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Interview de Laurent MINVIELLE, La Française Global Investment Solutions

Publié le 02 juin 2015 par Sia Conseil
Interview de Laurent MINVIELLE, La Française Global Investment Solutions

Laurent MINVIELLE
Directeur du Contrôle des Risques & Reporting
La Française Global Investment Solutions

SIA PARTNERS :
Le Groupe La Française a beaucoup évolué ces dernières années avec de nombreux partenariats pour devenir un acteur leader de la gestion d'actifs en France avec plus de 48 milliards d'encours. Pouvez-vous nous présenter le Groupe ?

Laurent MINVIELLE :
Le Groupe est un gestionnaire d'actifs multi-spécialiste avec 500 collaborateurs. Il s'appuie sur un actionnariat solide, le Crédit Mutuel Nord Europe, majoritaire, et ses dirigeants et salariés. Il développe 4 pôles d'activité :

  • L'Asset Management global,
  • La Gestion Immobilière,
  • Les Solutions d'Investissement,
  • Le Financement direct, avec en particulier l'activité d'incubation.

Le Groupe se développe et s'internationalise avec sa marque caractéristique et son expertise à conclure des partenariats stratégiques.

Le périmètre des stratégies couvertes est très large depuis ce rapprochement, allant de l'alternatif au Long Only avec des techniques d'incubation diverses, de la prise de participation en capital au partage de revenu.

Le modèle d'incubation s'appuie d'abord sur la sélection drastique de gérants à partir d'un réseau mondial, avec des thématiques d'investissements clairement définies. Ensuite, est mis en place un contrôle précis des investissements, avec en particulier un contrôle des risques indépendant effectué par NewAlpha AM, qui s'accompagne d'un soutien adapté à la société de gestion incubée et d'une aide au développement des actifs.

LM :
La Française Global Investment Solutions a été créée pour renforcer la gamme de produits et de services proposée par le Groupe La Française. Fondée par 3 anciens banquiers d'investissement, son activité repose sur deux principaux piliers. Une activité bancaire, d'une part, autour de l'émission d'EMTN structurés. Une activité de gestion de fonds ouverts ou dédiés, d'autre part.

LFIS est majoritairement détenu par le Groupe La Française, ainsi que par ses fondateurs et ses salariés.

La société de gestion, dont les gérants sont extrêmement expérimentés et techniques, met en œuvre des techniques de gestion alternatives sous forme de fonds UCITS ou FIA. La société est régulée par l'AMF.

Grande fierté pour une société de gestion récente, la gestion Crédit a reçu le prix EuroHedge du meilleur fonds Crédit en 2014.

LFIS a ses propres équipes de gestion, de recherche, d'ingénierie financière et juridique, de marketing et de vente, et bénéficie comme les autres compagnies du groupe d'un support sur la Compliance et le Contrôle interne, l'IT, le back-office, ainsi que les autres fonctions administratives comme la RH, la comptabilité et la finance et les locaux.

LM :
Le cadre des contrôles des risques est donné par le Contrôle interne du groupe qui centralise la relation avec les régulateurs et diffuse les différents règlements, procédures et méthodes que les sociétés de gestion doivent appliquer. Le Contrôle interne supervise directement certains types de risques comme le risque opérationnel et s'assure que les procédures sont bien appliquées.

La société de gestion et son service de contrôle des risques a alors toute latitude pour mettre en place un suivi et un contrôle quotidien des risques des fonds, en particulier le risque de marché et le risque de liquidité.

Schématiquement, mon travail quotidien a trois composantes :

  • L'une consiste à contrôler les risques. Il faut s'assurer que les indicateurs de risques sont produits quotidiennement et les limites respectées. Des états quotidiens sont produits. Un Comité au moins bimensuel avec le CEO se tient avec pour support une analyse de la performance et des risques, un état de suivi des limites et tout dépassement de limite est alors signalé. C'est l'occasion aussi de discuter de certaines positions ou de répondre à des questions. Un Comité mensuel se tient également en présence d'au moins un membre de la Direction générale du Groupe, avec un passage en revue des fonds. Le support que l'on s'efforce de rendre le plus lisible possible est aussi l'occasion de couvrir l'ensemble des aspects du contrôle et du suivi des risques qu'exige la régulation (suivi de la performance, de la liquidité, des stress-tests, etc.) ce qui permet de " démontrer " la qualité du suivi effectué.
  • L'autre est plus de l'ordre de la gestion de projet et peut concerner le lancement d'un nouveau fonds, l'amélioration des méthodes de calcul ou de suivi des risques, l'amélioration ou l'automatisation des reportings, l'analyse et la prise en charge d'un nouveau type de transactions, ...
  • Enfin, mon rôle est aussi de participer au développement de la société de gestion et de répondre aux différentes questions qui peuvent venir aussi bien de contreparties, d'investisseurs, des auditeurs ou, en interne, du Contrôle interne.

Au total, la fonction demande beaucoup de polyvalence, de brasser beaucoup d'informations parfois très techniques mais aussi de la synthétiser, de s'adapter à ses interlocuteurs, de beaucoup communiquer et d'échanger oralement mais aussi par écrit en respectant un certain formalisme. C'est une fonction privilégiée car on a une vision globale de la société de gestion.

LM :
Il me semble qu'en matière de risques la réglementation de la gestion d'actifs était avant crise sans doute moins formaliste que celle des banques. Elle s'est beaucoup enrichie depuis. Y faire face nécessite de mettre en place une organisation solide. C'est devenu une barrière à l'entrée pour les sociétés de gestion. Pour une jeune société de gestion comme LFIS c'est donc un atout d'être adossé à un grand groupe. Pour l'activité d'incubation du groupe c'est une opportunité pour apporter un support face à cette nouvelle contrainte.

LM :
Implicitement la question soulève le problème de l'indépendance de la fonction prônée et imposée par la régulation européenne. Mon expérience, c'est qu'il faut arriver à marier subtilement proximité et indépendance.

Il n'y a pas une organisation optimale, mais des organisations plus ou moins bien adaptées à l'environnement et aux personnes. J'ai tiré de mon expérience quelques principes qui me semblent de bonnes pratiques.

La proximité est très importante. Je ne crois pas aux contrôles sur document en compulsant des chiffres issus de modèles complexes. On risque ainsi de perdre la réalité de l'activité, de rater des informations importantes. De plus, cela peut engendrer des comportements non coopératifs entre Gestion et Risques, avec mise en place de stratégie de " contournement ". La proximité à l'inverse, c'est savoir ce qui se passe plus vite, avant que cela ne se reflète dans les chiffres. C'est aussi créer un cercle vertueux, en apportant rapidement et en amont des solutions aux problèmes et en faisant passer progressivement les " bons " comportements dans la salle de gestion. C'est le plus souvent l'ignorance de certaines règles ou de limites qui peuvent engendrer un problème, même si on doit aussi être préparé à des comportements volontairement transgressifs. Un Risk Manager présent, c'est une personne capable de donner les règles du jeu à tout moment, en particulier à l'instant où la Gestion en a besoin. Quant aux " tricheurs ", ils sont plus faciles à repérer si on est aussi autour de la table.

Sans aller jusqu'à parler d'un syndrome de Stockholm, il peut arriver que le Risk Manager immiscé dans la salle de gestion perde de son indépendance. De plus, c'est toujours plus difficile de dire non que de dire oui. Il faut donc résister à une pression naturelle de tout accepter ou de sous-estimer certains risques. Seul contre tous, le Risk Manager sera à un moment ou un autre fragilisé voire décrédibilisé. J'ai même connu des situations de violent rejet du Risk Manager de la salle de trading. Même avec un bagage solide, il joue toujours sur le terrain de la Gestion qui forcément tentera d'imposer un ascendant " technique " ou une pression du business. Un support externe est nécessaire pour rééquilibrer les rapports avec la salle, pour remonter sereinement les problèmes ou pour être conforté dans un avis. Cela permet ainsi au Risk Manager de ne pas être isolé.

La proximité est nécessaire mais exigeante car le Risk Manager fait littéralement face quotidiennement à la Gestion. Cela doit donc s'accompagner d'un support attentif bien placé pour le protéger dans son travail.

LM :
En termes de Risk Management, les défis auxquels les gestionnaires d'actifs devront faire face ces prochaines années sont sans doute :

  • D'abord de bien piloter l'évolution de la réglementation pour ne pas alourdir inutilement la charge de reporting et garder au maximum des concepts et des reportings qui font du sens pour les sociétés de gestion et leurs investisseurs. Il ne s'agit pas de tout refuser, mais d'infléchir pour que la réglementation soit la plus pertinente possible et que les reportings réglementaires puissent éventuellement être utiles pour le suivi interne et les reportings aux investisseurs. Est-il normal par exemple que le reporting AIFM soit peu ou prou inutilisé par ailleurs ?
  • Ensuite, d'arriver à mettre en place les systèmes d'information pour répondre aux besoins de reporting interne, investisseurs et réglementaires. Sinon, la société de gestion risque d'être rapidement débordée par l'inflation de reporting !
  • Dans les banques, la lourdeur de la production des risques, des contrôles et des provisions à calculer imposée par la réglementation ou par le contrôle interne, les a conduit à faire travailler les équipes de risques en silo (production d'indicateur, production VaR, pricing et provision, suivi de limites, reporting, ...), avec le risque de perte de vision globale des risques et de l'activité. Les sociétés de gestion en particulier de taille moyenne n'en sont pas encore là, heureusement, mais le rôle du Risk Manager aurait alors beaucoup à perdre en termes de valeur ajoutée pour la société de gestion.
  • Les sociétés de gestion devront aussi progressivement augmenter la technicité des Risk Managers, comme les banques ont dû le faire, pour répondre aux multiples challenges de la fonction.

Propos recueillis par Sia Partners

Laurent MINVIELLE a rejoint La Française Investment Solutions en juin 2014 en tant que Directeur du Contrôle des Risques et Reporting. Il a auparavant été Directeur de la Gestion Alternative chez Edmond de Rothschild Investment Management pendant 3 ans.Précédemment, il a cogéré le fonds de fonds Turquoise pour la Société Générale Corporate and Investment Bank pendant 7 ans. Il a été Responsable de la plateforme de comptes gérés de Lyxor entre 2000 et 2003 et adjoint du Directeur des Risques du groupe Société Générale pour toutes les activités de marché de 1993 à 2000.Il a été macro-économiste en charge des pays du G7 de mai 1988 à août 1993 à l'IPECODE puis à la Société Générale.Laurent est diplômé de l'ENSAE (1984) et titulaire d'un Master 2 Recherche de Mathématiques (1980).


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