il y a fort à parier qu'ils seront payés par les entreprises qui y auront intérêt. Inutile de dire dans ce cas de quel côté penchera la balance ! Car là est bien le problème : les décisions rendues seront contraignantes et pourront obliger les Etats, de manière totalement anti-démocratique, à réécrire leur législation de manière totalement libérale. Les exemples possibles ? Ils sont légion, puisqu'il s'agira de ne plus contrarier le capitalisme triomphant, même en mettant en danger nos droits, nos besoins et notre vie !
Par exemple on pourra demander :
- le retour de la retraite à 65 ans
- le droit d'utiliser des produits cancérigènes dans les pesticides ou l'alimentation
- le droit de semer de l'OGM à tout va
- le droit d'utiliser la fracturation hydraulique pour extraire le gaz de schiste
- le droit de privatiser entièrement le système de santé
- le droit de bourrer nos boîtes mail et nos pages internet de publicités intrusives
- le droit de etc, etc, etc...
Et nous, notre droit dans tout cela ? Juste celui de la fermer et de subir ! Même si nous ne sommes pas d'accord. Alors sachons redresser la tête et oser dire ce que nous avons à dire, comme par exemple comme le firent les Gantois le lundi 29 juin 1467 devant le nouveau et dernier duc de Bourgogne Charles le Téméraire, lors de sa "Joyeuse entrée". C'est vrai qu'il y avait un contentieux entre la ville de Gand et son père Philippe le Bon, qui avait conduit à une révolte réprimée. Ce jour là donc, tout ne se passe pas exactement comme prévu. Faisant face à une foule houleuse, il tient un discours apaisant et rassembleur, destiné à endormir le peuple. La partie semble gagnée jusqu'à ce que "un des manifestants les plus audacieux, "ung grand rude villain oultrageux et fier", parvient à grimper à la fenêtre où se tient le duc, "et là venu haussa sa main, qui estoit armée d'un gantelet de noir fer vernissié, et férit ung grand coup sur le bras de la fenestre pour se faire oïr ; et sans porter révérence au prince", il harangue à son tour la foule, à côté du duc et de son entourage médusés : "Vous, mes frères, là, en bas", que voulez-vous ? Le châtiment des voleurs (les échevins), la fin de la cueillotte (impôt ducal vexatoire), la réouverture des portes de la ville (murées après la dernière révolte), l'autorisation des bannières (interdites après la dernière révolte), et le retour des "anciennes manières de faire". A chaque demande, la foule crie : "Oui ! Oui !" A la fin, il se tourne vers Charles : "Monseigneur, c'est ici en brief pourquoi ces gens là-bas sont icy rassemblés pour vous faire requestre".
Chastellain (chroniqueur) n'en revient pas lui-même, scandalisé par une telle audace, "une oultrageuse et intolérable vilenie commise en la face d'un prince".
Au grand soulagement du duc et de son entourage, l'homme redescend et se perd dans la foule,laissant "le duc et tous les seigneurs tous esbahis de l'outrage du vilain". Le duc promet à la foule de satisfaire ses demandes, puis se retire."
(Georges Minois, Charles le Téméraire)
Recul temporaire, et qui obligera les Gantois à remettre leurs demandes sur le tapis. Comme aujourd'hui d'ailleurs. Il n'est pas inutile de rappeler aux princes qui nous gouvernent que nous restons vigilants et que nous ne voulons pas nous faire manger la laine le dos.
Il suffit d'oser. Mais après tout, "le vrai pouvoir ne se donne pas, il se prend". Alors prenons le. C'est d'abord comme cela que "bien se garde chacun" !

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