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Les métiers No.3 Créatrice d’Oelwein

Publié le 25 juin 2015 par Atelierdecuriosite @adc_blog

Cela faisait un moment qu’on essayait de se voir, pour organiser un petit interview, et finalement jeudi dernier j’ai pu rencontré Séverine, la créatrice d’Oelwein (je vous enlève une épine du pied, ça se prononce Oelvaïne), en compagnie d’Ophélie qui travaille chez Etsy et qui  nous a mise en contact. Il y a des rencontres comme ça, sans savoir pourquoi, qui te chamboulent  un peu. Où tout d’un coup les mots que dit la personne sont en total adéquation avec ta manière de penser, où tu te reconnais. Cette rencontre fait partie de celles-ci et je suis vraiment très heureuse de vous en parler aujourd’hui.

Je suis arrivée dans le superbe appartement de Séverine sans avoir vraiment préparé mes questions, j’avais juste griffonner deux/trois axes que je voulais absolument aborder avec elle et puis finalement de fil en aiguille la discussion est partie toute seule. Nous étions toutes les trois à bavarder pendant quelques heures, à se raconter des brides de nos parcours, de nos vies. Un coup de coeur. Séverine s’est prêtée au jeu de la rubrique les métiers et vous allez voir, c’est passionnant !

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Parcours

Pour commencer je demande à Séverine de me raconter son parcours. Elle commence en me disant qu’elle a très vite su qu’elle voulait faire de l’art, c’était une évidence. Pourtant une fois son bac L option art plastique en poche elle se dirige vers une fac de droit, juste le temps de se rendre compte qu’elle n’est vraiment pas faîte pour ça – elle trouve refuge au dernier rang de l’amphi, puis dans un café avant de re-bifurquer vers un cursus  créatif – . Elle intègre alors les Ateliers de Sèvre pendant un an et demi, où elle perfectionne sa pratique du dessin.

Séverine est têtue (c’est elle qui le dit) et veut absolument faire de l’art, elle veut « travailler des installations, faire des vidéos et de la photo, amener les gens dans une ambiance », elle se retrouve donc aux Beaux Arts de Nantes. Nous parlons de son année là-bas, des Beaux Arts, de l’absence de structure dans cette école, du fait que le dessin y est assez mal considéré et qu’il faut souvent se battre pour pouvoir faire ce qu’on veut réellement. Elle part en courant et décide  d’intégrer les Arts Décoratifs de Strasbourg en formation didactique visuelle. Là, dans ce cursus, l’illustration est un support pour l’information, elle est fonctionnelle et permet à tout à chacun de parler un langage commun. Elle y reste cinq ans.

Séverine part six mois en Allemagne pour un échange Eramus où elle s’essaye à la gravure et l’illustration. C’est là-bas qu’elle découvre les procédés d’impressions manuelles, qu’elle ne cessera de travailler alors. Une fois son diplôme en poche, Séverine est engagée en agence. De directrice artistique dans une agence d’évènementiel elle devient graphiste pour Sonia Rykiel. Puis elle quitte son poste pour lancer l’aventure Oelwein, mais à ce moment là ça ne marche pas. Selon elle, elle n’était pas prête à faire le « deuil » de son confort matériel, de son boulot en agence et surtout pas prête pour le travail de titan que demande le lancement d’une entreprise. Elle retourne alors en agence pendant un temps.

En parallèle elle monte un atelier de sérigraphie chez ses parents et commence à imprimer ses prints sur des sacs, des torchons. Oelwein est en train de (re)naître. Finalement le parcours de Séverine est plein de rebondissements, d’avancées, de marches arrière, de bifurcations jusqu’au jour où elle lance, presque en cachette, sa petite boutique Etsy. Elle se fait rapidement repérer et soutenir par la team Etsy, développe de nouveaux produits, signe un contrat avec JolieBox (la Birchbox actuelle). La machine est lancée.

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Créer et gérer sa marque

La conversation continue et nous parlons de toutes ces choses à faire qui sont nécessaires quand on monte sa société. Des formations pour apprendre à faire un business plan, des couveuses qui aident les entreprises, la comptabilité, la gestion des stocks, les financements, toutes ces choses sont fondamentales. Sans une base solide c’est compliqué, comme le dit Séverine « je vais te faire déchanter mais la partie création arrive après toute la logistique et l’administratif. Il faut comprendre qu’avoir une société c’est des responsabilités, de l’argent que tu dépenses sans arrêt, le moindre petit sticker doit se répercuter dans tes prix ». Il faut aussi y croire, que le projet nous tienne à cœur. C’est « un investissement énorme, permanent. Il faut y mettre ses tripes sinon on ne tient pas ». Et Séverine y croit, très fort, depuis le début.

Aujourd’hui Séverine peut se permettre de dégager un peu de temps pour continuer à chercher et à créer , elle a désormais un entrepôt qui gère la logistique de ses produits ainsi qu’une stagiaire. En parallèle d’Oelwein elle continue son travail de free-lance en tant qu’illustratrice et graphiste. Si elle le fait c’est avant tout car cela la passionne et lui permet de vivre. Car Oelwein est son « bébé » et Séverine veut que toutes ses créations lui ressemblent et lui plaisent. Ses boulots en free lance lui permettent de garder la liberté de faire ce qu’elle souhaite. « Tous les produits Oelwein, je les fais car je veux les avoir chez moi, je veux les porter. Si il y a un produit avec lequel je ne m’imagine pas vivre, ce n’est pas la peine ». Séverine est honnête, sa marque reflète sa personnalité et ses évolutions.

Nous parlons de l’importance de rester soi-même et de ne pas rester dans la facilité commerciale. Elle avoue commencer à abandonner certains de ses objets qui ne lui correspondent plus, elle préfère se lancer dans de nouvelles identités visuelles quitte à perdre quelques clients. « Mon univers est plus brut par rapport à ce que je faisais avant, j’ai perdu des clients en route quand j’ai lancé mes nouvelles collections mais j’en ai gagné des nouveaux qui sont plus proches de mon univers et ça me réjouit ». Il y a aussi les réalités des collections, des produits. Certains marchent, d’autres moins. Séverine ne s’embarrasse pas et si un produit ne connait pas le succès souhaité il ne sera pas reconduit. Comme elle dit « il n’y a pas de recette miracle, moi je suis mon instinct, je me fais confiance ».

Alors je lui demande comment ça se passe au quotidien. Bien sûr il n’y a pas de journée type mais il faut avoir conscience que c’est la partie business qui prime. L’administration du e-shop, la préparation des commandes, la gestion des stocks, le service après-vente, les mails, la logistique, le développement commercial (Olewein est représenté  dans plus de 150 points de ventes en France et à l’étranger), la communication sur les réseaux sociaux, les newsletters, la compta et les formalités administratives. Toutes ces choses prennent un temps fou et constitue 90% du travail d’une marque.

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La création et les outils

Nous parlons alors de l’aspect création. Séverine raconte qu’elle développe des intêrets pour des motifs, des formes, des associations de couleurs qui lui viennent comme ça. Elle note beaucoup, écrit pour imaginer ses futures collections. Elle dessine aussi, sur des grandes feuilles avec son éternel stylo à encre noir et son critérium. C’est fascinant. Dans des trieurs elle a répertorié ses recherches et ses motifs, une sorte de compil’ Oelwein.

Pour chaque lancement de collection Séverine m’explique qu’elle se fixe des dead lines. Une semaine avant elle s’enferme, avec le travail qu’elle a effectué en amont, pour décider des nouveaux imprimés ou typologies de produits. C’est sa manière de fonctionner. Elle se laisse guider par son instinct et elle a raison, cela lui réussi.

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L’éthique, le savoir faire

Si Sévrine essaye de faire au maximum de produits Made In France, c’est avant tout le savoir faire qu’elle recherche. Rencontrer des artisans, apprendre leurs histoires, comprendre la fabrication, c’est cela qui la passionne, l’importance du travail fait à la main. Finalement elle préfère délocaliser si c’est au profit de la qualité. C’est pour cela qu’elle m’explique que ses plateaux sont fait en Suède, à la main, sans produit toxique, avec du bois provenant de forêts éco-gérées, ses sacs sont sérigraphiés en Inde, pays de la sérigraphie, dans une usine qui respecte ses employés et ne les payent pas une misère. Une grosse partie de sa production reste faîte en France comme les carnets (ça elle l’a fait exprès, pour le plaisir d’aller dans les imprimeries et d’assister à toutes les étapes), les coussins et les pochettes.

Avoir des produits réalisés éthiquement elle le fait avant tout pour elle-même, ce n’est pas un argument commercial, c’est une nécessité. Elle préfère faire moins de marges plutôt que de proposer des collections non qualitatives et fabriquées dans des conditions inhumaines. Pourtant il y a des réalités, Oelwein est une marque déjà bien implantée, mais elle n’a pas une force de production que requière souvent les usines pour avoir des prix raisonnables (la fameuse logique du prix dégressif en fonction des quantités). Les minimas de commande proposés par les usines sont inatteignables pour les petites structures qui se retrouvent à devoir payer le prix fort et donc répercuter le coût sur les prix de vente. Et ça les clients ne le comprennent pas toujours. Alors comme tous les créateurs, Séverine passe un temps fou à sourcer des fournisseurs pour proposer des produits les plus qualitatifs, abordables et éthiques.

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Et pour la suite ?

Séverine ne sait pas s’arrêter (là encore c’est elle qui le dit) et continue ses projets. Dernièrement elle a ouvert avec des amis une boutique Sortez avec un Suédois qui propose des meubles scandinaves chinés à Malmö en Suéde. Encore un gros projet qui lui prendra trop de temps, trop d’énergie, qui l’a fatigue même d’avance mais elle est comme ça Séverine, elle a besoin de s’entourer de projets pour se sentir vivante et passionnée (un point que je partage que trop bien avec elle) et du coup elle se donne à fond. Elle continue aussi son travail de free lance car, elle m’explique « l’un nourri l’autre, ça me permet de sortir le nez de ce que je fais habituellement et de pouvoir avoir de nouvelles inspirations, de nouvelles idées ».

En parallèle elle gère les collaborations que lui proposent les marques. Apposer la Oelwein touch sur des produits iconiques, comme dernièrement sa collaboration avec Bensimon ou encore Vans. Mais ce qu’elle aimerait vraiment faire c’est développer des produits en partenariat avec des marques, de nouvelles typologies de produits comme des tapis, du papier peint… avis aux intéréssés Séverine est prête à relever le défi ! Je lui pose une dernière question, si elle avait les moyens de développer n’importe quel produit, sans aucune restriction de moyen, qu’est-ce qu’elle aimerait faire ? Séverine me répond tout naturellement « des chaises, je crois que j’aimerai faire des chaises ».

Nous terminons notre discussion en nous disant que nous avons 1000 projets, nous sommes un peu stressées, mais heureuses de faire ce que l’on fait et c’est bien le principal.

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Merci à Séverine et Ophélie pour cette si jolie rencontre, avoir dépassé la frontière du virtuel,  connaître l’histoire de Séverine et d’Oelwein, partager des valeurs communes, l’amour des rencontres et du partage me fait encore plus apprécier cette jolie marque.

Vous trouverez les créations de Séverine sur sa boutique Etsy Oelwein et pour les parisiens Séverine vous invite samedi 27 Juin à une braderie de ses anciennes collections en compagnie d’autres créatrices, toutes les infos sont à retrouver sur l’event facebook. Sinon suivez les aventures d’Oelwein sur Facebook ou Instagram.

J’espère que vous avez apprécié cette rencontre, à très vite. Belle journée !

Deborah


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