Le président burundais, Pierre Nkurunziza, a signé
jeudi un décret officialisant le report sine die des élections
législatives et communales. Les 17 partis et organisations de
l’opposition ont quant à eux récusé la médiation de Saïd Djinnit,
l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour la région des
Grands Lacs
On ne sait toujours pas quand auront lieu les élections
législatives et communales au Burundi, initialement prévues vendredi 5
juin. Leur report avait été annoncé mercredi par la présidence burundaise
qui avait alors précisé que la Commission électorale nationale
indépendante "[annoncerait] officiellement le nouveau calendrier
électoral qui tiendra compte de la recommandation des chefs d'État de
l'EAC (Afrique de l'Est) et des délais prévus par la Constitution".
Ce
que Prosper Ntahorwamiye, le porte-parole de la Ceni, avait démenti à Jeune Afrique,
expliquant que c'était à Pierre Nkurunziza de prendre les décrets
portant report des élections et convocation du corps électoral à un
certaine date. "À ce jour, nous avons déjà envoyé deux propositions du
calendrier électoral à la présidence. Nous attendons son retour. Le
reste, c'est du verbiage, du mensonge ! Car aussi longtemps que la
présidence n'aura pas publié le décret, il n'y aura pas de calendrier
électoral", a-t-il indiqué.
"Le président Pierre Nkurunziza a signé cet après-midi un décret, a finalement indiqué
jeudi 4 juin Willy Nyamitwe, le conseiller à la présidence en charge de
la communication. "Dans ce décret, il est stipulé que les élections des
conseillers communaux et des députés qui étaient prévues le 5 juin sont
reportées à une date à préciser", a-t-il expliqué, ajoutant que "le
même report s'applique à la période de la campagne électorale".
"Le président n'a pas donné la date parce que la Ceni (commission
électorale nationale indépendante) a proposé plusieurs possibilités", a
cette fois affirmé Willy Nyamitwe. "On doit d'abord réconcilier les
recommandations du sommet de Dar es-Salaam (Tanzanie) et les limites
constitutionnelles". Dimanche, au cours d'un sommet dans la capitale
économique de la Tanzanie, les chefs d'État de la région avaient demandé
un report de ces élections d'au moins un mois et demi, c'est-à-dire
jusqu'à au moins la mi-juillet.
Ce report sine die vise à laisser à la Ceni "le temps d'organiser des
consultations pour que ce soit des dates consensuelles", a précisé un
haut cadre burundais.
Saïd Djinnit récusé ?
Depuis le sommet de Dar es-Salaam, le camp présidentiel et
l'opposition ont exprimé leur volonté de reprendre le "dialogue
politique", initié courant mai sous l'égide de l'ONU. Ce dialogue butte
en particulier sur la fin des manifestations et le troisième mandat du
président Nkurunziza, noeud de la crise. Les deux camps ont estimé que
cette question du troisième mandat n'était "pas tabou" et qu'elle
pouvait donc être désormais évoquée, laissant entrevoir une possible
avancée du dialogue.
Problème, les 17 partis et organisations de l’opposition ont récusé
jeudi la médiation de Saïd Djinnit, l’envoyé spécial du secrétaire
général de l’ONU pour la région des Grands Lacs, l'accusant de
partialité. Il lui est reproché d'avoir montré un penchant pour le
gouvernement lors du dialogue qu'il a mené jusque-là.
L'opposition assure avoir déposé jeudi en milieu d'après-midi au
siège de la médiation une lettre adressée à Ban Ki-moon demandant à
l’ONU de désigner un autre "médiateur". La médiation assurait en début
de soirée qu’elle n’avait pas encore vu ce courrier.
Pressions sur les médias
Dans le même temps, un journaliste français, Thaïs Brouck, de la
chaîne de télévision France 24, s'est vu retirer son accréditation de
travail au Burundi délivrée par le Conseil national de la communication
(CNC). Selon Thaïs Brouck, un responsable du CNC a justifié cette
décision en affirmant avoir reçu des rapports de sécurité accusant le
journaliste d'encourager par sa présence les manifestations. Dans une
lettre officielle à l'intéressé, le CNC a estimé que M. Brouck n'a pas
suivi ce qui était inscrit sur son accréditation, à savoir la couverture
des élections.
Accompagné de deux membres de son équipe, le journaliste a quitté
Bujumbura jeudi pour Kigali, au Rwanda. "Nous regrettons le retrait de
l'accréditation, mais nous sommes en discussion avec les autorités
burundaises pour en obtenir une nouvelle", a déclaré à l'AFP Marc
Saikali, directeur de France 24, contestant tout parti pris dans le
traitement par la chaîne des évènements au Burundi.
Il y a une dizaine de jours, une journaliste de la BBC, pourtant
titulaire d'un visa, avait été refoulée à son arrivée à l'aéroport de
Bujumbura. Au Burundi, la plupart des radios indépendantes du Burundi
sont fermées depuis le coup d'État manqué du 13 mai dernier.
Source : JeuneAfrique