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Michel Onfrey, Eric Zemmour : pourquoi s'entendent-ils?

Publié le 12 juin 2015 par François
Organisé par le journal LE POINT, Franz Olivier Giesbert animait le 5 juin, à Nice, un débat entre deux polémistes connus: Michel Onfrey et Eric Zemmour.
Le premier est auteur de "Cosmos", livre voulant proposer une morale sans dieu dans la droite ligne du "Traité d'Athéologie" du même auteur. Le second a écrit : "Le suicide français", un essai moins métaphysique et beaucoup plus concret, illustré de nombreux faits et chiffres, dans une veine plus historique.
Alors que l'animateur s'attendait à un débat animé, il n'en fut rien. Pourtant, ce débat a montré que ces deux penseurs n'étaient d'accord sur rien. S'ils se sont bien entendu c'est pour des raisons conjoncturelles.
Michel Onfrey a été accusé de dérive droitière,  Eric Zemmour est soupçonné de nourrir un nationalisme ombrageux. Les deux sont d'accord sur le diagnostic du déclin de la France, ce qui les range dans la catégorie des "déclinistes" (avec des gens comme l'économiste libéral Nicolas Baverez et l'académicien Alain Fienkelkraut!) Ils se méfient de la classe politique ce qui peut parfois colorer leurs propos de reflets conspirationistes. Les accusations dont ils se disent victimes en font, du moins,  des alliés objectifs.
Pour le reste rien ne les rapproche. Débutant sur l'Islam et Daesh, Onfrey a développé une vision complètement utilitariste de la religion dans laquelle on opère "des prélèvements" en fonctions des circonstances. Les Islamistes de Daesh ont un mauvais usage de leur religion et ne prélèvent que ce qui justifie leur haine et leurs mauvaises pensées.
Au contrait Zemmour considère que la religion est un fait qu'on ne peut remettre en question et qui s'impose. L'homme ne peut se passer de religion, cependant, la religion en elle-même peut être mauvaise ou porter de mauvais germes qui peuvent perdre ceux qui les suivent.
Si l'un refusait de reconnaître à la religion toute vérité objective, l'autre soutenait l'inverse mais les deux étaient d'accord sur la nécessité de soumettre l'Islam à la République, jetant aux oubliettes, un peu vite, la liberté de conscience.
Michel Onfrey développe une même conception utilitariste de l'Etat. Mai 68 a été, pour cet athée, un vrai mouvement émancipateur et la déconstruction  des structures était un mal nécessaire, mais ce qu'il reproche à l'élite politique et notamment à la gauche dont il se réclame, c'est qu'elle n'a pas proposé une pensée néo 68 sur laquelle il eût été possible de reconstruire. Ce qu'il dénonce, c'est ce vide laissé après les manifestations et qui a ouvert la voie à une "French Theory" véritable mauvaise herbe de la pensée. Le nouveau roman caractérisé par son absence de protagoniste, d'enjeu et d'histoire en est une pathétique illustration.
Si Eric Zemmour partage aussi une vision utilitariste de l'Etat, il considère que mai 68 a détruit de fond en comble toutes les structures traditionnelles aboutissant à une "catastrophe", " c'est que l'individu émancipé est tout seul". Le discours marxiste a été incapable d'expliquer ce mouvement  qui se revendiquait "ni de Marx, ni de Jésus" (Revel). Comment sortir, dès lors, l'individu de cette solitude?
Le cynisme mitterrandien pour Onfrey et l'intérêt bourgeois qui voyait dans la destruction des dernières valeurs morales le moyen d'assurer sa domination sur les masses ouvrières, pauvres et laborieuses, pour Zemmour citant Christopher Nash, expliqueraient ce manque de réponse, coupable, des classes dirigeantes.
On voit que sur ce dernier diagnostique les deux penseurs ne sont pas du tout d'accord. Pour Zemmour il n'y a pas de destruction de valeur qui tienne. En effet, les valeurs c'est la tradition et la tradition c'est ce qui se transmet inchangé, de génération en génération. Au contraire, Onfrey estime que des valeurs peuvent être détruites pour laisser place à d'autres, la destruction peut-être émancipatrice. Zemmour pense que la contrainte c'est bien, Onfrey que l'émancipation c'est mieux. Pour l'un, les valeurs se transmettent, pour l'autre, elles se construisent. On aurait dit un débat entre les anciens et les moderne, entre nature et culture.
Les deux se rejoignent sur "la mort de la civilisation occidentale" pour laquelle ils ne sont pas d'accord concernant le moment d'entonner le Requiem. Onfrey voit de façon "tragique" un occident mourant et propose à l'instar d'Epicure, un salut personnel. Zemmour, s'intéresse aux causes de la mort de la civilisation "judéo-chrétienne" qu'il fait remonter au "cogito ergo sum" de Descartes, base d'une pensée qui veut s'émanciper de Dieu et de la métaphysique pour expliquer le monde.
Vu ce profond désaccord entre Onfrey l'athée et Zemmour le judéo-chrétien, ils auraient du, logiquement hausser le ton, faire entendre leur voix, rien de cela, ils trouvèrent un autre terrain d'entente: le livre de Michel Houellebecq "Soumission", partageant le constat de l'auteur, selon lequel la France risquait de glisser vers "la collaboration".
Les bouleversements internationaux, les difficultés que rencontre notre pays rebattent les cartes des alliances. Désormais un philosophe de gauche s'accorde avec un essayiste de droite contrairement à toutes les règles de la logique. Les divisions d'ailleurs, dépassent le cadre des partis politiques comme si la France était dépassée par les enjeux  économiques, culturels et civilisationels. Est-ce que le cadre national n'est pas trop petit? Faut-il au contraire plus de subsidiarité? La solution ne se trouve-t-elle pas au niveau de l'Europe, ou des régions? Il est temps de redéfinir ce que l'on entend par "souveraineté" et "domaine régalien".

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