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Challenge critique 2015 de l’Aica Caraïbe du Sud : Michèle Arretche

Publié le 20 juin 2015 par Aicasc @aica_sc

L’Aica Caraïbe du sud a proposé un challenge critique  le 10 avril dernier  pour  créer un espace de réflexion, d’échanges,  d’émulation entre critiques et  un espace de valorisation des artistes.

Pour en savoir davantage :

http://aica-sc.net/2015/04/10/challenge-critique-2015-de-laica-caraibe-du-sud/

 Les textes sont publiés les uns après les autres sur le blog tout au long de ce mois de juin  et les résultats seront annoncés en fin juin, le temps pour les membres du jury de se réunir et de délibérer.

Ernest Breleur Photo n°1 Série des Christ 1993

Ernest Breleur
Photo n°1
Série des Christ 1993

Ernest BRELEUR
Challenge Aica Sc mai 2015
Michèle ARRETCHE, amateur d’art.

La Série des Christ clôt la démarche picturale d’Ernest BRELEUR.
Elle commence en 1993 alors qu’il a déjà commencé à explorer le matériau radiographique et qu’il a utilisé le collage en particulier de cartes routières dans la Série cartes et la Série des tombeaux en 1992. Elle met un point final au travail de peinture sur le corps, la mort, la décomposition initiée en 1989 avec « la Mythologie de la lune », après sa rupture avec le groupe Fwomajé. (« Manifeste de rupture avec le groupe Fwomajé » fin 1989)
Les œuvres de cette série ont été plus nombreuses que la dizaine que l’on connaît, mais elles ont été détruites ou gravement endommagées suite à des intempéries. (Encore la décomposition, est-ce vraiment le hasard ?)
Ce sont des œuvres de grand format (de 180 à 193 de haut sur 140 à 150 de large) réalisées sur papier, souvent marouflées sur toile, peintes à l’acrylique.

L’œuvre qui nous intéresse est signée de 1994. Elle n’a pas de titre. Elle mesure précisément 190 x 140cm.
Elle nous frappe d’emblée par sa luminosité, en opposition à celles de la série qui sont dans une ambiance sombre, nocturne, crépusculaire.
La lumière qui en émane est telle que l’on pense à un vitrail, on se croirait dans la nef d’une chapelle romane avec son arc en plein cintre sur la voûte et sur les fenêtres et son plan en forme de croix latine. Il en résulte une sensation de sérénité.
Mais quand on s’approche du tableau, les signes habituels et inquiétants du travail de BRELEUR apparaissent : les fenêtres sont en fait des stèles funéraires comme dans la Série des tombeaux, surmontées de croix, on distingue un vase avec quelques fleurs, dessinés avec un trait noir léger et discret, on s’attend à voir des gisants.
Le paysage découpé par les fenêtres est en fait un collage de cartes routières. J’ai longtemps cru que les lieux représentés sur ces cartes étaient des sites de guerre, sûrement influencée par le titre de la Série champ de bataille (pastels gras sur papier, 1992) qui a succédé à la Série cartes.
En fait ces cartes ont été choisies au hasard et nous transportent hors du lieu, dans tous les lieux. Un ailleurs universel fait de routes entrecroisées, chemins rouge-sang, irrigant un pays ? Ou circulation sanguine capillaire irrigant un épiderme ? Artères de compréhension offertes au public, ouvrant la voie à toutes les compréhensions ? La vie ?

Le fond est réalisé à grandes touches, grands gestes, probablement à la spatule ou autre outil rigide, non au pinceau trop caressant, superposant et entrecroisant des couches de peinture industrielle « SIAPOC ! » plus ou moins diluée, plus ou moins séchée et épaissie, dans une gamme de couleur mêlant le bleu, le blanc et le jaune.

Dans cette atmosphère céleste, solaire, oscillant entre la vie et la mort, la représentation du Christ flotte, sans tête, sans mains, sans pieds.
Anonyme, universelle elle nous renvoie au passage entre la vie et la mort, entre la mort et la vie ?

Le travail pictural du corps du Christ évoque les Christ en bois polychromes du moyen âge, qui nous sont parvenus brisés, écaillés, fissurés, et nous revoilà dans la chapelle romane !

Le thème de la crucifixion traverse tout l’art occidental, y compris dans l’art contemporain (Christ sur une chaise électrique de l’artiste britannique Paul FRYER exposé en 2009 dans la cathédrale de GAP), évoquant la souffrance et la mort.

Ernest Breleur Série des Christ

Ernest Breleur
Série des Christ

Mais dans la représentation de BRELEUR, les instruments mêmes du supplice ont disparu : pas de croix, pas de cordes, pas de clous (pas de chaise électrique !).
C’est le corps lui même qui nous montre et nous fait ressentir la torture : la position des bras qui dessine le patibulum, la position des jambes dont les muscles tendus tentent de soulever le corps en prenant appui sur une console invisible afin de retarder l’asphyxie, mais surtout la faisant durer.

Par contre, comment ne pas voir le sexe en érection (cf Daniel ARASSE « On n’y voit rien ! »), plus attendu dans une pendaison (« strange fruit ») que dans une crucifixion ? Sexe, que l’on retrouve sur pratiquement toutes les œuvres de la série.

Comment ne pas y voir une pulsion de vie !

Et voilà le cercle bouclé, le cercle cher à BRELEUR, la mort, la vie, l’Enigme du désir !


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