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Electorat de droite : implacable sur les migrants africains, magnanime sur les chrétiens d’Orient réfugiés

Publié le 18 juin 2015 par Delits

La mécanique des événements suit une rotation infernale. Depuis janvier 2015, 103 000 migrants ont vu leur odyssée méditerranéenne s’achever sur les côtes européennes, essentiellement en Grèce et en Italie. Face à ce flux, trois régions d’Italie du Nord ont d’ores et déjà affirmé qu’elles refuseraient d’accueillir davantage de réfugiés. Mais l’appel italien à destination de l’Europe s’est fracassé contre les cimes alpines : pas question de partager le fardeau. Environ 150 réfugiés sont bloqués à la frontière, sur le littoral de Menton, parfois prêts à se lancer dans une grève de la faim. Les gendarmes français ont interpellé 1439 migrants dans les Alpes-Maritimes la semaine dernière pour les ramener en Italie. Parallèlement, à Paris, plusieurs campements sauvages peuplés de réfugiés ont été évacués par les forces de l’ordre. Dans le même temps, pour desserrer l’étau autour de certaines villes dépassées par l’afflux de réfugiés, telle Calais, le gouvernement organise un plan « desserrement », disséminant les populations notamment les campagnes.

L’immigration s’invite dans le débat public, et Nicolas Sarkozy s’interroge désormais sur la remise en question du droit du sol. Et ce alors même qu’il déclarait, comme candidat en 2012, « le droit du sol, c’est la France ». Le vent a donc tourné. Ces flux migratoires, provenant majoritairement d’Afrique subsaharienne et de la Corne de l’Afrique, positionnent l’immigration comme la première préoccupation pour une part significative de l’opinion.

UNE OPINION PUBLIQUE ANCREE DANS LA FERMETE

Sur la question migratoire et des drames humains qui en découlent, les Français sont parfois saisis d’élan de grandeur d’âme. Surtout quand il ne s’agit pas de leur sol. Pour faire face à la situation, 80% est ainsi favorable à soutenir le développement des pays d’origine des migrants. En revanche, 70% souhaite obliger automatiquement les migrants dont la demande d’asile est rejetée à quitter le territoire français. Cette ligne de fermeté est également adoptée à propos des démantèlements de campements. La vague d’indignation qui a fait suite aux expulsions de la Halle Pajol et du parvis de l’église St. Bernard (Paris 18) ne reflétait guère la tendance majoritaire de l’opinion. Non seulement la grande majorité (70%) des Français déclaraient ne pas être « personnellement choquée ». Mais 79% approuvait même ces actions de démantèlement.

Sur ces questions, le traditionnel clivage gauche-droite demeure plutôt pertinent. Tel un seul homme, la droite penche en faveur de la fermeté (seul 13% se déclare choqué). Au contraire, la gauche apparaît très divisée (47% choqué). Les expulsions font en effet naître des états d’âme au sein du « peuple de gauche », particulièrement chez les sympathisants d’Europe Ecologie et du Front de gauche.

LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION ILLEGALE, PRIORITE N°1 A DROITE 

L’immigration, thématique constamment nourrie par l’actualité, constitue peut-être la ligne de fracture la plus révélatrice du clivage bipolaire de notre vie politique. Pas tant sur un clivage « humanisme »  d’un côté, « fermeté » de l’autre, car on sait les sympathisants de gauche très divisés à ce propos. Mais c’est la question « la lutte contre l’immigration illégale est-elle un sujet prioritaire ? » qui redonne toutes ses couleurs au clivage.

A droite, les électeurs apparaissent obsédés par cette question : sans surprise, les sympathisants FN la placent largement au premier rang (à 83%), mais Les Républicains également (68%), devant même le chômage (67%) ou la lutte contre la délinquance (64%). Les sympathisants de gauche placent ce thème seulement au 9ème rang de leurs priorités. Dès lors, en remettant en question le droit du sol, Nicolas Sarkozy ne court pas après le Front national : il se synchronise simplement avec son électorat. Un sondage datant de 2013 soulignait déjà que 90% des sympathisants de droite souhaitaient réformer l’acquisition automatique de la nationalité française pour les enfants nés en France de parents étrangers.

UN REGARD NETTEMENT PLUS BIENVEILLANT A L’EGARD DES CHRETIENS D’ORIENT 

Pour les Français, un immigré n’équivaut pas à un immigré. En clair, selon son pays d’origine, la qualité de l’accueil que les Français lui réserveront variera. 32% est favorable à l’accueil « d’Africains », alors qu’ils sont 54% lorsqu’il s’agit des chrétiens d’Orient. Il ne s’agit certes pas de la même nature d’émigration puisque les chrétiens fuient un conflit. Mais, un détail intéressant : c’est à droite que le changement d’attitude est le plus manifeste. Les électeurs de François Bayrou et de Nicolas Sarkozy de 2012, largement hostiles à l’accueil en France d’immigrés africains, sont majoritairement favorables (respectivement 65% et 53%) aux réfugiés chrétiens, issus du Moyen-Orient. On constate donc une connivence religieuse, les catholiques étant plus représentés au sein de l’électorat de droite. Les Républicains, avec François Fillon, Valérie Pécresse ou Thierry Mariani pour figures de proue, constituent sûrement le parti le plus mobilisé en faveur des chrétiens persécutés.

Mais cette solidarité particulière nouée avec les chrétiens d’Orient se ressent même auprès des anciens électeurs de Jean-Luc Mélenchon, pourtant beaucoup plus areligieux. Même largement déchristianisés, les Français renouent ainsi avec une tradition initiée il y a huit siècle, lorsque Saint Louis avait érigé les souverains de France en protecteurs des chrétiens de la région.


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