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comment tromper son mari, les voisins et l'hôtelier

Publié le 02 juillet 2015 par Dubruel

d'après~LA CHAMBRE 11 , de Maupassant

C'est dans l'armée que Mme Jeanson Cueillait ses amants. Elle les gardait trois ans, Le temps de leur séjour en garnison. Elle n'avait pas d'amour, elle avait des sens. Dès qu'un nouveau régiment arrivait, Elle prenait des renseignements Sur les officiers de trente à quarante ans, Car avant trente, on est parfois peu discret Et après quarante, on faiblit souvent.

Après avoir distingué celui qui l'aimerait, Elle donnait un bal. Elle invitait l'officier. En valsant avec lui, elle le serrait... Comme pour se donner. (Les femmes devraient toujours user De ce procédé Pour nous annoncer Leur besoin d'être aimée. Cela éviterait perte de temps, Paroles superfétatoires et compliments.)

Mme Jeanson profitait D'une tendre danse pour murmurer À son cavalier :

-" Venez me retrouver Mardi soir à neuf heures À l'hôtel "Les Trois-Sœurs". Vous demanderez Mlle Cécile. Je vous attendrai. Surtout, soyez vêtu en civil. ".. Depuis huit ans, en effet, Elle louait à l'année, Une nuit par semaine, Le mardi, la chambre N° 11 des "Trois-Sœurs"

Voici le moyen parfait qu'elle employait : tous les mardis, Elle organisait en ville des réunions De bienfaisance et de piété. Elle s'y rendait Et...très rapidement s'en absentait.

Afin que son mari N'ait aucun soupçon, Elle lui annonçait au diner :

-" Ce soir, comme tous les mardis, Je vais à l'Association. " Et au dessert, elle le quittait. Ensuite, elle empruntait Une ruelle peu fréquentée. Là, elle remplaçait Son chapeau Par un bonnet de toile blanc et nouait À sa taille le tablier Qu'elle avait caché dans son sac à main.. Puis, elle enveloppait ses vêtements de ville Dans un grand torchon Et trottinait, guillerette, jusqu'à l'hôtel,Telle une bonne qui va faire les courses.

Qui donc aurait reconnu Mme Jeanson ? Le patron des Trois-Sœurs, M. Darnel, Eut été bien surpris S'il avait appris Que sa cliente était Mme Jeanson, La femme du Premier Président Jeanson.

Voici pourtant comment un jour il apprit la vérité : La chambre 11 étant libre des mercredis Aux lundis suivants, Darnel ne la louait qu'aux clients ayant réservé Pour l'une ou l'autre de ces nuits-là.

Un jour, Tandis que le Premier Président Était retenu à Paris jusqu'à la fin de la semaine, Mme Jeanson proposa à son amant :

-" Veux-tu me rejoindre aussi Demain mercredi ici ? Si tu arrives le premier, mon chéri, Ne m'attends pas. Mets-toi au lit. " Ils s'embrassèrent Et se séparèrent.

Or, Le lendemain, à midi, à l'hôtel les Trois-Sœurs, Se présenta un voyageur qui se fit servir un copieux déjeuner Très arrosé. Se sentant ensuite barbouillé, Il demanda à se reposer. Ses autres chambres étant occupées, Darnel lui a attribué La chambre de Cécile.

Mais à six heures, N'ayant pas vu redescendre le voyageur, Il monta en vitesse le réveiller. Aussitôt, il redescendait, affolé :

-" Dis donc Léonore, L'artiste de la chambre 11, il est mort ! " Elle leva les bras :

-" Seigneur Dieu ! c'est-il le choléra ? "

-" Non, l'animal A plutôt eu une congestion cérébrale, Vu qu'il était noir comme la lie du vin. "

-" N'en parle point. On l'emportera t'à la nuit pour ne pas être vus ..Et ni vu ni connu ! " Or, comme convenu, à neuf heures, Mme Jeanson pénétrait Dans sa chambre réservée, la N° 11. Elle se dévêtit Et comme son amant ne disait mot, Et lui a demandé :

-" Dors-tu, mon gros ? " Puis, elle courut au lit, S'y glissa, Et saisit à pleins bras Le cadavre glacé. En découvrant un visage inconnu. Mme Jeanson frémit de la tête aux pieds Elle poussa de terribles cris, et s'enfuit nue Dans le couloir de l'hôtel tout en hurlant. Un voisin, effaré, lui demanda :

-" Belle enfant, Qu'est-ce qu'il y a ? " Éperdue, elle balbutiait :

-" Dans...dans ma chambre...un macchabée ! "

Au même instant, Le commandant, son cher amant, Gravissait l'escalier de l'hôtel. Mme Jeanson se jeta sur lui en criant :

-" Sauvez-moi, Gontran, Il y a un mort dans notre chambre, ici.

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Le capitaine de gendarmerie, après un bref interrogatoire, Rendit très vite sa liberté au couple. Mais il ne fut pas discret. Il racontait l'histoire à qui voulait l'entendre.

Le mois suivant, M. le Premier Président Jeanson Recevait un avancement... ...Et une nouvelle affectation.


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