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Critique – L’ombre des femmes

Publié le 05 juin 2015 par Avisdupublic.net @avisdupublicnet

Critique de L'ombre des femmes de Philippe Garrel. Crise de couple.

L'ombre des femmes est le 26ème film de Philippe Garrel. Il vient d'être présenté en ouverture de la quinzaine des réalisateurs à Cannes. Un film court, à peine 1h10, une narration ténue, un décor réduit à son minimum et le choix d'images en noir et blanc avec un grain très visible, Philippe Garrel se tient comme toujours en lisière des circuits de distribution et de financement classiques. Et au bout du compte, une belle réussite.

Un couple visiblement très uni

L'ombre des femmes campe un couple de cinéastes en train de tourner un documentaire sur la vie d'un résistant parisien. Lui, Pierre (Stanislas Mehrar) filme tandis que Manon (Clotilde Courau) l'assiste et réalise le montage du film. Quelques petits boulots à côté permettent de payer le loyer du modeste appartement où ils vivent. Même s'il apparaît taciturne, Pierre semble aimer Manon, plus démonstrative dans l'expression de ses sentiments. Mais l'arrivée impromptue d'Elisabeth, une étudiante qui fait un stage à la cinémathèque du Fort d'Ivry, va provoquer l'explosion progressive du couple de Pierre et de Manon. Désirant physiquement Elisabeth, Pierre compte continuer sa relation de couple avec Manon. Il fait preuve d'un égoïsme et d'un machisme confondant surtout lorsqu'il pense, sous la voix d'un narrateur, que tromper ne peut être possible que pour un homme.

Critique L’ombre femmes

Elisabeth et Manon sortent de l'ombre

C'est à ce moment-là que L'ombre des femmes bascule bien loin de la simple description du triangle amoureux. Elisabeth espère en effet, que l'ombre de Manon disparaisse totalement de leur relation, et souhaite fonder une relation durable avec Pierre. Ce que ce dernier réfute assez légèrement ne lui cachant pas que c'est l'amour physique qui lui convient avec elle et que dès qu'elle tombera amoureuse d'un plus jeune que lui, elle l'oubliera. L'ombre des femmes s'attache alors à observer l'effritement progressif de leur relation de couple et pointe les nombreux malentendus et les attentes non comblées qui la régissent. Mais l'intrigue va s'épaissir encore davantage quand Elisabeth va découvrir par hasard que Manon a un amant. Gardant dans un premier temps le silence, elle va le révéler à Pierre, espérant par là-même le conquérir définitivement. Le film se recentre alors sur le couple pour mettre superbement en exergue Manon, servie par une bouleversante Clotilde Courau, qui accuse Pierre de froideur, d'excessif détachement et lui avoue qu'avec son amant elle avait le sentiment d'être regardée, aimée. Sa justesse, redoublée par le minimalisme du décor et l'intemporalité que crée le noir et blanc, va droit au cœur et démontre la qualité de la mise en scène et du scénario.

Une image en noir et blanc qui épure les personnages

Filmant avec beaucoup de grâce chacun des protagonistes de cette histoire, L'ombre des femmes parvient par un dispositif minimum de mise en scène qui rappelle certains films de la nouvelle vague, à creuser son sujet, sans craindre d'aller là où ça fait mal, là où palpitent les sentiments les plus bruts et les moins maîtrisés. Constance du parti pris auquel Philippe Garrel se tient de film en film, qui couronne L'ombre des femmes d'une superbe esthétique et d'un sens de l'épure qui magnifient personnages (Clotilde Courau, Lena Paugam et Stanislas Mehrer sont tous les trois merveilleux) et sentiments. Le travail sur l'image en noir et blanc, avec un grain visible, donne à L'ombre des femmes une tonalité des années 60, les plans fixes superbes sur les visages trahissent le désarroi de Manon et d'Elisabeth et l'apparente désinvolture de Pierre, sur les corps après l'amour, réconfortés momentanément, ou sur les couples en train de marcher se dévisageant sans y paraître sont un régal pour les yeux et mettent en lumière les femmes. Bref, en à peine 1h10, L'ombre des femmes nous en dit beaucoup sur la vie de couple, ses errements, ses faux semblants, ses chausse-trappes, mais aussi sur les femmes plus aptes à dire les sentiments, à faire œuvre de vérité comme lorsque Manon apprend elle-même à Pierre qu'il la trompe (elle s'en est aperçue simplement parce que sa manière d'être avait changé) ou bien à l'enterrement du résistant sur lequel il faisait un film où elle lui révèle que finalement ce n'était qu'un vulgaire salaud (Tu ne le savais pas?). L'ombre des femmes, un film lumineux et profondément égalitaire.

Un autre avis sur L'ombre des femmes : http://www.lesinrocks.com/cinema/films-a-l-affiche/lombre-des-femmes/

Critique - L'ombre des femmes

  • Clotilde Courau bouleversante
  • Les images superbes
  • La mise en scène et le scénario excellent

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